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23.04.2009

Cynisme communiste - Réalisme de la cruauté.

Solidarnosc.jpgAu Vallon de Villars, Chamby le 22  avril 2008

Cher Bertrand,

D’emblée tu me poses la question : Philip, faut-il geler ou ne pas geler l’accès à la rubrique "commentaires" de nos échanges ? 
Ce choix m’est proposé suite à quelques péripéties animées avec une interlocutrice. Ce gel printanier des commentaires aurait donc pour but de maintenir un certain climat de sérieux, de sérénité autour de nos échanges.

Cette rubrique, comme toutes ses semblables de « L’Exil des Mots », n’est-elle pas actuellement accessible librement aux humeurs de nos lecteurs ?  Pourquoi  alors nos correspondants ne pourraient-ils plus continuer à commenter à leur guise nos échanges épistolaires, même au risque de certains pataquès ?  Pourquoi devrions-nous, pour notre confort ou pour celui d’hypothétiques lecteurs incommodés par des polémiques intempestives, condamner à un triste exil des mots tous  nos commentateurs ?

Nos échanges racontent la Pologne, les Polonais, leur histoire, leur vie d’aujourd’hui, tels que, toi et moi, nous les voyons, nous les ressentons, nous les comprenons. Nous essayons d’être sans fard et sans complaisance et nous ne saurions laisser de côté la passion que nous éprouvons tous les deux pour ce pays et ses habitants.  Pour finir, cher compère, tu me laisses aussi la responsabilité du choix final en me précisant que seule ma voix compte pour trancher cette question.

Tout cela n’est-il pas tournure rhétoricienne de ta part, Bertrand ? Car tu connais ma réponse. Non ?  …
Alors confronté à ton silence dubitatif et pour entretenir le suspense, je garderai cette réponse pour la fin de ma lettre.

Venons-en à notre actualité épistolaire. Tu t’inquiètes à juste titre de l’esprit « taiseux », de cette espèce de brume de silence qui règne autour de la diffusion du film de Wajda sur Katyn en Europe et tu me signales le cas de l’Italie. J’ai lu, entendu et vu l’essentiel de ce qui se racontait sur ce film sur Internet, dans la presse et à la télévision.

Bertrand, je crois que nous pouvons écarter toute idée de complot ou de censure politique avouée ou inavouée des distributeurs et des médias européens. Dans plusieurs interviews et même à la télé française, Wajda en personne fustige la responsabilité de la Télévision Polonaise productrice du film et responsable, selon les propres mots du réalisateur de Katyn, d’une politique de distribution archaïque, digne d’une administration vétuste encore sous l’influence déglinguée de l’idéologie bureaucratique héritée du passé communiste.

En effet, il semblerait que les choses soient plus compliquées et plus obscures que la  fulgurance d’un acte de censure caractérisé. Je connais, par mon métier d’imagier, les logiques commerciales implacables des productions, des coproductions et  des filières de distribution des œuvres cinématographiques en Europe.

Le cinéaste a choisi de ne produire son film qu’avec des financements polonais pour pouvoir contrôler l’indépendance de son scénario, celle du choix de son casting, de son esthétisme et de ses  techniciens. Cette logique de faire de son film une affaire strictement polonaise, on a même refusé une participation d’Arte ou de Canal-plus,  est malheureusement révélatrice d’un choix qui  condamnait Wajda, par avance,  à avoir une distribution chaotique de son oeuvre sur notre continent.

Du coup, aucune stratégie commerciale, faisant de ce film un événement cinématographique européen n’aura été possible. Ce film dès lors a été distribué dans chaque pays, pris isolément, par des petites sociétés opportunistes, sans grands moyens promotionnels, avec un petit nombre de copies, dans un petit nombre de salles.

Ces sociétés qui exploitent ce type de créneau de diffusion ingrat ont au moins le mérite de le faire. On ne saurait donc leur jeter la pierre. Le cinéma est et restera avant tout une entreprise commerciale, que le veuillent ou non les idéalistes et les puristes. Et cerise sur le gâteau une diffusion « télé-commerciale » a gravement court-circuité la sortie en salle.

Je ne connais pas les motivations profondes de Wajda dans le choix de cette politique de production et de diffusion. Mais ce que je vois c’est que ce grand cinéaste ne s’est pas plaint un seul instant d’un boycott ou d’une censure quelconque de l’industrie européenne du cinéma à son égard. Il n’a publiquement dirigé ses critiques que contre ses diffuseurs polonais.

Alors comment comprendre notre malaise, comment comprendre cet aura de silence qui accompagne la sortie de ce film en Europe, comment interpréter la circulation de ces rumeurs de censure, de boycott ? Et si nous touchions là à ce que j’appellerais la « Question polonaise ». Car il y a bien une « Question polonaise » en Europe.

Krzysztof Pruszkowski, mon ami artiste photographe polonais, vivant en France depuis plus de quarante ans, me disait, ces jours, sa lassitude de devoir, au sujet de son pays, sans cesse expliquer des vérités, sans cesse déjouer des mensonges, sans cesse se confronter aux sourires entendus, aux sarcasmes, sans cesse expliquer et informer sur l’Histoire de la Pologne ignorée de ses contemporains, sans cesse réfuter les accusations sur l’antisémitisme du peuple polonais, sans cesse montrer le lien profond entre le nationalisme polonais et le catholicisme, bref sa lassitude de devoir manifester en permanence d’une obligation de réfuter et de convaincre.

Krzysztof me disait son agacement devant la légèreté ou la condescendance avec laquelle des intellectuels européens prétendent lui expliquer les défauts et le passéisme de la société polonaise.  On veut lui expliquer la Pologne à lui, « pauvre artiste polonais », lui qui n’aurait sans aucun doute pas toutes les informations, ainsi que la culture critique nécessaire pour comprendre son pays. Et bien sûr, il s’agit  d’une critique politique et sociologique selon les normes et les schémas en vigueur  chez les spécialistes en Histoire et en sciences humaines des pays de l’Ouest qui n’ont jamais vécu sous un joug communiste.

La pensée communiste, la pensée socialiste, la pensée de gauche, la pensée progressiste, la pensée républicaine de gauche comme de droite ont fortement marqué les artistes, les intellectuels et l’opinion publique en général sur la question de l’appréciation historique du communisme et du socialisme réel pratiqué en Europe dite de l’Est et en URSS.

Cette population, pour l’essentiel, Bertrand, est représentée par notre génération. Les avis sur la question du socialisme réel relèvent du déni de fait, du déni de réalité, du déni d’Histoire.
La chute du communisme est pour la plupart de ces gens, l’échec d’une idéologie, d’un projet politique en soi généreux, idéaliste, novateur, révolutionnaire, utopique fondamentalement bon et représentant un progrès par rapport au capitalisme et à la démocratie parlementaire. Ce projet n’a pas pu se réaliser correctement comme il l’aurait dû, puisque qu’il a été confronté dès sa naissance à la réaction hystérique des pays capitalistes. Son échec et aussi dû au fait que ces « peuples de l’est européen en retard de progrès» n’avaient pas les connaissances et le degrés de civilisation nécessaire pour faire triompher l’utopie sociale.

Un fameux historien communiste anglais, Eric Hobsbawn, apprécié de notre génération, best-seller à travers le monde avec son livre le « 20 ème siècle, le siècle des extrêmes », répand bien cette idée d’un communisme du « goulag » pour la bonne cause, puisque le communisme est historiquement le seul projet de « libération de l’humanité du capitalisme et de l’impérialisme ». Les dizaines de millions de victimes du socialisme réel sont des « victimes objectives » des « victimes inévitables » selon cet historien très prisé. Staline et tous ses acolytes ne pouvaient pas faire autrement pour mener à bien la révolution communiste. La terreur était la seule voie. Il fallait la tenter à tout prix pour le « bonheur hypothétique » de l’humanité tout entière.

Ce personnage très âgé, qui ne renie et ne regrette en rien son engagement dans le PC anglais, rajoute à ce cynisme percutant un mépris profond pour les peuples soumis à ce joug terrifiant. Selon son enseignement de l’Histoire, ces peuples victimes de cette expérience n’étaient pas assez mûrs techniquement, culturellement et économiquement pour réussir cette révolution en tout point géniale, prédite par Marx et initiée par Lénine.

Bertrand, je crois que cette manière de penser l’Histoire est bien profondément ancrée dans nos sociétés capitalistes de l’ouest européen qui ont échappé à la dictature du communisme bureaucratique. Ainsi une grande partie de l’élite de ces pays n’a pas pris la dimension réelle de ce qui s’est passé à l’Est de l’Europe et particulièrement en Pologne depuis 1945 à aujourd’hui.

1968. Alors que toute la jeunesse de l’Occident descendait dans la rue contre les pouvoirs vieillissant issus de la génération de la guerre, que la France forgeait son mythe de Mai 68 à coup de drapeaux rouges et de slogans à la gloire du marxisme-léninisme, pendant ce temps en Pologne, la répression du régime communiste réel s’abattait brutalement sur l’opposition étudiante et ouvrière qui manifestait contre l’absence des libertés fondamentales dans la société socialiste.

Dans toute la Pologne des milliers d’étudiants sont exclus des universités. Les syndicats et le parti sont encore et encore épurés des  « éléments à la solde de l’impérialisme et du sionisme ». Le vocable « antisioniste » alimente alors une propagande anti-sémite du Parti Communiste contre les dirigeants juifs étudiants tel Adam Michnik. Les autorités somment les juifs de choisir  entre la fidélité à leur patrie la Pologne ou leur départ pour Israël.

C’est alors que toute l’opposition de gauche au pouvoir stalinien fut éliminée des organes de représentation. Cette répression politique eut des conséquences immenses dans l’accélération historique de la chute du communisme à l’Est. Pour cette génération de la gauche nouvelle, 1968 fut la fin de toute illusion de réforme du communisme. Une génération entière d’opposants abandonna toute référence aux classiques du marxisme. Elle renonça à tout espoir de pouvoir réformer la dictature socialiste de l’intérieur.

Une nouvelle opposition vit ainsi petit à petit le jour. Celle-ci, rejointe par d’autres courants conservateurs, a déterminé le caractère politique et idéologique de l’opposition polonaise pour les deux décennies suivantes. Au cours de la montée révolutionnaire de 1980-81 leur langage et leurs convictions furent dominants au sein de Solidarnosc. Le coup d’Etat du général Jaruzelski, en décembre 1981, confirma aux yeux de la majorité de la population la justesse des enseignements que ces opposants avaient tiré de  la répression de 1968.

A l’Ouest, pour beaucoup de sympathisants de la révolution polonaise, cette transformation de l’opposition polonaise ne fut pas comprise au même rythme que celui où elle se déroulait dans le pays même. Ainsi l’ignominie des communistes fit apparaître au grand jour les valeurs cachées du conservatisme et les qualités morales de l’Eglise catholique. C’est l’Eglise, seule autorité morale qui disposait d’une autorité suffisante dans le pays, qui prit la défense des étudiants emprisonnés et insultés. Lorsque les autorités communistes avaient écrasé leurs propres normes légales pour maintenir leur pouvoir, le respect des conservateurs pour ces normes prit alors un sens nouveau.

Ce qui s’est passé en Pologne marqua la fin du « siècle d’or » des idéologies communistes révolutionnaires, la fin pour une génération entière de toute croyance dans les possibilités d’une révision du socialisme réel, comme de celle en une idéologie communiste qui puisse être prise au sérieux, en y trouvant des valeurs authentiques et la force pour une pratique politique contemporaine.

Actuellement trois générations animent la Pologne que nous connaissons. Celle qui a fait la Révolution de 1989, celle qui a fait ses premiers pas politiques pendant la révolution et qui a grandi sous le post-communisme et celle qui a 20 ans aujourd’hui et qui est née sous le capitalisme post-communiste.

De cette vie nouvelle de la Pologne bien peu de médias et de journalistes nous en parlent. En cette année 2009, la Pologne n’est même pas célébrée à sa juste valeur pour son rôle éminent et déterminant dans la défaite du communisme de 1989 qui a entraîné la chute du mur, puis la fin de l’URSS. Seule la chute du Mur de Berlin est unanimement célébrée à cause de son côté immensément spectaculaire et symbolique de la fin de la division de l’Europe en deux. La victoire de Solidarnosc est à peine évoquée. Et le peuple des Allemands de l’Allemagne de l’Est passe aujourd’hui pour le héros de cette histoire.

La Pologne n’en dit rien, mais son peuple a de la mémoire, et à raison, il nous en veut à nous ses cousins européens, pour ces oublis, pour ces maladresses à répétition. Rien n’a été plus significatif de ce mauvais esprit européen à l’égard de la Pologne, que cette arrogance allemande, il y a trois ans maintenant, qui ne cessait, dans les institutions européennes, de distiller un révisionnisme d’appellation concernant les camps de la mort allemands en Pologne. Pendant plus d’une année des officiels et des politiciens allemands désignaient « Auschwitz, Birkenau, Majdanek, Sobibor, Treblinka, Chelmno, Belzec » en tant que « Camps polonais de la mort ». 

Ces Allemands prétextaient que le qualificatif « allemand » ne convenait pas pour décrire ces camps d’extermination. Selon eux le peuple allemand en aurait toujours ignoré l’existence, puisque l’extermination des juifs d’Europe par les autorités allemandes était tenue secrète. Seuls les Nazis connaissaient l’existence de ces camps. Les restes, les ruines de ces camps ne pouvaient donc être qualifiées de « camps de la mort allemands ». Dès lors le qualificatif de leur localisation géographique paraissait aux yeux de ces gens comme étant le plus adéquat pour leur appellation : « Camps de la mort polonais ». Quelle ignominie et quelle insulte !

Il a fallu une très forte mobilisation de l’opinion, menée par les Polonais, pour obliger les Allemands à cesser ces manœuvres révisionnistes au sein des instances européennes.

20 ans après la Révolution, la Pologne est en crise et à la recherche de ses valeurs, de ses repères d’aujourd’hui. Lech Walesa, le héros de Solidarnosc, le Prix Nobel de la Paix, le premier président de la Pologne après le communisme est lui-même mis en cause par un jeune historien de la génération qui n’a pas connu le communisme. Accusé par ce jeune homme, d’avoir collaboré avec la police politique communiste, ce truculent personnage historique menace de quitter son pays si les autorités n’interviennent pas pour rétablir son honneur. Les révélations de compromissions de centaines de personnalités de l’opposition anticommuniste avec les services secrets du régime communiste ont ébranlé les mémoires et détruit des figures de valeur.

Une partie de la jeunesse actuelle se décrit comme paumée et désabusée face au conservatisme des gouvernements successifs de ces dernières années. Le Pays se sent perdu entre le souvenir de la période communiste, la nostalgie des espoirs de la Révolution et l’espérance déçue d’une amélioration rapide des conditions de vie pour la majorité, avec l’adhésion pourtant prometteuse à l’Union Européenne.

De cette Pologne, on ne nous en parle guère. Et c’est de celle-ci qu’ensemble nous devrions parler aussi et peut être avant tout, cher Bertrand, parce qu’elle est vivante et que le rappel sans cesse du passé ne suffit pas à sa faim de démocratie, de justice sociale, d’équité et de valeurs culturelles. Une nouvelle génération de créateurs, d’écrivains, de musiciens, de cinéastes est née. Nous la découvrirons ensemble et la ferons découvrir à nos correspondants, nos lecteurs.

Quant à nos COMMENTAIRES, puisque j’en ai par toi l’autorité, Ami Bertrand, je les déclare solennellement OUVERTS.

Fidèlement à toi.
Philip Seelen.

 

Image : Philip Seelen

10:14 Publié dans Correspondances avec Philip Seelen | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Et bien, puisque les commentaires restent ouverts, profitons-en.

Bien intéressant cette histoire politique de la Pologne. Ce qui se passait là-bas du temps du communisme, je le connais un peu par personne interposée. Un de mes oncles avait été réquisitionné en 1941 pour le travail volontaire en Allemagne (tous les jeunes gens qui auraient dus rentrer à l’armée comme miliciens cette année-là étaient envoyés en Allemagne). Comme il ne s’était pas présenté spontanément, il a été arrêté par les gendarmes français (après une course-poursuite dans les rues du village) et remis aux autorités allemandes. Ensuite, il s’est retrouvé en train de travailler dans une boulangerie industrielle en Pologne occupée. Il n’y fut pas malheureux dans la mesure où il mangea à sa faim, luxe inouï pour l’époque, et qu’il y rencontra celle qui allait devenir son épouse et qu’il ramena en France en 1945. Cette dame, au demeurant fort gentille, devint donc ma tante par alliance. Chaque année, ils passaient donc leurs vacances en Pologne communiste et à leur retour ils racontaient la vie la-bas : les tracasseries administratives, les longues files d’attente à la frontière (13 heures, dix-sept heures, etc.), les paquets de café ou de chocolat qu’ils emportaient avec eux pour cette famille polonaise qui était privée de tout, mais qui les accueillait par un grand festin (orgueil de ces gens matériellement démunis qui se privaient plusieurs semaines pour pouvoir accueillir au mieux ces parents éloignés). Tout cela pour dire que leur conception de l’idéal communiste s’est trouvé fort tempéré par tout ce qu’ils ont vu la-bas et donc que finalement ils avaient bien plus conscience de la nature politique du régime (dictature archaïque et bureaucratique) qu’un Jean-Paul Sartre par exemple, ou qu’un Aragon qui continuaient l’un et l’autre à fermer les yeux.

Maintenant, je me pose des questions sur ce rôle de l’Eglise. Etait-elle déjà puissante au départ, parce que la Pologne est un pays périphérique où les idées circulaient moins vite qu’ailleurs (voir la position de l’Irlande et du Portugal sur l’avortement par exemple) ? Cela voudrait dire, dans ce cas, que ce serait par archaïsme que la population continuait à être très pratiquante. Ensuite, cette force morale réelle que constituait l’Eglise se serait opposée au régime en place, avec toute la population derrière elle. Ou bien est-ce le contraire ? Les gens se seraient-ils raccrochés au catholicisme parce que c’était le seule manière de marquer son opposition au régime ?

Par ailleurs, il est certain que ce n’est pas un hasard si on a choisi un pape polonais à un certain moment. C’était manifestement une manière d’appuyer cette Eglise polonaise dans sa lutte contre le communisme athée.

Écrit par : Feuilly | 24.04.2009

Cher Feuilly,

Ce commentaire de la lettre de Philip fait partie de ces satisfactions et de ces joies que procurent l'écriture et de ce qu'elle met sur notre chemin d'amis.
Car je suis ému de ce que tu nous transmets de ton oncle et de ta tante. C'est tellement édifiant.
C'est presque (Philip nous dira ce qu'il en pense)le paysage récurrent des Polonais : l'exil, toujours l'exil, encore l'exil...Mais, avec au fond du cœur, cette nostalgie du déracinement, de la fuite en avant, toujours...
Ta tante, brave dame, était heureuse sans doute d'être "passée à l'ouest," selon l'expression consacrée, mais portait dans son cœur, secrètement ou ouvertement, la nostalgie de son territoire, volé, occupé, écartelé.
S'étaient-il installés dans la région de Mauzé, d'où je viens ? Il me semble que tu m'avais dit ça, une fois, à propos de la Foye Montjault.

J'avais, hasard des destinées, dans mon minuscule village de Charente-maritime, comme voisin un vieux couple de Polonais. Cinquante après, ils parlaient encore difficilement le Français. Des gens exquis..Lui, le pépé, a toujours refusé de revenir en Pologne. Elle, la brave mémé, à 75 ans, a fait le voyage pour la première fois à la fin des années 90.
J'avais alors demandé à mon voisin, chez qui j'achetais régulièrement des œufs : La patronne est pas là ?
- Non...Oh, tu sais...Patronne partie Pologne. Partie voir famille pas vue depuis guerre..Depuis guerre, répétait le pépé en baissant la tête et moi j'étais les bras ballants...
Je m'étais retourné sous un prétexte futile. Qu'il ne voit pas l'humidité de mes yeux...
Merci Feuilly.


Pour l'église polonaise, il y a beaucoup, beaucoup à dire. Je pense que nous aborderons longuement le sujet avec Philip...
En lisant Norman Davies et son "Histoire de la Pologne", et bien que je conteste des choses des points de vue chez cet historien Anglais, j'ai compris le malaise de la Pologne, très à l'est à l'époque. Premier pays à se tourner vers Rome, en 966.
Beaucoup de ses déboires viennent de là...De ce choix, au milieu du monde slave.
Jean Paul II ? Oui...Le coin enfoncé dans le bloc, pour qu'il se fissure...Difficile même pour des Russes, d'intervenir militairement dans la patrie du pape..Sinon, en 80....Nous en reparlerons et, tu t'en doutes, les avis des Polonais sont très partagés là-dessus.
En revanche, Dorota me disait un jour qu'à la différence de l'ouest, l'Église avait été, ici, du côté des opprimés....Ce qui changeait fondamentalement son statut dans les consciences individuelles, par rapport à nous chez qui elle a toujours été du côté du pouvoir,
Amitié..Je laisse le micro à notre ami Philip, s'il passe bientôt par là...

Écrit par : Bertrand | 24.04.2009

Et pour terminer ce tableau, je tiens à préciser que mon oncle est aujourd'hui décédé et que ma tante, la pauvre, est atteinte de la maladie d'Alzheimer. La dernière fois que je l'ai vue, il y a quelques années déjà, elle ne parlait plus que polonais, sa jeunesee lointaine et sa Pologne natale remontant spontanément à la surface comme un îlot qui avait encore du sens au milieu de sa mémoire qui sombrait définitivement. La vie ne fait pas de cadeaux. Elle est tragique, toujours.

Écrit par : Feuilly | 24.04.2009

Chose folle, chose troublante...La mémoire qui ne sélectionne que des moments "avant", occultant tout un parcours, toute une vie.
J'ai connu, dans la Vienne, un vieux pépé qui ne se souvenait de rien, qui ne pouvait plus assumer son présent tant il oubliait tout, même de manger et qui, avec une précision tragique parlait de ses années dans les tranchées, de Verdun, de la cavalerie jusqu'en 1916. Il en parlait en disant : "hier" ou "l'autre jour" ou parfois "la semaine dernière..."
Comme des cons (on avait vers dix huit ans ) on rigolait comme des perdus !

Écrit par : Bertrand | 24.04.2009

Arobase,
Feuilly,
Cher compagnon épistolier,

Cela fera bientôt 4 mois que nous nous connaissons et nous nous fréquentons par nos échanges épistoliers nés au cours des péripéties sanglantes de la Guerre de Gaza. Cela me touche que nous nous écrivions toujours et que cette fois ci, en regard de la Palestine, nous échangions nos expériences et nos idées sur la Pologne.

Votre intérêt, votre besoin de comprendre, votre refus de juger abruptement la situation complexe du conflit israélo-palestinien m'avaient encouragé à échanger avec vous de longs développements sur la nature et l'origine de cet affrontement meurtrier entre deux peuples éminents de l'histoire de l'Europe et de l'Orient.

Aujourd'hui nous nous retrouvons chez Bertrand pour échanger nos pensées et nos émotions sur la Question polonaise qui lui est chère. L'attachement de Bernard, le vôtre, le mien pour ce pays, ce peuple trouve ses raisons dans les passions humaines qui nous font vivre. Passion d'amour, passion des vies, passion d'histoire, passion de la compréhension du monde, passion des arts, passion de la littérature.

Cette histoire de vie de votre oncle, de sa déportation en Pologne, de son amour pour votre tante, de cette relation maintenue avec le pays martyrisé et oppressé, cette histoire nous lie plus que nous pouvons l'imaginer et nous entraîne à partager notre passion des gens, notre passion d'écrivains des gens, notre passion du réel et du romanesque.

Je partage cette joie de l'écriture qu'évoque ci-dessus Bertrand dans sa réponse à votre adresse et que nous autorise le concept des blogs littéraires.

Pour ce qui est de la question religieuse dans l'histoire polonaise, il s'agit là d'une question complexe et passionnante que nous ne cesserons, comme l'écrit Bertrand, d'aborder, de témoigner, et d'approfondir. Impossible de comprendre la Pologne et son peuple sans comprendre cette relation historique intense et complexe qui lie le catholicisme romain et cette nation qui se surnomme Royaume éternelle de Marie.

La dévotion à Marie remonte dès le 10ème siècle. Les plus anciennes cathédrales du pays sont dédiées à Marie. Avec la Vierge noire de Czestochowa, Marie Reine de Pologne, Reine des Polonais est une des images les plus marquantes de la Pologne de ces temps reculés jusqu'à nos jours.

Cher Feuilly je ne veux pas vous faire une leçon d'histoire mais lisez ceci qui nous fait comprendre le profond attachement de la Pologne à l'Europe et à son histoire.

Les premières relations connues entre l’Anjou et la Pologne s’ouvrent au XIVe siècle et sont la conséquence de l’accession des princes angevins au trône de Hongrie. Le frère de saint Louis, Charles Ier d’Anjou, roi de Naples depuis 1266, marie son fils Charles II à l’héritière du roi Ladislas IV de Hongrie. Après une lutte acharnée contre le roi de Bohême, le petit-fils de Charles II, Carobert, ceint la couronne de Hongrie en 1310.

Il épouse Élisabeth, sœur du roi de Pologne Casimir III, avec qui il noue de solides liens d’amitié. Aussi Casimir signe-t-il un accord avec Carobert selon lequel la couronne polonaise reviendrait à la dynastie angevine s’il ne laissait pas d’héritiers. Ce qui arrive effectivement en 1370 au bénéfice du fils de Carobert : Louis d’Anjou. Quand celui-ci meurt en 1382, les seigneurs polonais font hommage de la couronne de Pologne à sa troisième fille, Hedwige.

C’est ainsi qu’une princesse d’origine angevine est à la tête de la Pologne, jusqu’à sa mort en 1399. Tous les historiens assurent qu’elle vécut pieusement. D’après son épitaphe, elle fut « la colonne de l’Église, la richesse du clergé, la rosée des pauvres, l’honneur de la noblesse, la pieuse tutrice du peuple ». Elle fit don de ses biens, moitié aux pauvres, moitié à l’université de Cracovie. C’est elle qui donna la Vierge Marie comme patronne à la Pologne. Ses vertus ont été reconnues par sa canonisation en 1997 par Jean Paul II.

Si je puis dire ces mariages entre français et polonais perdurent jusqu'à nos jours et la vie partagée de votre oncle avec votre tante, celle de notre ami Bertrand avec Dorota se situent dans le droit fil d'une histoire millénaire entre les deux peuples et les deux cultures.

Nous pouvons prendre ici la mesure de l'enracinement profond de la Pologne en Europe, qui n'a jamais été comme vous l'écrivez un pays périphérique. La Pologne est un pays central de l'Europe, par ses enjeux stratégique et son rôle clef dans la répartition des influences entre la Russie et l'Europe du 10 ème siècle à nos jours.

La tradition catholique est une des données essentielle de la culture polonaise et de sa naissance comme nation. Il est donc tout à fait naturel qu'elle soit un pilier de la défense de l'intégrité et de l'indépendance de cette nation quand ces valeurs sont menacées par ses puissants voisins Russes, ou Allemands.

Etant donné que le communisme en Pologne fut importé par les russes dans les wagons de l'Armée Rouge lors de l'invasion de 1945 et que son projet politique était l'assujettissement des nations libres de l'Est européen pour en faire un glacis de l'empire russe soviétique, une des ennemies essentielles des communistes, qu'il fallait abattre à tout prix, c'était bien l'église catholique polonaise qui symbolisait l'unité et l'indépendance de cette nation.

Le combat contre l'église catholique constitua un des traits les plus particuliers du totalitarisme communiste en Pologne. Le caractère anti-religieux du marxisme était une prémisse théorique. La motivation pratique et politique était cependant bien plus importante. Il s'agissait de retirer à la société polonaise son indépendance spirituelle.

Il convenait donc de détruire l'influence de la religion qui représentait la source d'espoir la plus profonde. Il fallait éliminer ce centre idéologique indépendant qu'était l'Eglise. Il fallait paralyser tout le réseau pastoral, qualifié d'"appareil de propagande", et faire éclater les communautés de chrétiens.

Et ce fut une tâche impossible sur laquelle la dictature du parti unique se cassa les dents.

Voilà pour les prémisses, nous reviendrons encore souvent sur les péripéties religieuses de la société polonaise. Manipulation, aliénation ou arriération sont des concepts à bannir si l'on veut comprendre respectueusement et selon des critères de vérité historique les liens entre la nation, l'Eglise Catholique et le peuple polonais.

Si j'ose dire jean Paul II, le pape polonais est une résultante de cette histoire et non un cynique calcul politique de la CIA ou de comploteurs de génie infiltrés au Vatican. Une telle vision policière et manichéiste de l'histoire polonaise et de l'Europe na pas sa place ici, mais dans un roman pour les grands enfants du style de Da Vinci Code.

Fraternellement à vous deux Feuilly et Bertrand et mes amitiés sincères à Dorota. Philip Seelen.

Écrit par : Philip Seelen | 24.04.2009

Après avoir découvert le texte de Philip Seelen sur Katyn et l'avoir édité sur le site de l'association dont je m'occupe, je m'immisce avec plaisir dans cette conversation qui soulève la question du rattachement de la Pologne à l'aire de la culture européenne par le christianisme. Pour mon regard franco-polonais de personne née en France après la guerre de parents réfugiés politiques polonais, elle m'apparaît de plus en plus souvent comme fondamentale et difficile à comprendre vue de France, car elle oblige à penser le rôle civilisateur du christianisme sous un angle qui n'est vraiment plus de mode de ce côté occidental de l' Europe qui est déchristianisé et qui voue un culte chaotique à quelques dieux comme "les droits de l'homme", Marx et la consommation effrénée de biens matériels.

Beaucoup d'aspects du catholicisme polonais sont méconnus et pourtant fondamentaux. Au seizième siècle, il a produit une pensée politique qui a été le fondement d'un régime politique de démocratie nobiliaire et de monarchie élective pendant ce qui a été appelé "le siècle d'or" de la Pologne: un état qui pouvait réunir sous un même sceptre des populations catholiques, juives et orthodoxes et même protestantes (car des protestants persécutés en France s'y sont réfugiés) et musulmanes (il y en a quelques traces encore du côté de Bialystok auxquelles j'ai rendu visite cet été). Siècle d'or qui s'est ensuite décomposé en anarchie et a engendré les partages de la Pologne à la fin du dix-huitième siècle.

Au dix-neuvième siècle, ce sont toujours les valeurs chrétiennes qui inspirent les penseurs et les poètes tournés vers l'espoir de la renaissance de la Pologne: Mickiewicz ( ami de Victor Hugo), Slowacki, Norwid, pour ne citer que les plus célèbres des "prophètes" qui ont vécu en exil. Simultanément, c'est bien l'Eglise qui soutiendra la lutte pour la préservation de la langue polonaise, le plus fortement là où elle était la plus attaquée comme vecteur d'une culture et d'une tradition, c'est-à-dire dans l'Empire prussien.

Dans la si courte période d'indépendance de 1918 à 1939, une contestation de l'Eglise vue comme protectrice des intérêts des puissants, par exemple des propriétaires terriens, a fait son apparition de façon suffisante pour que née en France et y ayant toujours vécu, je ne sente pas de fossé profond entre ce qui pouvait se dire au sujet de l'Eglise chez mes parents et ce que je pouvais en entendre ou en lire en France. Et pourtant, face aux mauvais coups du pouvoir communiste, mon père qui suivait les événements par les canaux de diffusion de l'information dans le monde des Polonais en exil, avait toujours l'oreille aux aguets et disait: "Que dira le Cardinal Wyszynski? Il ne peut pas laisser passer ça sans réagir".

Il me semble donc que c'est bien l'arrivée d'un communisme imposé de l'extérieur qui a redonné de la vigueur morale à une Eglise polonaise qui aurait aussi bien pu perdre de son influence, si le pays avait évolué librement. Face au communisme, c'est le personnalisme chrétien dont le pape Jean-Paul II a été un représentant particulièrement tonique qui s'est levé de façon spectaculaire dans certains courants de Solidarnosc, me semble-t-il.

C'est donc bien toute l'Histoire de la Pologne qui devient incompréhensible pour ce qu'on pourrait appeler à grands traits caricaturaux le "progressisme" occidental de gauche, si on fait l'économie de la découverte de ce qui va à contre-temps des évolutions de la culture dans la partie occidentale de l'Europe.

Quant au présent et à l'avenir, il me semble la Pologne est bien à nouveau dans le même bateau que l'Europe occidentale, qui se plaît tant à se gausser et à donner des leçons de modernité ou de civilisation aux Polonais, si j' en juge par les questionnements des quelques nouveaux écrivains polonais qui arrivent jusqu'à moi. Qui aura le dernier mot? L'Eglise polonaise a-t-elle de beaux jours devant elle? Nul de nous ne peut le prédire sans risque de sombrer dans le ridicule, car il suffit d'un retournement de situation ou d'une nouvelle catastrophe historique, dont nul n'est à l'abri, pour que les fondements chrétiens dans lesquels la culture polonaise a puisé du sens qu'elle a élaboré à sa façon produisent de nouveaux bourgeons.

Écrit par : Barbara M. | 25.04.2009

A l'attention de Barbara
de la part de Philip Seelen,

Chère Madame,

Bienvenue dans ces échanges d'idées et de points de vue sur cette Pologne soeur qui nous est chère et proche. Nous pouvons ainsi approfondir, découvrir et partager ici avec nos correspondants, nos amis des pans entiers de cette histoire polonaise originale et singulière et qui se trouve aussi étroitement imbriquée avec celle de l'Europe et celle de la Russie. Quelle richesse que ce passé et quelles passions traversent la vie de la société polonaise contemporaine.

Et je vous l'écris ici sans désir excessif de plaire, sans flagornerie. Se plonger dans le passé de cette terre, naviguer sans préjugé et avec curiosité et esprit de découverte dans son présent nous permet d'aller plus en avant dans la construction en Europe de pensées communes et partagées, j'emploie le pluriel parce que je ne crois pas qu'une pensée unique soit possible et souhaitable pour tout projet européen.

Cette diversité d'histoires, cette diversité de points de vue sont nos richesses communes. L'Europe ne peut être que plurielle et égalitaire dans le respect de la diversité des êtres qui la peuplent. C'est cet humanisme que Bertrand Redonnet et moi même aimerions voir rayonner autour de nos échanges. Se comprendre, se respecter, débattre, avec passion parfois et toujours avec le désir de rechercher la part du vrais voilà ce qui nous anime ici.

Et pour finir je tiens à vous redire ici que nous sommes très heureux d'avoir, sur votre proposition, édité nos échanges à propos de Katyn sur le site de la Communauté Franco-Polonaise que je recommande aux lecteurs et amis de notre blog.

Avec mes respect. Votre dévoué Philip Seelen.

Écrit par : Philip Seelen | 25.04.2009

A Philip Seelen
Merci pour votre mot de bienvenue.

En continuant mes réflexions sur le rôle du christianisme en Pologne, d'autres faits me sont venus à l'esprit.
En France, c'est la pensée des Lumières qui s'est imposée comme le point de référence, mais pas en Pologne. Pourquoi? Deux explications me viennent à l'esprit:
- pays d'économie rurale encore jusqu'en 1939 où les paysans, propriétaires de petits lopins de terre, constituaient encore plus de 60% de la population de l''état polonais. Pays dans lequel la bourgeoisie, qui a été le milieu social porteur de cette pensée en Europe occidentale, n'a commencé à se développer vraiment qu'à la fin du 19ème siècle.
- Voltaire et d'autres, amis de Catherine II et bien roulés dans la farine par elle,tout comme elle a roulé dans la farine Stanislaw-August Poniatowski,dernier roi de Pologne et amant de Catherine II, qui avait beaucoup oeuvré pour essayer de diffuser la pensée des Lumières dans son royaume, ce n'était certainement pas le meilleur mode d'entrée pour plaire aux élites polonaises du 19ème siècle....

En Pologne, il y a eu une tentative pour remettre la pensée des Lumières à l'honneur après 1945. Mais les universitaires qui ont commencé ce travail ont été obligés de quitter la Pologne en 1968. En France on ne retient que l'étiquette "antisémite" pour expliquer ces exclusions de 1968 qui ont touché des universitaires aussi importants que Jan Kott par exemple. Pourtant cette étiquette occulte une réalité tout autre dont il faut chercher le déclencheur du côté du Moscou de l'époque, celui qui a aussi envoyé ses chars à Prague en août 1968.

Ainsi on en arrive à une situation que Bronislaw Geremek a décrite dans le dernier article de sa plume publié dans le quotidien Rzeczpospolita quelques jours après sa disparition en juillet 2008. Il y écrivait que les deux sources de la pensée de l'Europe actuelle sont d'un côté les Lumières, de l'autre le christianisme , et qu'il fallait bien retenir pour l'avenir que l'expérience polonaise a montré que quand l'une de ces sources d'esprit critique fait faillite, c'est l'autre qui permet à l'esprit humain de relever la tête. Un testament polonais, en somme....

Je salue Bertrand Redonnet, notre hôte à tous ici.

Écrit par : Barbara M. | 25.04.2009

De Philip Seelen à Barbara Miechowka.

A propos d'une vision tronquée ou caricaturale du rôle du catholicisme dans l'histoire de la Pologne vu depuis la France.

La Pologne ne fut pas toujours aussi catholique que depuis la deuxième partie du 20ème siècle. Comme vous le soulevez, Barbara, dans votre contribution le 16 ème siècle polonais vit aussi fleurir et accueillir toutes les variantes des partisans de la Réforme. Les calvinistes, les luthériens, les sociniens (arianistes anti-trinitaires, dits aussi frères polonais) implantèrent de nombreuses et brillantes écoles, des académies qui contribuèrent à la diffusion du livre et d'une culture plurielle.

Persécutés dans l'Europe entière, les juifs à la même époque trouvèrent, en Pologne, surnommée alors "Paradisium Judeorum", un refuge où ils demeurèrent jusqu'à la mise en oeuvre de l'extermination des juifs d'Europe par les Nazis et la création de l'Etat israélien.

L'église de la seconde moitié du 18ème siècle céda de plus en plus de place aux principes laïques et rationalistes.Le mouvement des lumières dû, dans une large mesure son expansion en Pologne à des membres du clergé catholique très imprégnés des idées françaises et souvent liés à la maçonnerie. Ce qui peut paraître totalement paradoxal aux yeux d'un Français.

L'évêque Ignace Krasicki, fabuliste épicurien et philosophe voltairien, ne fut pas la figure la moins surprenante de cette Pologne jamais si active et renaissante que dans les décennies précédant sa disparition de la carte européenne.

Les piaristes furent à l’origine de la rénovation du système scolaire qui conduisit en 1773, à la création d’une Commission de l’Education nationale faisant une large place aux laïques.

La formation des prêtre, alors largement inspirée par le Joséphisme, tendait à en faire des auxiliaires utiles du service public, des conseillers éclairés de la population, grâce à la part croissante des sciences naturelles, physiques, exactes ou juridiques qu’elle comportait.

Cette pénétration générale des principes rationnels dans la pratique religieuse donna à l’Eglise polonaise une physionomie tout à fait exceptionnelle alors en Europe. Soumis à l’influence décapante de la Raison, le catholicisme polonais de l’époque de la Grande Diète de quatre ans, celle qui élabora la fameuse constitution du 3 mai 1791, n’est alors plus guère, tout au moins dans les cercles dirigeants, car le jésuitisme sarmate, hostile à tout progrès, est loin d’avoir abdiqué, qu’un vague déisme où les réformes sociales et civiques ont la priorité.

En 1789, les événements de Paris trouvent un écho dans l’attitude des foules varsoviennes. Le haut clergé n’est alors plus intouchable et en 1794, Ignacy Masalski, évêque de Vilnius, un des igniciateurs de la Commission d’Education Nationale, accusé de prévarications et reconnu coupable fut pendu par une foule en colère. La « Révolution de Pologne » eut aussi d’autres inspirateurs tel le déiste Stanislaw Staszic ou Franciszek Salezy Jezierski, prêtre totalement gagné au radicalisme social, et tous poussent la Pologne vers un idéal nouveau.

En 1808, la création de l’éphémère Duché de Varsovie fut suivie d’un tournant idéologique capital dans la vie polonaise : l’introduction du code Napoléon proclamant l’Egalité des Etats, le mariage civil, limitant le rôle de l’Eglise dans l’Etat. Il laissa des traces indélébiles dans les mentalités bien que son application rencontrant de très fortes résistances dans la société fut loin d’être complète.

Les Lumières eurent alors dans cette partie de l’Europe une vie beaucoup plus longue qu’à l’Ouest. Jusqu’à sa fermeture par les Russes, en 1831, l’université de Vilnius conserva des programmes élaborés dans un esprit éclairé, alors que la Sainte Alliance plongeait depuis quinze ans déjà ses membres dans l’obscurantisme.

La principale société estudiantine secrète organisée dans cette université, la société des Philomathes, c’est-à-dire des Amis de la Connaissance, dont l’un des responsables était Adam Mickiewicz, le futur poète-phare de la Pologne, fonctionna jusqu’à son interdiction et au procès de ses membres par les autorités russes en 1824, sur des principes comme le progrès, la raison, la valeur morale de l’étude, l’entraide amicale. Voltaire, Montesquieu, Franklin étaient leurs guides.

C’est au tournant de l’insurrection polonaise de 1830-1831 que la Pologne bascula dans le mysticisme chrétien, ou plus précisément, ce fut le commentaire à posteriori de cette insurrection qui imposa l’image d’une Pologne qui n’avait plus rien à faire avec les lumières.

Ce soulèvement gardait de nombreux traits issus du 18ème siècle. L’idéal démocratique de l’un de ses principaux chefs, Joachim Lelewel, se référait sans ambiguité au républicanisme d’inspiration française et les nombreux religieux qui prirent part à la lutte n’avaient rien de mystique. On y vit des prêtres pendeurs qui n’hésitaient pas attiser la violence populaire, comme Kazimierz Alexandre Pulaski, dont l’unique religion était la justice sociale.

La vision d’une Pologne mystique ne pouvait donc pas naître qu’en Pologne même. Elle naquit encore moins dans l’église catholique, puisque le Pape Grégoire XVI n’eut rien de plus pressé que d’appeler les Polonais écrasés, et au grand désarrois de la plupart, à respecter le jugement de Dieu et le pouvoir du Tsar Nicolas 1er. Le poète J.Slowacki n’eut que sarcasme pour « ce perroquet » du Vatican.

La sublimation mystique de la Pologne trouva en partie ses sources dans l’immense élan d’apitoiement pour le peuple polonais vaincu qui se développa à cette époque en France. Inspiré par Félicité Robert de Lamennais, prêtre, écrivain et philiosophe, inspirateur et précurseur du catholicisme libéral, du catholicisme social et de la démocratie chrétienne, ce mouvement d’apitoiement inspira grandement les écrivains et poètes patriotes polonais exilés à Paris, principalement Adam Mickiewicz, qui n’avait pas pu participer directement aux combats.

En 1831, dans son Journal l’Avenir, Lamennais reprenait déjà le thème de la Pologne « Christ des Nations », les Polonais « le Peuple-Christ de la liberté ». Mickiewicz nourrit et amplifia encore cette vision mystique de la Pologne martyre. La magie du verbe de Mickiewicz projette sur tout le 19ème siècle l’image d’un peuple martyr que Charles de Montalembert va répercuter auprès des Français. Le bouillant homme politique, journaliste connu, catholique libéral écrit alors dans l’Avenir : « Catholiques ! La Pologne est vaincue. Agenouillons-nous près du cercueil de ce peuple trahi , il a été grand et malheureux. »

Cette image, cette vision d’une Pologne souffrante et crucifiée qui s’est alors imposée dans l’Europe toute entière, n’est pas tant ou seulement liée au catholicisme mais surtout à la littérature et au mouvement romantique. C’est Mickiewicz qui fonde, bien plus que n’importe quel prêtre ou n’importe quel évêque, le mythe consolateur de la souffrance rédemptrice, d’où son nom de poète-prophète.

Le poids énorme du romantisme dans la culture polonaise a fait que très vite cette mystique a engendré le fameux messianisme peu à peu présenté par les philosophes, les écrivains, comme une seconde nature des Polonais. Peu à peu l’église s’identifia à cette image, plus que la littérature ou cette image ne s’identifia à l’église.

La présence de l’institution catholique polonaise dans l’insurrection suivante fut déjà plus nette. En 1863, les messes de deuil patriotiques furent fréquentes et devinrent pour la première fois dans le mouvement national une des principales composantes. L’implacable répression anti-polonaise conduite par les Russes puis par les Allemands jusqu’à la fin du 19ème siècle, achevèrent d’en faire le refuge de toutes les frustrations.

Battu, frustré, écorché vif, le catholique polonais affirmait sa foi en l’assimilant à sa polonité. Au début du 20ème siècle Roman Dmowski se fit le théoricien de ce nationalisme religieux. Ses « Pensées d’un Polonais moderne » parues en 1903 voulaient donner un caractère irréversible à l’équation du « Polonais catholique ». Le Polonais, prétendait-il, ne pouvait être qu’un catholique.

L'occupation soviétique de 1945 allait redonner une nouvelle vigueur à cette équation. Aujourd'hui les questions sont plus ouvertes et l'équation tend à se relativiser du moins dans une société civile vivante devant faire face aux défis civilisationnels de son temps.

Bien à vous. Philip Seelen

Écrit par : Philip Seelen | 25.04.2009

A Philip Seelen

Je n'avais pas une vision aussi claire que la vôtre du fait que l'échec de l'insurrection de 1830 a constitué une césure majeure qui a ensuite promu le mysticisme romantique et mis fin à ce bouillonnement de l'esprit des Lumières que vous décrivez admirablement. Car je ne connais que quelques bribes de l'histoire de ces Lumières polonaises: les fables de Krasicki que ma maman a essayé de me faire apprendre par coeur quand à l'école j'apprenais celles de La Fontaine, la Commission de l'éducation, Staszic, Lelewel.

Décidément, vous un excellent pédagogue de l'histoire de la culture polonaise.

Écrit par : Barbara M. | 25.04.2009

A Barbara Miechowka,

La Pologne et son histoire sont de vieilles compagnes. J'ai eu de bonnes lectures et de bons "Maîtres" et de bonnes "Maîtresses" parmi mes amis, amies, enfants de Pologne réfugiés en France et en Suisse.

La question religieuse et la place d'une pensée libre et laïque dans une société communiste en crise d'un côté dominée par un parti totalitaire et un appareil répressif visant à démanteler l'identité religieuse du peuple qu'il opprime et de l'autre côté influencée profondément par une église catholique visant à diffuser le plus possible l'évangile et l'esprit de résistance à la dictature, étaient pour moi essentielles à comprendre.

Moi même, non croyant et laïque, mais riche de mon héritage judéo-chrétien, je me suis donc très tôt intéressé à l'espace politique que cette nouvelle gauche polonaise tentait d'occuper en 68 et qui a été une des principale victime de la répression.

J'ai naturellement suivi avec beaucoup d'intérêt la naissance du Comité de défense des ouvriers, le KOR en 1979, conçu pour l'aide aux victimes des actions policières après les grèves de 1976. Les intellectuels comme Adam Michnik, Jacek Kuron qui le composaient, étaient pour nous une révélation du comment mener une lutte politique et syndicale dans une telle situation historique.

Nous avons donc lu, aux rythmes des traductions, les analyses de ces intellectuels activistes de cette révolution si particulière qu'était alors le mouvement ouvrier et populaire polonais qui allait donner naissance à Solidarnosc. Membre des comités de soutien à Solidarnosc dès 1980, j'ai donc potassé très sérieusement l'histoire politique, culturelle, religieuse et sociale de la Pologne, d'après mes intérêts et mes besoins.

Par la suite j'ai utilisé ces connaissances pour donner des conférences sur la Pologne en lutte contre la dictature communiste dans toutes sortes de milieux et d'endroits où existaient des comités de soutien à Solidarnosc. Mais bon, Barbara, tout cela fera l'objet de quelques unes de mes prochaines lettres.

Bien à vous. Philip Seelen.

Écrit par : Philip Seelen | 25.04.2009

A Philip Seelen

Pour terminer cette page, je voudrais vous remercier du fait que vous m'avez aidée à avoir des idées plus claires sur les raisons de la si faible diffusion du Katyn de Wajda, alors que je n'avais pas tout décodé des raisons pour lesquelles Wajda s'est personnellement impliqué dans la querelle qui a eu lieu en décembre autour de la télé polonaise.

Pour aller à l'essentiel, le choix esthétique de Wajda a été de créer une atmosphère réaliste présentant des images du Cracovie de 1939 à 1945. De plus il a multiplié les allusions à des faits dument répertoriés par les historiens. Film tellement riche en allusions à une histoire mal connue en France que la première fois que j'ai vu le film, j'ai conclu que le film était trop complexe pour qu'il puisse être un film grand-public. Il aurait donc fallu que Wajda puisse s'appuyer sur des réseaux de diffusion à vocation pédagogique.

Oui, mais ..., il semblerait que d'une part la télé polonaise a été investie depuis 2005 par quelques esprits dont certains sont assurément excessivement rigides, alors que d'autre part ici on ne cesse de chercher la petite bête qui démontrerait que la Pologne est "catho-catho" jusqu'à la moelle, xénophobe et tout ça..... Quel dialogue au sommet entre responsables des diverses télé en UE!

Au plaisir de vous retrouver sur d'autres pages.

Écrit par : Barbara M. | 25.04.2009

A Barbara Miechowka,

Ce film est pour moi une part de l'âme de Wajda transmise à ses contemporains et à ses descendants. C'est donc bien un film d'auteur et non une fresque historique composée pour conquérir le plus large public possible. Mais ceci ne veut pas dire que ce film est abscons ou réservé à une élite cultivée. Son immense succès public en Pologne en est la preuve ainsi que toutes les critiques que j'ai pu lire sur Internet.

Les scènes symboliques et théâtrales qui se succèdent sont toutes des allusions à la tragique et complexe situation de la Pologne de 1939 à 1945 dans laquelle a du lutter, surnager ou plonger chaque polonais.

Le déchirement des personnages, l'opportunisme des uns, le tragique des autres, l'intransigeance glorieuse des résistants au nouvel occupant, l'installation du mensonge et de la souffrance, le suicide ou la résistance, survivre et composer avec le monde qui s'impose à soi, toutes ces touches, ce monde composite créé par le réalisateur permet à chaque spectateur de comprendre l'intimité du drame. La cruelle froideur du massacre final ne laisse lui laisse aucun échappatoire à la monstrueuse réalité qui s'impose à nous.

Ce film témoigne, ce film dénonce, ce film mémorise, ce film aime, ce film partage.

Ce film a fait entrer la vérité de Katyn dans le commun. - Tu connais Katyn ? - Non. - Achète le DVD, tu verras c'est très prenant !

Si ce film permet ce dialogue, c'est que Katyn est passé définitivement du côté de la lumière, de la vérité et de la mémoire. C'est la force du cinéma.

Au plaisir de vous lire Barbara. Philip Seelen

Écrit par : Philip Seelen | 26.04.2009

A Philip Seelen,

Film de créateur, assurément. Car Wajda s'est totalement affranchi du texte de Mularczyk qui avait été écrit pour lui et qu'il a complètement recomposé et considérablement enrichi. Le texte, que j'avais lu avant de voir le film en DVD, était beaucoup plus facile et permettait de faire un film historique, selon des schémas classiques et des recettes dument expérimentées.

Film prenant,et même doublement prenant, car la première fois que je l'ai vu j'ai été absorbée par la lecture de la façon très personnelle de représenter les faits que je connaissais par mes lectures des historiens. La deuxième fois, au cinéma en France,j'ai pleuré presque à chaque scène. Une vraie catharsis d'un drame qui est aussi une part majeure de ma vie d'enfant polonais né après la guerre, car chez mes parents Katyn était le mot qui revenait dans chaque conversation sérieuse dans laquelle on abordait la question: "pourquoi le choix de l'exil?" . Après 1956, c'était devenu moins lourd, car toutes les illusions d'une rapide amélioration possible du communisme étaient définitivement tombées. A partir de 1980, la question était devenue: "Combien d'années encore Moscou va réussir à tenir?", car les fissures et les lézardes de la façade étaient devenues de plus en plus visibles.

Ce qu'on ne s'imagine pas ici , c'est le nombre de gens en Pologne dont Katyn est aussi l'histoire. J'en rencontre par hasard de nouveaux, à peu près à chaque fois que je fais connaissance avec un nouveau cercle de gens. Et pour les gens de ma génération qui vivaient en Pologne qui avaient un grand-père tué en 1940, c'était bien plus lourd que pour moi, car ils avaient pour consigne première de ne se surtout rien dire à l'école sur l'histoire de la famille.

1956 est une date qui me ramène à la question du rôle de l'Eglise polonaise sous le communisme. La façon de museler l'Eglise sous le stalinisme a été d'essayer la formule des prêtres-collaborateurs et une maison d'édition dument contrôlée qui a eu un succès très mitigé, car il y avait de trop de gens qui se rendaient compte de l'imposture. Pendant ce temps-là, le Cardinal Wyszynski était emprisonné.

En 1956, Wyszynski a été libéré. Ceci a permis de nouvelles maisons d'éditions qui ont fait le maximum de ce qui était possible pour une expression libre, tout comme Wajda lui-même, dans une autre voie, tout à fait laïque, a fait le maximum de ce qui était possible. Parallèlement, Wyszynski a mis au point une façon de manifester publiquement la liberté de l'esprit dans des processions spectaculaires pour la Fête-Dieu et pour les pèlerinages à Czestochowa, basilique du tableau légendaire de la Vierge Noire. 1966 a été une grande année, celui du millénaire du baptême de la Pologne, de l'appel à la réconciliation adressé par les évêques polonais aux évêques allemands, alors que la propagande communiste jouait sur la mémoire de la tragédie de la guerre avec l'Allemagne.

Avec l'élection de Jean-Paul II, il y eu un nouveau tournant et une accélération de l'engagement de l'Eglise dans le combat politique. Les images des messes sur le chantier naval de Gdansk en 1980 participaient de la stratégie consistant à se servir de la liberté religieuse pour parler de la Liberté tout court.

De 1981 à 1989, les églises étaient devenues des lieux de réunions politiques où se rencontrait l'opposition laïque. J'ai eu l'occasion en 1984 de me trouver un dimanche à Nowa-Huta, la ville ouvrière collée à Cracovie. Ce que j'ai vu était tout simplement une manifestation politique monstre. Et c'était comme ça dans toutes les églises où l'affluence à la messe le dimanche pour chanter des chants religieux à connotations patriotiques avait quasiment doublé.

Écrit par : Barbara M. | 26.04.2009

A Barbara,

Merci pour vos lignes Barbara, elles m'emplissent de la même émotion qui m'a envahi par vagues pendant la projection du film de Wajda. Emotion encore amplifiée par la mesure du chemin parcouru depuis 1956. Assis là dans ce cinéma parisien avec mon pote Pruszko à pleurer, incapable de résister à cette expression de mes émotions, j'ai été très ébranlé par les images finales du massacre.

A la sortie du cinéma, comme pour prolonger ces moments de sentiments particulièrement intenses, que seul un film peut provoquer en nous, nous n'avons pas cessé alors avec Krzysztof, dans cette belle nuit de printemps parisienne, de parler de toutes ces années de résistances et de mobilisation physique, intellectuelle et émotionnelle partagée.

Amicalement à vous. Philip Seelen.

Écrit par : Philip Seelen | 26.04.2009

Cher Philip et chère Madame Miechowka,

En train de faire fébrilement mes valises pour rejoindre la France, je fais un passage des plus furtifs par là.
Je suis impressionné et joyeux et ému de vos longs échanges. Fier aussi.
Il y a du grain à moudre dans ce que vous dites là tous les deux.Beaucoup.
Comme dit, je suis un peu à la hâte...Mais j'emporte tout cela avec moi et vous dirai très nettement mon sentiment, de France ou à mon retour.
Pour beaucoup de ce que vous évoquez, je suis au diapason. Quelques points cependant réclament que je vous dise ce que j'en ressens personnellement. Mes "lumières" proviennent beaucoup de que j'ai lu de l'histoire polonaise et de ce que j'y vis depuis 4 ans.
Ce qui ne veut point dire que ma lecture est plus pointilleuse. Et puis qu'importe. L'essentiel ici est ce qui nous est commun à tous les trois : la recherche de la vérité conjuguée avec une immense tendresse pour ce pays.
Bien amicalement à vous deux.
Bertrand

Écrit par : Bertrand | 26.04.2009

Je cherchais des commentaires sur le film de Wajda Katyn et je suis "tombé" sur ce lieu d'échanges à propos de la Pologne : je suis d'origine polonaise, né en France , mais je parle et écris le polonais, j'ai gardé des liens avec la Pologne, je me tiens au courant de ce qui se passe là-bas, en essayant de comprendre le mieux possible une histoire particulièrement tourmentée( certes il y en a d'autres, bien sûr).Je dois avant tout vous dire combien j'ai été ému ,touché, par l'esprit dans lequel se déroulent vos échanges, en tant que Polonais... bien que Français! Moi aussi, comme Krzysztof Pruszkowski, votre ami, je suis lassé par cette nécessité continuelle d'expliquer à mes interlocuteurs ce qu'est la Pologne, ou du moins ce que je crois en savoir, et j'ai quelques lumières acquises par un intérêt soutenu pour ce pays qui est une partie de mon identité, car je ne renie pas mes origines.J'éprouve à lire vos échanges une forme de consolation émue et étonnée, car le plus souvent je rencontre de de l'ignorance, de l'incompréhension quand ce n'est pas de la condescendance voire du mépris. Le plus souvent c'est l'indifférence et l'ignorance, que l'on peut d'ailleurs étendre à toute l'Europe centrale!Je ne cherche pas à imposer "ma science" à qui n'en veut pas, mais j'aimerais plus d'écoute, surtout de la part de ceux qui s'expriment sur ce qu'on peut, en effet, appeler "la question polonaise": mais voilà, "ils" savent, "ils" en savent plus et mieux !!!Ce n'est pas sans conséquences qu'une bonne partie de la France a été stalinienne, consciemment ou pas!Et bien sûr, la Russie, soviétique ou pas, reste une puissance avec laquelle on doit compter.Il est difficile dans ces conditions de se faire entendre, lorsque l'on vient de la "nébulosité" d'Europe centrale, qui dérange :comment alors exprimer sereinement sa part de vérité ou d'erreur, car nous avons tous droit à l'erreur!
L'essentiel étant de chercher avec sympathie et volonté de comprendre la vérité, si complexe par nature.
Merci pour ce que vous écrivez, merci pour cette tendresse qui en émane, et peut-être à bientôt, si vous le souhaitez.

Écrit par : Delirium | 03.05.2009

Un mot encore, aujourd'hui: j'espère que l'accès à vos échanges ne sera pas fermé : un peu d'air est nécessaire!!!

Écrit par : Delirium | 03.05.2009

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