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27.03.2013

La loi du talion

persecutionchretiens.jpgElle lit Quo vadis.  Dans le texte, bien sûr, puisqu’en polonais. Et elle me demande :
- Pourquoi Néron donnait-il les chrétiens à manger aux lions et aux bêtes fauves ?
Pourquoi ? Heu… J’essaie d’expliquer la folie de Néron, le paganisme, le premier siècle de la chrétienté, laquelle n’était encore qu’une secte d’excités.
Bon. Elle reprend son livre, pas guère plus avancée qu’avant sa question.
Parce que, en histoire, - mais, ça, elle ne peut pas le savoir- le « pourquoi » n’a aucun sens, séparé de tous les autres pourquoi et des multiples comment qui l’ont précédé ?
Je retourne donc à mes occupations, comme débarrassé d’une question à laquelle je n’ai que des poncifs à répondre, et, in petto, je reformule : Oui, pourquoi ? Et je me demande bien si Sienkiewicz lui-même aurait pu répondre à ma fille et s’il a pensé que sa fresque ne pouvait pas rentrer dans la tête d’une enfant de treize ans autrement que par la compassion et, in fine, le parti pris. Et que c’était profondément faire mentir l’histoire, en fait.
Et je divague vers d’autres pensées. Néron et tous les tortionnaires des premiers chrétiens ont rendu de sacrés services à cette secte qui, 2013 ans plus tard, exerce son hégémonie sur une bonne partie de la terre et des hommes et qui étale ses richesses à la barbe des pauvres gens. Une secte qui a grandi démesurément, s’est assurée le soutien des empereurs, des rois, des dictatures, des sanguinaires les plus effroyables, des républiques, et qui, partout, a semé les graines de sa propre morale et de ses conceptions morbides du monde. Bref, une secte devenue religion et qui, à tout bien considérer, a rendu au centuple les malheurs qu’on lui a infligés dans l’œuf.
Mais surtout, surtout, les persécutions des premiers siècles lui ont permis de faire du sacrifice et de la souffrance, du sang impudique qui coule, des pointes qui s’enfoncent dans les mains, des épines qui lacèrent le front, la figure de proue de tout son fonds de commerce où la mort, encore la mort, toujours la mort, est l’article de luxe. Une boutique où la mort par sacrifice est hors de prix, vous vaut la reconnaissance éternelle, la canonisation !
Voilà, me dis-je, en épluchant mes pommes de terre pour le dîner. Voilà où mènent les brimades, les  génocides et les tortures, c'est-à-dire à l’hégémonie, souvent, des torturés, comme s’ils avaient une redoutable revanche à prendre sur l’Histoire.
Dans une moindre, très moindre mesure, j’aurais envie de demander à la petite lectrice de Quo vadis : pourquoi la Pologne, un pays si beau et si fier de sa liberté,  a-t-elle signé un concordat avec Rome ? Pourquoi les curés pavanent-ils, se mêlent-ils de tout, imposent-ils partout leurs mielleuses tartufferies, promènent-ils leurs sombres soutanes jusques dans les couloirs de l’école ? Et j’aurais la réponse : parce qu’il y a eu ici cinquante ans de communisme durant lesquels ils ont été muselés. Et ils la prennent, leur revanche !
Le clergé polonais doit tout aux imbéciles du matérialisme historique. Sans eux, il serait nul, sans  voix, insignifiant. Hors sujet.
Dans le même ordre de réflexions,  j’en arrive à formuler, toujours in petto : et peut-être l’Etat Hébreux lui-même doit-il tout à la démence monstrueuse du troisième Reich ? Et il la prend, lui aussi, sa revanche, même s’il n’atteint pas l’horreur des crimes que son peuple a subis !
Mais là, je me tais. Il vaut mieux que je continue d’éplucher mes pommes de terre en silence.
Pourtant, c’est comme ça, l’Histoire : Une sale, une répugnante, une abjecte loi du talion. Et le sage, l'homme libre, l'amoureux de sa vie, ne se sent responsable d'aucun des crimes perpétrés dans l'Histoire et n'a donc de comptes à rendre à personne, sinon à lui-même, à ceux qu'il aime et qui l'aiment.
Il renvoie donc dos à dos, dans une même et violente détestation, tortionnaires et revanchards.

12:53 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Il est clair que le génocide des Juifs a justifié qu’ils aient un état. Et comme cet état a été imposé de force parmi ceux qui existaient, cela n’a pas fait que des heureux. Forcément, quand, comme les parents de Darwich, vous vous faites expulser de votre village manu militari et qu’on confisque vos terres, cela laisse des traces, même s’ils ont dû être contents de s’en sortir vivants. Par la suite, Israël s’est imposé par la force et a agrandi son territoire, suscitant d’autres rancunes. Ensuite, se sentant menacé, il s’est armé jusqu’aux dents et maintenant, avec l’aide de l’Occident, il fait tomber les uns après les autres les régimes arabes qu’il juge menaçants. Cela n’aura jamais de fin.

Écrit par : Feuilly | 27.03.2013

Suis pas sûre que la religion ait besoin qu'on la brime pour s'installer partout...

Écrit par : Michèle | 27.03.2013

Oh! la religion n'a pas besoin de brimade pour s'installer, elle n'a besoin que de petits esprits qui volent au ras du sol...au milieu des pâquerettes!

Écrit par : La Zélie | 27.03.2013

Ouf, assez bossé pour ce soir. Alors je viens chez Monsieur Bertrand, mais... Bon tant pis, ce sera pour lundi !

Écrit par : Alfonse | 29.03.2013

@Feuilly, nous sommes à cent pour cent d'accord... Et je crains même que le pire soit à venir.
"Israël s’est imposé par la force", dis-tu... Je dirais même "que par la force", celle des EU en particulier.

@ Michèle et La Zélie, certes, Il n'est nul besoin de la brimer, pour que la religion s'impose dans un monde qui manque singulièrement de " religiosité". De "transcendance". Il n'empêche qu'en Pologne, son hégémonie est bel et bien la revanche non pas d'une religion - me suis sans doute mal exprimé - mais d'une classe sociale. J'en veux pour preuve qu'entre 1919 et 1939, le clergé était de plus en plus remis en cause ici. En tout cas, l’État n'aurait jamais signé ce concordat de 1993 - bloqué par la gauche ex-communiste pendant 5 ans et majoritaire à la Diète, puis ratifié en 1998 par la droite catholique revenue au pouvoir - s'il n'y avait eu la période communiste.
@ Alfonse, je serai très curieux de lire ce qu'il y a derrière ce " mais"... Je compte sur vous.

A tous, bien cordialement

Écrit par : Bertrand | 29.03.2013

Moi aussi j'ai été intriguée par le "mais" d'Alfonse. J'espère qu'elle nous dira... :)

Quelle chance d'être bilingue, d'avoir deux langues pour vivre... Lire en polonais, questionner en français... Parler à maman en polonais (et en français) et à papa en français... Ces pays sont bien en avance sur nous. A moins que les bilingues ne soient minoritaires (comme en France).

Écrit par : Michèle | 30.03.2013

Ben oui, moi itou, j'attendais un prolongement à ce mais énigmatique, mais...
Oui, c'est une vraie richesse d'être bilingue. Jagoda navigue d'une langue à l'autre que c'en est étonnant. Et pas seulement d'un parler sonore à un autre, mais d'un esprit de la langue à un autre. J'eusse aimé pouvoir en faire autant. Malheureusement, quand je m'avise de parler polonais, je traduis dans ma tête, c'est-à-dire que je ne parle pas polonais, en fait, mais en français traduit. Et ça peut donner de fichus contresens !
Les Polonais, de toutes façons, sont très doués en langue. Tournés vers l'Ouest depuis longtemps, il leur a fallu acquérir le langage pour s'ouvrir aux autres et le réflexe est sans doute resté. Ils parlent presque tous russe aussi, car c'était, tu t'en doutes, une langue obligatoire à l'école.
Ben à Toué

Écrit par : Bertrand | 03.04.2013

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