08.02.2017
Vous vivez
Vous vivez...
Couché tôt, levé de même, et le vent qui cogne à vos volets où fouaille aussi la neige.
Comme tous les vents du monde, comme toutes les neiges du monde à tous les volets du monde.
Vous vivez donc convenu.
Il fait froid au dehors et nuit. Vous n’avez plus de pays dans tout ce noir agité.
Mais vous vivez…
Qu’avez-vous à faire d’un pays alors que le destin vient à peine de menacer de vous expulser de la surface de la terre ?
Vous vivez derrière cette peur qui tarde à s’éloigner ; vous vivez dans l‘hiver qui n’en finit pas de courir derrière un improbable printemps.
Vous vivez l’espoir de vivre après avoir traversé l’épouvante de mourir.
Tout le reste, aujourd’hui, vous semble bien dérisoire !
Vous sentez bien monter encore en vous, comme avant, vos vieilles colères contre les abjectes publicités politiques, mais ça passe très vite.
Ça ne vous tord plus le verbe dans tous les sens comme autrefois.
Vous en souririez presque, tellement c’est transparent à force d'être confus.
Pas concerné. Pas le temps.
Car qu’avez-vous à faire d’un monde, qu’il soit à gauche, à droite, au milieu, à l’envers ou à l‘endroit, pour les pauvres ou les riches, pour les salopards ou pour les cœurs purs ?
Ce que vous souhaitez, vous, maintenant, c’est continuer à voir, à entendre, à sentir, à marcher, à aimer et à faire des projets qui ne verront jamais le jour.
Quelle que soit la couleur du monde.
Vous êtes tellement joyeux de vivre encore que vous voilà à l’écart complet !
La joie est toujours à l’écart. C’est ça qu’ils ne pourront jamais avouer les voyous qui s’accrochent à leurs ambitions minables.
Au nom du peuple ! dit l’autre… Quelle horreur !
Au nom de quoi ? Le peuple n’a toujours été qu’un abominable crétin. Un âne bâté. Parler en son nom, c’est braire la bouche pleine… de foin.
Mais au moins, elle, elle ose le dire. Tous ses concurrents en sont aux mêmes âneries.
Au nom du néant benêt.
Ça vous fait froid dans le dos…
Vous, vous attendez la grive litorne sur le rameau encore gelé d’un matin de mars, le merle, le passereau, la cigogne et la première violette tremblant sur le froid d’un talus.
Voilà qui s’appelle attendre quelque chose !
Au nom de rien, sinon de vous sous les étoiles dansantes… Autant dire au nom de Tout.
Et il vous souvient : celui qui vous a sauvé la vie d’un savant coup de bistouri au laser vous a dit, souriant, en penchant légèrement la tête de côté : maintenant, il faut vivre normalement.
Parce qu’il savait, le brave homme, de quel anormal il vous avait tiré, sans doute.
Et c’est ce normalement que vous appelez de tous vos vœux, la tête encore blessée par le souffle du cauchemar.
16:14 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET