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24.12.2010

Il a dit anarchie ?

cmf1ub9y.jpgC’est un véritable poncif de dire que Georges Brassens n’écrivit dans ses textes qu’une seule fois le mot anarchie. C’était dans une des ses premières compositions, Hécatombe.
Le mot est entaché de tant de confusionnisme, intéressé ou tout simplement stupide, il a tant fait les frais des soubresauts, des luttes, des compromis, qu’il est quasiment impossible de définir quelqu’un comme tel, du moins en tant que concept politique.
Chaque fois qu’un écrivain, un orateur, un militant, un historien, un théoricien, un copain en fin de soirée, veut employer le mot, s’il voulait être, rester ou devenir un homme honnête et intelligent, il devrait indiquer clairement une référence historique ou poétique, d’où émanerait  le sens exact qu’il entend donner au mot.
On peut en effet dire de Nestor Makhno, de Bakounine, de Ravachol, de Jules Bonnot, de Malatesta, de Durrutti, de Proudhon, de Stirner, de Fourier, de Pancho Villa, de Louise Michel et de la plupart des communards, d’Emile Henry, de Paul Lafargue, de Coeurderoy, de Kropotkine, de Sébastien Faure et de tant d’autres, qu’ils furent des anarchistes. Bien sûr.
Mais on peut tout aussi bien le dire de Guy Debord, de Raoul Vaneigem, de Rimbaud, de Nietzsche, de Géronimo, de François Rabelais, d’Albert Camus, d’Oscar wilde, des encyclopédistes, de Jim Morisson, de Dylan, de François Villon, de Spartacus.
Car on peut le dire de tous les hommes qui n’ont pas voulu faire allégeance aux aliénations, de tous ceux qui ont cherché à voyager le nez dans les étoiles, de tous ceux qui ont souffert et souffrent de l’injustice, de la connerie, des dogmes, du mensonge, du vol, du viol, du crime, de la volonté des puissants, des complots, de l’oppression quotidienne des corps et des esprits.
De tous ceux qui ont voulu ou veulent connaître, par delà le bout de leur nez, le sens véritable de ce qu’on leur interdit de vivre.
De tout individu qui supporte mal les conditions qui sont faites à sa vie.
On peut le dire de tous les poètes qui dans leur chair ont vécu la poésie comme un impossible  autrement. On peut le dire de tout promeneur qui, un jour, a eu la sensation puissante d’un autre bonheur possible, humain, ailleurs, par delà les contingences et contraintes de chaque jour.

Pour toutes ces raisons, on peut donc le dire aussi de  Brassens, mais pour comprendre ce qu’il fut et aimer ce qu’il fit, il n’est pas besoin de le dire.
C’est pourquoi, sachant combien le mot était à la fois trop réducteur et trop vaste, il ne l’écrivit qu’une seule fois.
Humainement, l’anarchie est un sentiment puissant, profond, une vision du monde et une façon d'être avec les gens.
Politiquement, c’est un os à ronger, une merde spectaculaire pour chiens de garde de pouvoir.
L'Anarchie se situe bien en-dehors de toutes compromissions avec la pensée politique : Elle est la poésie en actes.

Extrait - sauf deux dernières lignes -  de "Brassens, poète érudit" publié en 2001 (1ère édition) et 2003 (2ème édition) chez Arthémus.

09:00 Publié dans Brassens | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Et ce "Brassens, poète érudit", ce serait bien qu'un éditeur le réédite. J'aimerais bien le lire et je ne dois pas être la seule.
Passe de bonnes fêtes Bertrand et restez au chaud.

Écrit par : Michèle | 24.12.2010

Lu et réfléchi à ces deux dernières nouvelles lignes. Je m'interroge au final à savoir si la poésie en actes n'est pas plutôt une anomie.

Écrit par : ArD | 25.12.2010

" Brassens, poète érudit", oui j'aimerais bien aussi... Peut-être que. Mais je n'ai hélas plus aucun fichier et il faudrait que je retape tout..Moine copiste, presque...

ArD, une anomie ? Vous pensez que tenter de vivre poétiquement sa vie, plutôt que comme un bestiau au pâtûrage, conduirait au suicide ?
Et j'ai Durkheim, ce connard de sociologue, en horreur !

Écrit par : Bertrand | 27.12.2010

Ah mais c'est que Durkheim n'a pas le monopole de ce concept sociologique ! (Voir Guyau qui est passé avant lui : l'anomie comme générateur de la création artistique.)

Écrit par : ArD | 27.12.2010

Durkheim n'a certes pas le monopole du concept. Je vous entends bien....Il n'en reste pas moins que c'est lui, avec sa foutue " De la division du travail social", puis avec "Le suicide", qui en a fait un terme de la vulgarisation philosophico-sociologique...
En autres inepties : " L'individu n'a pas de droits, il n'a que des devoirs"
Si je le sais, c'est qu'on nous en a rebattu les oreilles en première et deuxième année de sociologie, avec un autre apprenti sorcier de l'étude sociologique, Auguste Comte.
De quoi vous faire fuir - ce dont nous ne nous privâmes point - jusqu'à l'ombre d'un amphithéâtre...
Si je peux me permettre une espèce d'analogie pour ce terme d'anomie chez Durkheim : Il y a un tas de tournures que nous attribuons à Rabelais et qui existaient bien avant lui dans le langage populaire mais auxquelles il a donné leurs lettres de noblesse en les faisant entrer en littérature." Un exemple qui me vient spontanément : Le jeu de la bête à deux dos

Écrit par : Bertrand | 28.12.2010

Vous avez raison, cela m'apprendra à ne pas me rallier au sens vulgarisé pour éviter des ambiguïtés. Toutefois, j'étais inspirée par le contexte du billet, réfléchissant à la raison pour laquelle Brassens n'avait quasiment pas employé le mot anarchie, d'où ma réflexion.

Moine copiste.
Le métier est en voie de raréfaction grâce aux scanners et logiciels d'O.C.R. (reconnaissance de l'écriture).

Écrit par : ArD | 28.12.2010

Et pourtant quelle meilleure façon de s'approprier les textes que de les recopier, cheminer avec eux au rythme du poignet sur le clavier. On y découvre des choses que la lecture rapide, pressée, univoque avait occultées.

Moine copiste, moi je veux et si tu as besoin d'un coup de main Bertrand, j'appelle à la rescousse l'abbé Quille, l'abbé Chamel, l'abbé Douin et l'abbé Trave. Avec des abbés de cette espèce, - que ne renierait pas notre poète érudit -, abbés sans abbaye se mêlant de tout excepté de leur bréviaire, nous re-co-pillerions ton texte.

Écrit par : Michèle | 29.12.2010

Les commentaires sont fermés.