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12.10.2012

L'habitude du h

littératureElle rentre de Varsovie où sa classe a passé une journée de découverte en divers lieux, dont bien évidemment l’incontournable zoo.
Elle dit, en me montrant fièrement une espèce de peluche :
- Regarde, je me suis acheté un nibou.
- Un hibou, que je corrige.
- Un hibou, qu’elle se corrige à son tour. Il est joli, hein ?
- Oui, il est mignon… Et à part ça, t’as vu quoi au zoo ?
- Plein d’animaux. Des singes, un tigre, des vautours, un lama, un ippopotame et…
- Un nippopotame, que je l’interromps, emmerdant comme tout.
- Bon, faudrait savoir... Tout à l’heure tu m’as dit un hibou. Les deux mots commencent pareil.
- C’est vrai. Mais dans hibou, le h est aspiré. On ne fait pas la liaison.
- Aspiré ? Comme quand on aspire de l’air? Ça veut rien dire, ça, dans les mots qu’on dit.
- Admettons. En revanche, dans hippopotame, le h est muet.
- Muet ?
- Oui, on ne le prononce pas, si tu veux. On fait comme s’il n’était pas là.
- Et comment on sait, hein, dis-moi un peu, pour savoir si le h est là ou s’il n’est pas là ?
- Ben… Ben… Je sais pas trop, en fait. L’habitude. On sent ça au son, s’il faut faire la liaison ou pas.
- Ah ! Ah ! Ah ! Elle est bonne, celle-là ! L’habitude ! Et tu dis toujours : Język polski jest trudny* !  Hé ben, Język francuski nie jest bardzo łatwy*, que je te dis, moi.


Ce qui est facile, ai-je envie de dire, c’est ce qu’on a appris sans l’apprendre. Ce qu’on a appris quand on a appris la nécessité de parler. On retient de la musique. La langue, c’est ça : un cordon ombilical qui nous relie en permanence au monde dans lequel on est né. Mais, hélas, je m’entends dire et ça dérape un peu :
- L’habitude, c’est ce qu’on fait sans le savoir. Sans se poser de questions.
- Hum… Et si c’est une mauvaise habitude, comme tu dis souvent, on fait quoi ?
- On se corrige. On essaie du moins…
- Alors, là, si on fait ça, on se pose des questions et si on se pose des questions, c’est que ça n'est pas une habitude.
- Et moi je te dis que tu as la mauvaise habitude de dire un nibou, alors qu’il faut dire un hibou ! Je te corrige donc.
- Et moi je te dis qu’un nibou, c’est plus joli qu’un hibou. La mauvaise habitude, c’est peut-être toi qui l’as, après tout.
- Alors c’est que ma langue a de mauvaises habitudes. Comme le polonais avec ses pluriels compliqués qui changent à partir de cinq et ses déclinaisons et ses tas de consonnes à n’en plus finir, que ça en est imprononçable.
- Hum ! (haussement boudeur d’épaules)
- Oui ? Słucham.*
- T’as raison. Je disais des bêtises. Faut dire un hibou. Il est beau, hein ?
- Très.
-  Et dans héron, il est comment ton h ?
-  Il est aspiré. Sinon ça ferait un nez rond.
-  Ah, là d’accord, c’est normal ! Ça a un bec long et pointu, un héron.
- Grrrrr...

* Le polonais est difficile
* Le français n'est pas très facile
* J'écoute

09:52 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Si l'on ne peut placer un article défini devant le mot, le h est muet (le hippopotame cloche). Mais là aussi, l'oreille joue un grand rôle.
Et surtout, cette règle conditionne l'élision de la voyelle de l'article qui n'est pas naturelle à l'oreille quand il s'agit de savoir s'il faut mettre un "de" plutôt qu'un "d'". Il n'y a pas d'hibou ne heurte pas tant que ça l'oreille, or c'est incorrect.

Écrit par : ArD | 12.10.2012

Absolument succulent, ce dialogue ! Et quel titre !

Écrit par : Georges | 12.10.2012

J'entends bien, ArD...Mais expliquer tout ça en trois mots, sur le vif. Et puis, tout est effectivement une question de musique à l'oreille, même s'il est vrai que le "d'hibou" ne sonne pas très faux.

N'est-ce pas, Georges, que le titre peut donner d'autres idées (!)

Écrit par : Bertrand | 12.10.2012

Hou la la...

Écrit par : Alfonse | 12.10.2012

... et qu'un nibou est plus euphonique qu'un hibou en plus ! Plus que de musique, c'est de l'ordre du conditionnement, malheureusement, sinon le langage serait beaucoup plus souple : en témoignent ces très jolies réparties.

Écrit par : ArD | 12.10.2012

Délicieuse conversation et qui donne envie de se pencher sur toutes ces bizarreries; une qui n'est pas mal non plus, c'est la place de l'adjectif; pourquoi une grande maison et pas une maison grande?? amitiés linguistiques et bon voyage vers "chez nous" Anne-Marie

Écrit par : Emery Anne-Marie | 16.10.2012

Les commentaires sont fermés.