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30.01.2018

Latitudes - 1 -

J’avais autrefois, au-dessus de la tête, la douceur à peu près égale, sauf cas de crise, des climats de bord de mer. Des climats qui sentaient le sable, la brume et les algues de la marée.
Et puis, sous mes pieds, toute cette verdure des marais, des chemins de halage et des berges herbeuses le long des larges conches. littérature,écriture
C’était, dans mon esprit, un climat sans surprise, un climat dont la respiration était réglée sur celle du grand voisin Océan. La lumière y était d’ailleurs en perpétuelle réverbération sur une géographie façonnée par l’eau, le souffle du large et l’histoire des peuples de la mer. Les étés, sans être étouffants, chauffaient la peau et les hivers, sans être tout à fait confortables, ne cisaillaient pas le bout des doigts, ne statufiaient pas les paysages et ne gelaient pas les poils du nez quand on marchait dans le vent. Là-bas, quand on discutait météo, c’était pour se plaindre des longs crachins de l’automne ou des opiniâtres pluies de printemps, d’un orage qui avait éclaté sans crier gare et que, ma foi, on eût dit que tout le noir du ciel allait tantôt dégouliner sur les terres.
Occasionnellement, vraiment pas très souvent, un peu de neige venait saupoudrer la prairie mais, à la vue de tous ces paysages dont l’eau était l’architecte premier, elle se dépêchait de fondre en larmes, parfois même avant de toucher le sol.
J’ai connu là-bas de vieux maraîchins, descendants des huttiers, manants et hors-la-loi qui peuplaient jadis l’inextricable dédale des fossés, des canaux et des ruisseaux. Ils n’auraient pas su vivre leur sang ailleurs que dans cette végétation luxuriante et moite, ils n’avaient d’yeux et de passion que pour l’anguille des marais et, comme elle, ils semblaient lucifuges au point de ne pouvoir respirer que dans l’ombre épaisse des labyrinthes d’eau et de terre.
C’était une latitude, un climat, une géographie et une histoire : celle de la conquête des terres abandonnées jadis par l’Océan.
Les hommes étaient, comme tous les hommes du  monde, inscrits dans le décor d’une destinée humaine.
Comme le sont, ici, les habitants du vent, des étés étouffants, de la neige et de la glace, sur une plaine de sable ouverte aux quatre horizons et déroulée, du Sud au Nord, des Carpates à la Baltique et, d'Ouest en Est,  des modestes collines d'Allemagne jusqu'à l'Oural.

14:56 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET