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27.02.2019

Les Champs du crépuscule

redonnet.pngEn littérature, il n’y a pas, dit-on, mille terrains où promener la plume : La vie, l’amour, la difficulté d’être, la fuite du temps et la mort…
La « qualité » d’un livre dépendrait donc de la façon dont son sujet est traité ; du travail littéraire effectué pour dire, voire transmettre.
Dans Les Champs du crépuscule, j’ai ainsi voulu dire la fuite du temps historique, qui change les hommes et les rapports qu’ils entretiennent entre eux. J’ai pris pour ce faire un moment, un point de basculement, que je situe à la fin des années 60 du siècle dernier, dans les campagnes françaises.
C’est là en effet que je vois la véritable fin du néolithique, quand les hommes achevèrent leur longue procédure de divorce d’avec la terre et d’avec les fruits de la terre ; quand ils tordirent définitivement le cou au cueilleur-chasseur qui survivait en eux, pour se tourner vers la production de masse et l’agriculture industrialisée. 
Quand ils furent contraints, par les nécessités des temps nouveaux, de travailler la terre sans plus la voir ni la toucher, jusqu'à la tuer.

J’ai pris comme échantillon géographique une commune de la Vienne, où je suis né et où j’ai passé mon enfance, et comme symbole humain du point de basculement, de la charnière, l’assassinat d’un vieillard.
Alors qu’il est en train d’élaguer des merisiers, ce vieil homme est sauvagement assassiné. Le lecteur assiste à la scène sans que lui soit pour autant livrée l’identité de l’assassin. Tout ce qu’il comprend, c’est que la victime connaît son agresseur.
Tous les personnages du roman, ou presque, avaient une raison de supprimer cet homme. Comme on supprime une époque pour aller de l’avant. Le lecteur désignera donc, in petto, si ça lui chante, son coupable.

Le manuscrit avait trouvé trois preneurs chez différents éditeurs, dont Luc Eyraud, qui préside aux  destinées des Editions La p’tite Hélène.
La photo de couverture est celle d’une petite rivière totalement méconnue des géographes, La Bouleure, très présente dans le roman, et qui promenait ses méandres à Senillé, le petit hameau où je suis né. C'est à mon ami d’enfance, Christian, qui coule aujourd’hui ses jours près de Bordeaux, que je dois ce clin d'oeil amical.

Le livre est donc actuellement en prévente, pendant deux mois, sur le site de l’éditeur. Aux dernières nouvelles, c’est bien parti.
Je compte donc sur Vous, amis lecteurs !

 

18:12 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

13.02.2019

Je ne serai jamais des leurs !

3133093500007WEB01.jpgToute ma vie, il m’a fallu ruser avec le manque d’argent. Comme tous les pauvres de la planète.
Et toute ma vie, j’ai honni ce système injuste et menteur, où il te faut jouer des coudes pour voir un peu de ciel bleu.
C’est pourquoi, aujourd’hui que les soi-disant pauvres, vêtus de jaune, prétendent vouloir renverser le monde, je me demande souvent pourquoi ils ne m’inspirent aucune confiance et même me révulsent.
Ils ne sont pas mes frères, ces gens-là ! Le monde qu’ils proposent d’échafauder serait pour moi un monde ennemi, pire que celui dans lequel j’ai passé mon existence. Un monde sans l'inutile beauté de l'idéal. Un monde au langage unique.
Car ils sont des pauvres qui envient la richesse et il n’y a rien de pire au monde que d'envier celui qu’on méprise et qu’on fait mine de vouloir combattre !
Et ils sont pauvres de quoi, en fait, ces « bruants jaunes » ? Pauvres de ne pouvoir acheter toutes les brillantes ordures, souvent inutiles et malsaines, qui inondent tous les secteurs de la vie ?
Allons, allons… Un pauvre qui refuse de prostituer sa dignité, trouvera toujours, sans pour autant faire la manche ni les poubelles, quelque chose à croûter, à boire ou, surtout, à lire, s’il est assez démerdard dans son  genre. Bref...
Et puis, il y a cela aussi : moi, si j'ai vécu une vie de misère, je sais y être pour quelque chose. Pour beaucoup même. Je n'ai pas voulu m'ennuyer à gagner des sous. Rester près du feu à réciter des certitudes.  J'ai pris des chemins de traverse, j'ai trébuché, je suis tombé, je me suis relevé et ainsi de suite, jusqu'au bout de la piste, la gueule au vent, le soulier crotté !
J'ai voulu écrire et chanter, écrire pour être un auteur... On n'écrit pas bien le cul bien au chaud dans un fauteuil ! Ce qui ne signifie en rien que le talent sort forcément du caniveau.
J'ai écrit, j'écris. Sans les résultats dont je rêvais, certes, mais je porte ainsi "mon maillon d'une chaine éternelle."
Et je me souviens dès lors de ce que j’écrivais, en 20o3.
Je n’ai pas dévié d’un iota. C’est donc que la révolte des jaunes n’est pas la mienne. Je l’aurais reconnue, tant je l’ai convoquée de fois pour m’opposer aux aliénations les plus cuisantes. 
Et j’invite ainsi tous les pauvres, ceux qui le sont vraiment et qui veulent un monde plus juste et plus fraternel autrement que pour se goinfrer de ses cochonneries, à ne pas rejoindre leurs rangs d’envieux frustrés.
Comme le précisait Hans Ryner : Le sage sait trop que l’opprimé qui se plaint aspire à devenir oppresseur.

Voici donc ce texte de 2013, juste pour dire aux "révoltés" d'aujourd'hui que je n'ai pas attendu leur violence aveugle pour savoir dans quel monde je vivais :


" Ce qui est grave,  très grave même, c’est que, quand tu es pauvre, tu en arrives à être taxé sur ta pauvreté. Et ça, c’est insupportable. Car il n’y a guère d’évasions fiscales possibles pour s’en sortir. Si on peut en effet facilement dissimuler qu’on est riche à crever, trouver des combines, soudoyer un fonctionnaire moitié pauvre, un homme de paille, on ne peut en revanche guère abuser le monde sur sa pauvreté. Aucun coffre-fort, surtout suisse, n’acceptera de prendre tes haillons en consigne.  Sous un faux nom, en plus. 
La pauvreté offshore, ça n’existe pas.
Donc, t’es pauvre et ça se paye, ça, mon gars ! D’abord, si tu veux t’élever jusqu’au nécessaire un  peu superflu, avoir une bagnole par exemple, qu'est-ce que tu fais ? T’empruntes.
-  Bonjour monsieur, j’voudrais bien m’acheter une automobile
-  Vous voulez mettre combien pour rouler carrosse, cher monsieur ?
-  Heu… Ben, c’est-à-dire que j’en sais rien encore. Je n’ai pas la queue d’un.
-  Ah, ah, je vois ! Monsieur est un pauvre !
-  Ben.  Oui, en quelque sorte… On peut dire ça comme ça.
-  C’est très bien, monsieur. J’adore les pauvres. Dans mon métier, on est friand de pauvres. On ne se lasse pas d’en bouffer.
-   Ah ! Très bien. Donc, j’avoue sans ambages : je suis pauvre.
-   Ça me convient. Alors, combien ?
-   ….
-  Blabla, Bla, Bla, une signature ici, une autre là, deux ou trois  paraphes par ci, par là, voilà, cet exemplaire écrit tout petit, tout petit, petit, petit, c’est pour vous. Allez ! Ite missa est !  Courez vite acheter votre auto, monsieur…

Tu parles si t’es content !  T’es tombé sur un philanthrope, dis-donc ! T’as acheté une merde à 5000 euros et tu vas la payer 8000 ! Trois mille euros, rien que parce que t’as avoué que t’étais pauvre. Tu en connais, toi, des riches, qui sont taxés à cette hauteur ? Et en plus, ils s’évadent, les cons !
Mais c’est pas tout. C’est que c’est cher, un crédit tous les mois ! Alors, tu n’arrives plus à joindre les deux bouts.  Tu t’essouffles.
- Bonjour monsieur, je n’arrive plus à joindre les deux bouts !
- Ah ! Je vois…Toujours aussi pauvre ?
-  De plus en plus, mon brave monsieur !
Ça me convient toujours. Tenez, signez là. Je vous offre un découvert de 600 euros par mois.
- Ah, merci, vous êtes vraiment trop bon !
Tu parles si t’es encore content ! T’as 600 euros qui te tombent du ciel, que t’arriveras jamais à remonter et qui vont te coûter encore 150 euros d’agios par trimestre ! Bingo, voilà encore une taxe ! Plus t’as la tête sous l’eau, plus le philanthrope appuie dessus.
Ce doit être un maladroit.

Alors, zut, tiens ! je sais plus où j’en suis, j’étouffe ; je me paye de l’essence avec un chèque en bois. Parce que à quoi ça sert, tout ça, hein, si je peux même pas me servir de mon automobile ?
- Bonjour monsieur, vous m’avez convoqué ?
- Bien oui, corniaud  de pauvre ! T’as payé en monnaie de singe !
- Ben…
- Bon, on va rattraper le coup. Mais ça va faire des frais, tout ça !
Bref, t’as fait un truc en bois de 15 euros, qui va t’en coûter  60 ! Et comme, dans la lancée, t’en as fait un autre au bistro, un autre au bureau de tabac et encore un autre pour du pinard, puis au supermarché, t’as englouti une fortune que tu n’auras jamais, sinon en négatif, dans la zone rouge. 
T’es fait comme un rat. T'as vécu une survie qui n'était pas à Toi... T'es pendu, on ne joue plus !

C’est un exemple. Il y en a des milliers comme ça. Tiens, le gars qui s’achète une maison pour mettre à l’abri sa petite famille. Une maison, mettons, allez, pas chère, à 40 000 euros. Un boulet au pied. Une rame de galère plantée dans la paume ! Un truc qui va lui couper les ailes définitivement, jusqu’au cimetière. Il sue sang et eau pour la payer, il rogne sur ses plaisirs, se fait du souci, gueule, oublie d’honorer sa femme, devient aigri, et, quand il a fini, il l’a payée 120 000 euros, la mansarde ! Il a ruiné sa vie pour payer du vide ! 80 000 euros parce qu'il est un pauvre ! Une fortune qui prend les allures d'un sceau d'infamie, sur son front gravé au fer rouge.
Et comme c’était du bas de gamme, une gamme de pauvres, après 25 ans d’intempéries, elle est tout de guingois, la bicoque ! Les volets sont déchirés, les murs lépreux, le toit pisse la pluie, reste plus qu’à réparer tout ça pour ne pas mourir dehors, quand même, et, pour ce faire, qu'à aller voir le philanthrope pour un nouveau coup d'assommoir qui va estourbir pendant dix ans...

On le voit donc : la pauvreté, c’est une richesse, un puits inépuisable où s'abreuve le cynisme de misérables salopards. Et tu crèves un jour, pauvre bête de somme usée pour les beaux yeux de la banque !
Moralité : adoptons la stratégie de nos ennemis. Dissimulons notre pauvreté, planquons tout ça dans les ruelles, les égouts, les bas-fonds. Soyons les escamoteurs du dénuement et cessons de confondre lamentablement confort frelaté et masque social, pouvoir d'achat et achat d'un peu de pouvoir ! 
S’ils ne la voient pas, notre pauvreté, ils ne s’en nourriront pas, s’ils ne s’en nourrissent pas, ils s’affaibliront et, peut-être, un jour, ou une nuit, c’est nous qui les mangerons ainsi.

Si toutefois nous avons encore la force de remuer les mandibules..."

 

18:58 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET