27.11.2013
Passes et tour de passe-passe
L’auguste Assemblée Nationale de France, toute drapée de dignité républicaine et ointe d'une sainte morale, s’apprête à délibérer sur un texte de loi qui vaut son pesant d’imbécillité. Savent vraiment pas quoi foutre, ces gens-là, pour se faire remarquer ! Ils me font peu ou prou penser à des cancres qui n’ont que des mauvais résultats et qui s’évertuent quand même à lever le doigt au fond de la classe, pour donner le change, faire ceux qui sont studieux et actifs, même s’ils n’ont que des âneries à formuler.
Il s’agit, pour la susdite et auguste Assemblée, de taxer le con qui va s’aller fourrer sous les jupons d’une dame publique. Et pas une petite taxe, mes aïeux ! Pas une de ces bagatelles qui vous tombent sur le portefeuille si vous volez une poule au voisin, si vous roulez à tombeau ouvert sur les routes au risque de tuer quelqu’un, si vous foutez votre poing sur la gueule d'un emmerdeur dans un bistro borgne, ou si vous avez en poche quelques grammes de shit… Non, non... Ça, c’est des broutilles. Car le gars qui va tenter de s’acheter une éjaculation aussi secrète qu’objective se verra désormais puni d’une amende de 1500 euros ! Vlan ! Un SMIG dans son sale nez d’obsédé sexuel ! Et si, en plus, il est têtu et dur du sexe, le gars, si vraiment, lui, il aime aimer les putes et qu’il recommence ses cauteleuses dégueulasseries, paf ! 3000 euros dans les dents !
Deux mois de SMIG dans le rouge pour trois minutes de fantasme incontrôlé !
Hé ben ! Ne fait pas bon avoir des érections intempestives sous le ciel de Robespierre ! Pour un comité de salut public, ça, c’en est un vrai ! Les gars, je vous conseille, en cas de bandaison frauduleuse, de prendre votre courage à deux mains et de… Paraît que ça rend sourd, mais en tout cas ça ne ruine pas !
Je passe sous silence, évidemment, les arguties humanistes et socialistes de Vallaud Belkacem, grande protectrice des femmes qui se vendent, vierge vêtue de noire qui protège le bon peuple de ses propres égarements. Madame sait-tout. Même ce dont elle n'a jamais entendu parler ! Cette femme, quand elle dit des choses vraies, indéniables dans l’absolu, des choses qui paraissent évidentes au premier imbécile venu, a le talent de les faire puer le mensonge et la sournoiserie politique à des kilomètres à la ronde.
Car le fin mot de l’histoire, voyez-vous, pour moi, dans cette loi que madame la ministre brandit à bout de bras comme la liberté de Delacroix son drapeau, c’est que cette manne des rues obscures, hé ben, c’est tout simplement du pognon qui passe sous le nez de l'Etat. Le fonds de commerce de toute cette générosité répugnante, c’est que la loi ne veut plus que les pauvres femmes se vendent tout simplement parce qu’elle a la ferme intention de les acheter ! Ainsi, ces billets dilapidés dans des transactions aussi immorales que clandestines ; ces billets non soumis à l’impôt, nets de TVA, que le clampin esseulé tend à la pute, hop, pris la main dans le sac, par ici la bonne soupe, changement de direction, c’est l’Etat qui empochera désormais le montant au centuple de la passe envisagée !
Je faisais allusion à l'onanisme, il y a quelques lignes, mais méfiez-vous quand même ! Pour l'heure, ça va, certes, mais là aussi, ça pourrait bien être considéré sous peu comme un produit de luxe ou une activité asociale. On ne sait jamais quand l'imagination malade de ne pas en avoir est au pouvoir ! On ne sait jamais quels chemins délirants peut emprunter sa frénésie de tout légiférer, sa soif de réduire l'individu à néant, d'en faire un clone bien propre, bien policé, con comme un balai et heureux comme un pape !
Nous entrons à pas feutrés dans la dictature du formatage unique. Des mains de fer dans des gants de velours. Des esclaves souriants pour des maîtres débonnaires.
Ce qui m’effraie là-dedans, c’est l’application stricto sensu de cette loi scélérate ! Car seul le flagrant délit aura sans doute force de preuve ! Ça promet ! Faudra vraiment que le pauv' garçon soit pris le slip sur les chevilles, sinon bernique pour lui voler ses 1500 euros ! Parce que j’imagine mal, quand même, la dame du métier empocher la rançon de son art et filer chez les condés dire « Hé, la police, secouez-vous un peu ! Y’a un p’tit blond avec un gros nez et des lunettes qui sort de mon pieu ! »
Et pendant ce temps-là, tenez, accessoirement, j’écris au Ministère de la culture car nous avons le projet de traduire une œuvre merveilleuse de la littéraire polonaise, une grande œuvre, jamais traduite en français, et de l’offrir ainsi au public francophone. Hé bien on m’envoie poliment, avec toutes les formes du langage confisqué, me faire foutre !
Mais je leur sais néanmoins gré de ne m’avoir pas foutu une amende pour tentative de racolage.
Combien d'insultes et d'outrages à la volonté de créer resteront-ils impunis avec cette bande de salopards à la morale fondamentalement immorale ?
Allez, pour conclure, chantons Brassens, ça nous mettra de bonne humeur et c’est de circonstance. Concurrence déloyale, que ça s’appelle. S’il avait chanté ça en 2013, le moustachu frondeur, Vallaud Belkacem l’aurait traité de gros salaud et fait condamner, j’en suis sûr. Quant à Villon, elle aurait carrément demandé sa tête !
Comme quoi cette époque est bien celle de la victoire totale des chenilles processionnaires sur les tendres rameaux de la poésie :
Il y a péril en la demeure,
Depuis que les femmes de bonnes mœurs,
Ces trouble-fête,
Jalouses de Manon Lescaut,
Viennent débiter leurs gigots
A la sauvette.
Elles ôtent le bonhomme de dessus
La brave horizontale déçue,
Elles prennent sa place.
De la bouche au pauvre tapin
Elles retirent le morceau de pain,
C'est dégueulasse !
Illustration : Une politique quelconque dans l'attente d'une promotion non moins quelconque
13:30 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
Les commentaires sont fermés.