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14.01.2016

Kucając

z16701653Q,Andrzej-Stasiuk--fot--Michal-Gostkiewicz-.jpgC’est le titre du nouvel opus d’Andrzej Stasiuk, Accroupi, et il me tarde qu’il soit édité en notre langue car ce que D., qui vient de le lire, m’en traduit par bribes judicieusement choisies, me fait grande impression.
Stasiuk est un authentique et bel auteur ; on en est persuadé quand on a lu Sur la route de Babadag, Le Corbeau blanc ou Fado.
Un jour, il faudra que je descende 400 km au sud, dans ses belles montagnes enneigées l’hiver et torrides sous juillet, pour aller serrer la paluche de cet homme, tant je me ressens bien dans ce qu’il peut écrire.
Tout particulièrement dans sa façon de vivre son climat, sa forêt, ses chemins,  "son coin de ciel."

Il fait froid, la neige craque sous le pas, les branches silencieuses de la forêt pleurent des lambeaux de glaçons.
Tout comme l’écrivain le raconte dans Kucając, je vais alors du thermomètre accroché à la bibliothèque à celui suspendu à ma fenêtre du dehors. Tout comme lui, je mesure qu’une vitre seulement sépare les moins 22 degrés des lisières forestières des plus 22 ou 23 degrés de la maison, qu’il faudrait seulement franchir cinq centimètres de matière pour atteindre une amplitude de 45 degrés ! Deux mondes se côtoient ainsi, celui de l’homme, de ses livres, de sa page d’écriture et de ses grands poêles de faïence et celui des renards furtifs, des grands corbeaux et des mésanges qui viennent, aux morceaux de lard suspendus dans les halliers, picorer les miettes de leur survie.
Stasiuk vit sur le mode affectif la terre où s'écoulent ses jours. Il la vit en poète. C’est le sens de son titre, s’accroupir, descendre de son perchoir d’homme dominateur pour la sentir, cette terre, dans le sempiternel mouvement des choses et des saisons, et pour y entendre le fourmillement discret du voisinage animal.
Aucun écolo à la noix, petite voix spectaculaire du misérabilisme politique, ne saurait dire comme le dit la littérature l'indivisible beauté de cette planète des hommes.
Par ailleurs, il me semble aussi qu’Andrzej Stasiuk vit la compagnie de ses moutons comme je vis celle de mes poules, en ami, dans cet échange à deux langages qui se pratique  entre les bêtes et les humains. Complicité cacophonique des vies  qui se respectent et qui, au départ, n'étaient pas faites pour se rencontrer.
Et il me semble aussi entendre, chez lui, ce que j’avais voulu exprimer dans Géographiques :

« […] occuper n’importe lequel point du globe est déjà une aventure en soi : celle d’habiter pleinement son climat. Car nous en sommes aussi le reflet, par lui façonnés.
Devenus fort prétentieux cependant, nous ne nous acclimatons, si j’ose, que très difficilement à cette idée pourtant déjà énoncée chez Montesquieu et, avant lui, chez Pascal :
« On ne voit rien de juste ou d’injuste qui ne change de qualité en changeant de climat. »

Peut-être Pascal parlait-il seulement de pays, de lieux. Vérité au-deçà etc.

Mais je crois vous avoir dit que c’était la même chose, messieurs, selon que l’on marche les yeux sur les étoiles ou le regard rivé à sa chaussure. »

10:47 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture, livres |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

La théorie des climats, si chère à Montesquieu et à ses successeurs.

Écrit par : Feuilly | 14.01.2016

Sauf que pour Stasiuk et, plus modestement, pour moi-même, il ne s'agit nullement de théorie mais de directement vécu passé à la poésie.

Écrit par : Bertrand | 15.01.2016

Les commentaires sont fermés.