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30.09.2017

Le monde m'emmerde et la littérature

b21.jpgC’est bien vrai, ça.
Je l’aime
néanmoins de toute ma vie, ce monde, parce qu’il a le seul mérite qui vaille : il existe et je vis dedans.
C’est la raison pour laquelle j’use à son encontre d’un doux euphémisme : il m’emmerde. Je pourrais tout aussi bien dire : il me fait chier.
Oh, mot malpoli ! Mot tabou ! Mot honni ! Mot que nous  employons pourtant à tour de bras, tous les jours, n'importe quand, pour n’importe quoi, voire pour n’importe qui, mais que jamais, jamais - ou si peu -  nous n’osons écrire.
Vieux comme le monde, ce vocable
directement tiré du latin cacare, est l’orphelin répudié des textes "littéraires", banni par les classiques qui voulaient laver, comme on le sait, plus blanc que n'est le blanc.
Il avait pourtant ses lettres de noblesse dans toute la littérature médiévale et il était aussi l’ami de Rabelais et de Montaigne.
Le tabou est donc assez récent. Nous usons le plus souvent d’une langue épurée dont nous ne savons même pas les origines de la censure.
Même Brassens, après avoir demandé qu'on l'excusât pour avoir employé le mot "enculer" - J’suis désolé d'dire enculer  -  n’a jamais poussé la provocation langagière jusqu'à mettre les cinq lettres abominées en musique. C’est dire !
Faut-il donc rayer des dictionnaires les noms de Rabelais et de Montaigne ? Je dis cela, parce qu’Alain Rey et Sophie Chantreau*, à propos de chier, relèvent avec malice cette aberration :
« Sa vulgarité l’a fait négliger des dictionnaires usuels, qui passent discrètement sur ses emplois figurés et les locutions qu’il a suscitées. »
Et quelles expressions ! Se faire chier, ça va chier, chier du poivre - 
belle allégorie du voyou en cavale qui vient de fausser compagnie aux mouchards et aux  flics - envoyer chier, chier dans les bottes de quelqu’un... J'en passe et de tout aussi salaces. 
Je ne suis pas trop d’accord, en revanche, avec l’explication donnée par les susdits Alain Rey et Sophie Chantreau pour l'expression chier dans les bottes de quelqu'un : ennuyer, importuner quelqu’un, disent-ils.
Dans l’usage que j’en ai eu comme dans celui dont j'ai été témoin, l’expression signifiait, "faire un sale tour à quelqu’un", "lui être déloyal".
Céline a certainement, quelque part, réhabilité le mot. Je ne saurais dire de mémoire, je ne l’ai pas sous les yeux… Je me souviens tout de même avoir plusieurs fois rencontré chez lui le néologisme « chierie».
Rimbaud quant à lui, avec violence, avait réintroduit le tabou :

O justes, nous chierons dans votre ventre de grès !

A part ça, du moins à ma connaissance immédiate, silence radio à tous les étages.
Je ne l’emploie moi-même jamais, sinon oralement comme tout le monde.
Bon, j’arrête de vous faire chier avec ça.

* Dictionnaire des Expressions et Locutions - LE ROBERT - Collection "les usuels"

Image : Philip Seelen

15:18 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

25.09.2017

Rencontres

IMG_6379.JPGDéférence gardée envers le vieil Hugo sur qui je renchéris, ce mois de septembre est tout en pleurs.
Le ciel s’obstine, soit à pleurnicher, soit à vraiment sangloter. Quelques rapides éclaircies, jaune pale, tentent bien de temps à autres d’essuyer ses larmes. En vain. La déprime règne sur tout l’espace céleste.
Cette grisaille cependant fait le ravissement des cueilleurs de champignons.
Il y en a partout. Des cueilleurs comme des champignons… Les premiers déboulent du moindre sentier herbeux, du moindre routin de sable et, le nez baissé, ils arpentent les sous-bois gorgés d’humidité. Les seconds envahissent jusque sous les tilleuls de ma cour, s’incrustent sous le vieil et bel ormeau, colonisent l’emplacement d’une vieille grange où, l’été, je laisse mon bois sécher.
Et je les vois revenir de leur quête, les ramasseurs ! je les croise au cours de mes balades sur la prairie riveraine, le vent déjà frais sur leur visage enjoué. Leurs paniers sont remplis de beaux  bolets, bruns ou rougeâtres, qui luisent grassement et sentent toutes les senteurs des vieux fourrés. On échange quelques mots, non, ils n’ont pas de vers, ils sont jeunes et encore fermes, c’est vraiment une belle météo pour les champignons ! Grzybowa pogoda...
Ils me regardent gentiment, un peu étonnés de ce que, moi, je marche sans panier sous le bras et ne ramasse rien. Que l'air du temps qui passe.
Je me demande s’ils ne se demandent pas pourquoi. Avec bienveillance.
S’ils s’en inquiétaient, je leur dirais qu’il y a trop longtemps que j’ai fait ma révolution néolithique, que c’était loin d’ici, à l’autre bout du continent, et que je ne me souviens plus très bien comment on cueille les champignons.
Mais qu’avec des mots qu’ils ne liront jamais, je saurai raconter à des hommes qu'ils ne verront jamais que je les ai croisés et que nous nous sommes fraternellement salués aux portes de l'automne

Image : Marian Tomkowicz. Merci à lui !

19:58 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

20.09.2017

Les maquisards

soldats maudits.jpgRégulièrement, comme tant d’autres petites mains anonymes, j’ouvre un nouveau fichier…
Et la première lettre, le premier mot, bientôt la première phrase d’une idée de projet s’inscrivent à l’écran.
La gestation sera plus ou moins longue. Des mois ? Des années ? La création littéraire n’a pas de lois biologiques qui pourraient la rassurer sur son destin.
De plus, elle compte dans ses poubelles une foule de morts-nés, brouillons  inaudibles, fœtus difformes au verbe boiteux.
C’est ce que nous appelons « écrire ». Nous écrivons ! Diantre ! La belle affaire que voilà !
A qui ? Et qui donc nous lira  ? Et puis, pour dire quoi ?

Ces jours derniers, une dame me disait par mail gentil  : "Ce fut un ravissement de vous lire, monsieur Redonnet." Un monsieur, lui, renchérissait  : "Quel régal que votre dernier livre !" Un autre, une autre encore : "Merci pour ces pages trempées dans une écriture que nous pensions définitivement jetée aux orties."
Je les remercie. Je devrais être flatté, content de ma Pomme, peigner fièrement mes moustaches dans le miroir, et me sourire en coin.
En lieu et place, j’en reste songeur.
Parce que si ce que disent ces quelques lecteurs et lectrices est vrai ; s’ils ne sont pas de pauvres fous, dans quel monde me suis-je donc fourvoyé qu’il y en a des milliers et des milliers d’autres qui n’en ont strictement rien à foutre de ce que j’ai pu écrire de la culture Campaniforme, de l’exil, des Soldats maudits et de la grande forêt primaire de Białowieża ?
Et je ne suis pas un cas isolé, loin s'en faut. Tous ceux qui écrivent dignement le savent bien.
En fait, en lisant ces quelques courriers, je comprends que nous avons pris le maquis.
Que nous sommes cachés dans des broussailles épaisses, guettant la survivance.
Pendant qu’autour de nous voltige l’accablante réalité d’une époque qui, sans être ni plus décadente, ni plus sordide, ni plus méchante, ni plus pourrie qu’une autre, n’a tout simplement plus besoin de notre écriture pour se penser, se comprendre et, même, se rêver.
Nous avons pris le maquis à l'envers : nous voudrions occuper une place qui n'est plus à nous depuis fort longtemps et qui est, on ne peut plus légitimement, habitée par d'autres.

Avant d’ouvrir un nouveau fichier et d’y inscrire une première lettre, un premier mot, une première phrase, nous devrions avoir ça à l’esprit.
Mais nous nous en garderons bien, le propre de la folie - et de sa vanité - étant de ne pas tenir compte des réalités.

Illustration  : Soldats maudits en Pologne

littérature,écriture

10:56 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

17.09.2017

Tout le monde, il a bien sa pomme qui tombe pas loin du chausson?

9791096617050(2).jpgBon, c'est bien...
Il vous est aussi loisible d'aller faire un tour du côté d'Onuphrius... Pour un enterrement...
La nouvelle que j'y  publie a l'air d'une galéjade... Pourquoi pas, me direz-vous avec juste raison ?
Pourtant elle dit aussi que de ce côté-ci du temps, on compte toujours le temps.
On le sème. Derrière ou devant soi. On en voudrait récolter du bon grain.
On le sème comme, côté face, la semeuse de nos anciennes pièces de 1 franc semait.
Et on est un peu effrayé de ce qu’il ne repousse pas très vite. Le sillon serait-il vierge au creux duquel nous le jetons ?
Ou alors, s’il repousse, ce sont uniquement des limites, toujours des limites.
Car son rôle est de fuir, nous dit le vieil adage depuis la nuit des temps.
Cela dépend pourtant. Cela dépend de la saison. Il y a des saisons où il musarde, d’autres où il trottine, d’autres où il se met à courir et d’autres encore, les dernières, où il s’enfuit littéralement.
Au moindre bruit un peu suspect du cœur ou de la poitrine, il détale et jamais plus ne revient.

Alors, de ce côté-là du temps, on ne compte plus le temps.

 

15:21 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

10.09.2017

La figue tombe toujours assez loin du prunier

9791096617050(4).jpgOui, j’ai un peu changé le titre pour ne pas risquer de vous lasser.
Car je sais bien d’expérience qu’un lecteur, ça se lasse assez vite… Pas qu’ça à faire, à la fin !
Bon, mais je voulais quand même dire que mon ami Frédéric Constant, un homme d’une gentillesse et d’une culture littéraire exquises, par ailleurs Directeur de la Médiathèque de l’Institut français de Varsovie, allait commander La poumme qui cheut pas lin dau poumma…
Le livre transitera par Edukator, la librairie française de Cracovie… J’espère qu’il y fera une halte.
Et puis, sans rapport aucun, un homme qui habite en Israël, Jean-David Herschel, a eu la bonne idée d’ouvrir une revue littéraire qui me semble de très louable tenue. Onuphrius.
Je collaborerai à cette revue et vous aurez donc, dimanche 17 septembre, une nouvelle de ma pomme (non, non, pas celle du livre ! l’autre) en ligne.
Jean-David commandera également mon livre.
Pologne, Israël, le voilà donc promis à une carrière internationale, ce livre…
Au moins deux de ses exemplaires… Gageons cependant que ça ne suffira pas !

Il me semble aussi que Jean-David recherche des nouvellistes qui voudraient bien participer et dont le style s'inscrirait quelque peu dans la tradition de la nouvelle française du 19ème siècle.
Alors, si le cœur et la plume vous en disent…
En attendant, je vous signale que  La Pomme … etc.… est disponible… voir textes plus bas... etc.

10:47 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

04.09.2017

Lectures

P9012888.JPGJe me souviens très bien que François Bon me disait, en substance et en 2006, « ouvre un blog, sois présent dans l’espace numérique car tout se passera bientôt  là. »
En dépit de notre brouille, je lui en sais gré. Et même s’il s’est un peu trompé, c’est vrai que beaucoup de notre écriture est médiatisée par le net, à tel point que je pense que si je n’avais pas suivi son conseil, je n’aurais pas écrit tous ces textes qui aujourd’hui en constituent l’ossature.
Beaucoup, donc, certes. Mais l’essentiel ?
Depuis que L’exil existe, j’ai publié six livres. En dix ans.
Et, quoique j’en aie fait la promo à chaque fois sur ce  blog, la plus grosse part de leurs lecteurs n’est pas venue de là. Car si seulement un de mes visiteurs sur deux achetait (et lisait) mes livres-papier, alors ils seraient tirés à nombre respectable d‘exemplaires.
Tout se passe donc comme si, très schématiquement, il y avait des gens qui lisaient des textes courts, rapides, sur les sites, mais pas les  livres dans la longueur.
Comme si, en fait, ce n’était pas une écriture qui plaisait, mais une façon de l’offrir.

Avec La Pomme ne tombe pas loin du pommier, je viens pourtant de récidiver, comptant emmener les lecteurs de l’exil vers  les pages d’un nouveau livre, comptant les promener côté cour de ma passion d’écrire.
Rien n’est alors moins certain que l‘utilité de cette « démarche ».
J’ai l’impression, grosso modo, de conseiller à Paul d’endosser le costume de Pierre.
Mais je peux aussi me lourdement tromper.
Cela m’arrive assez souvent.

16:57 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

03.09.2017

La Pomme est tombée...

P9012889.JPG

Disponible sur commande chez votre libraire, dans certains espaces culturels Leclerc et sur le site de l'éditeur, frais de port offerts, ICI.

*

" [...] eussiez-vous connu mon père que vous seriez aussi interloqué que moi car si je le revois nettement, là-bas chez nous, sur la plaine charentaise, en travailleur débonnaire, avec une fourche, un râteau ou un sarcloir entre les mains ; si je le revois également au cul de ses chevaux tenant fermement les mancherons de la charrue, il m’est impossible de l’imaginer une seconde avec une mitraillette, une grenade, un couteau ou une arme quelconque entre les mains. Non, ça, c’est absolument impossible. Et puis…
Zbyszek s’arrêta tout net et fixa un nœud sur le parquet du sol, les yeux exorbités, l’air parfaitement ahuri. Une image venait brusquement d’enflammer son cerveau et de couper l'évocation. Une image fugace, oubliée. Non. Pas oubliée. Ce n’était même pas un souvenir. C’était un reflet onirique, extérieur, et c’était il y avait bien longtemps… Plus de cinquante ans sans doute. Le môme tenait la main de son papa et tous les deux marchaient allègrement sur les blés en herbe, tout verts, ondulant sous un impalpable souffle du vent de mer. Ils marchaient, heureux, comme quand on marche sur des nuages. Tout à coup, des oiseaux sauvages avaient déboulé de dessous leurs pieds, des perdrix sans doute, des faisans peut-être, en tout cas dans un claquement violent d’ailes effarouchées. L’enfant avait sursauté et jeté un grand cri. Le père avait aussitôt lâché sa main et mis un genou à terre. Un poing plaqué contre sa hanche, l’autre bras légèrement replié et mis en avant, comme tenant quelque chose, il avait hurlé, en polonais, « Salauds ! » et puis « tatatatatatatatata »…
Un fusil mitrailleur. L’incoercible réflexe d’un guerrier. Pas celui d’un chasseur."

*

" [...] Il étendit le bras et montra alors la forêt qui devant eux grossissait, dont on voyait maintenant les premiers grands arbres, leurs ramures courbées sous des amoncellements blancs.
- La mémoire, monsieur, notre mémoire commune, c’est cela… A vous comme à moi, comme à tous les hommes de la plaine européenne. Du haut de ces grands sapins, s’amusa-t-il à parodier, voulant sans doute faire montre de quelque culture ou plutôt établir une complicité de bon aloi avec son passager, ce ne sont pas quarante siècles qui nous contemplent, mais bien quarante millénaires. Dans chaque élément de cette création de Dieu, il y a quelque chose de sacré qui s’impose à notre âme et la fait s’incliner devant les grands mystères du Début.
Au commencement, la terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, dit le Livre... "

 

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10:20 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET