UA-53771746-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20.03.2018

Deux élans cheminaient

20180318_141842(1).jpgJe ne pensais plus cette année revoir le grand déferlement blanc de l’hiver.
Je supposais que, l’équinoxe ayant réglé sa balance et également réparti la lumière entre le jour et la nuit, nous allions maintenant monter doucement vers les plus beaux jours.
Mais le souffle du nord est violemment revenu secouer mes volets, comme si la nuit voulait se mettre à l’abri, rentrer au chaud, et implorait qu’on lui ouvre. J’ai entendu et, soulevant les rideaux, j’ai vu les tourbillons nerveux d’une neige épaisse.
Alors au matin, j’ai repris mon bâton de marcheur. C’est un bâton d‘acacia, de robinier diront les puristes non vernaculaires. Un bâton noueux, fidèle, par moi prélevé sur les halliers voisins.
J’ai voulu marcher sur mes chemins solitaires.
Plus de chemins ! Engloutis sous les congères et les monticules de poudreuse, mes sentiers ! M’y risquer serait risquer de m’enfoncer  jusqu’à mi-cuisses.

Przedwiośnie, qu'ils disent… Oui, vraiment Przed.
Car l’hiver, on le sait, précède toujours le printemps.
J’ai fait demi-tour.
Sur la petite clairière, deux élans cheminaient.
Je les voyais nettement dans les ténèbres enneigées. Leur gros museau carré fouillant l'air glacé, par vent debout, ils cherchaient à péniblement regagner la lisière des pins. L’un derrière l’autre. Et puis un court instant de front, comme si celui qui fermait la marche s'était agacé et avait voulu changer de rythme.
Ils ont disparu.
Me laissant ce message d’une errance neigeuse dans une  nuit de tempête.
Peut-être sont-ils encore là, tout près, à brouter les aiguilles gelées d’un pin rabougri.
Et leur œil anxieux interroge au-dessus d’eux ce ciel sans une tache, sans une ride, sans une flétrissure.
Ce ciel de renouveau sans le renouveau.  Il faudra encore et encore marcher dans les nuits d’un hiver qui s’obstine à braver les théories du calendrier.
Le calendrier. J’ai repensé à Malraux.
Si les animaux ne savent pas qu’ils sont mortels, c’est sans doute parce qu’ils ne mettent ni chiffres, ni nombres, ni noms, saints ou pas, sur le grand canevas de la fuite des jours.

11:23 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET