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19.01.2018

C'était hier

20180118_140222.jpgJ’ai marché hier sur des chemins improbables.
C’étaient des chemins que j’avais inventés au travers des prairies neigeuses.
Et j’y ai croisé l’oiseau des grands hivers, celui qui vient chez moi quand il fait froid et blanc, parce qu’ailleurs, plus à l‘est et plus au nord, il fait plus blanc encore.
Il est le bel oiseau des biomes les plus froids de la machine ronde, la taïga et la toundra, mais hier il était près de moi, sur un buisson rabougri, le long de ma randonnée.
J’ai d’abord entendu ses piaulements continuels avant de le voir voltiger, de petites baies rouges en petites  baies rouges.

Le vent me cinglait les yeux et des larmes en coulaient.
Autrefois, les invasions piaillardes du jaseur boréal – puisque c’est de lui que je parle - annonçaient de grands malheurs, tels que la peste ou la guerre. Lecture à tiroirs des manifestations de la nature en mouvement, quand l’épiphénomène est lu comme la cause : ces bandes invasives du jaseur étaient dues - et sont encore dues - à une surpopulation concomitante d’un froid extrême et soudain dans les régions les plus septentrionales de la Russie et de la Norvège.
Au Moyen-âge, elles précédaient alors le déferlement des neiges et de l’hiver sur l’Europe centrale, avec leurs corollaires historiques, la famine et, partant, les guerres et le pillage.

Jaseur, celui qui bavarde sans cesse et boréal qui nous vient du « vent de Borée », vent du nord énoncé par le grec ancien.
D’accord, mais qu’es-tu donc venu m’annoncer, beau parleur des mortes saisons ? Ne penses-tu pas que ma besace est pleine et déjà assez lourde à mon épaule ?
Autrefois, j’étais un chanteur, tu sais… J’aimais forcer la note et taquiner le trémolo. Moi aussi, je jasais de branches en branches.
Mais je n’annonçais rien.  Alors les forces du destin m’ont éteint la glotte.
M'ont enjoint de me taire.
Es-tu venu maintenant me couper les ailes, que tu sois là, sur ma randonnée de blanche solitude ?
Je n’ai pas peur de la peste, tu sais...
Ni des guerres ; je m’en fous.
De la famine, un peu.
Alors va, mon bel oiseau, frère de la rencontre éphémère… Laisse-moi marcher encore un peu sur ces neiges silencieuses.
C’est  le vent, et seulement le vent, qui me fait larmoyer.
Ce vent qui t’a chassé,  ce vent qui t’a poussé.
Connais-tu un vent, toi de  si loin venu, qui sécherait  les larmes ?
Non. Tu ne sais que les vents que je sais
Celui des perpétuelles errances.

12:47 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET