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12.03.2012

A mon avis Solko dérape…

b19.jpgAllez, une fois n’est point coutume, je vais ce matin me faire l’avocat du diable en prenant parti un court instant pour François Hollande contre l’ami Solko.
A mon sens, la critique faite par le texte mis en lien est extrêmement dangereuse en ce qu’elle fait fi de l’historique du langage et, même si ce n’est pas l’intention de  son auteur, amène beaucoup d’eau au moulin des nazillons du FN ou d’ailleurs. Les nazillons, il y a en a partout. Ils ne sont pas tous étiquetés de la même façon, mais ils ont partout les mêmes phantasmes.

Cette critique fixe en effet le mot race dans un contexte de structuration sémantique du langage qui ne lui sied plus. Que Hollande fasse par ailleurs rire jaune avec ses démarches d’homme du pouvoir spectaculaire ne se développant que pour l'image et à l’intérieur de l’image - tout autant que la dizaine de bouffons en lice -  cela ne justifie pas, pour moi, qu’on se fasse pour autant l’avocat de la pérennité du concept de race, tel qu’entendu dans la constitution et dans un environnement sociétal qui n’est plus le sien.
Il y a en effet l’espèce végétale, l’espèce animale et l’espèce humaine. A l’intérieur de cette dernière espèce, le mot race ne s’est jamais vu employer, historiquement, que pour donner apparence humaine à  toutes les conquêtes, toutes les spoliations, tous les esclavages, tous les crimes et tous les génocides et, en dernier ressort, pour les justifier devant une loi fantasmée de la nature.
Or, un concept, un mot, reçoit d'abord sa sémantique depuis la pratique qui en a été faite. Il en va de l'histoire du langage.

La constitution de 1958 intervient alors qu’une part du colonialisme est encore en place mais s’effrite ou s’est effritée partout dans le monde. La poudre parle en Algérie et le bon droit, le droit humain, le droit légitime, est du côté des rebelles. Historiquement, géographiquement, économiquement et militairement la colonisation n’est pas encore reléguée au chapitre de l’histoire, mais chacun sait, après l’Indochine, le Maroc et la Tunisie, qu’elle est en sursis. Un sursis très court.
Le concept de race se justifie alors a contrario…Pour précisément dire que les races doivent être désormais prises en compte non pas pour être exploitées les unes par les autres, mais traitées d’égale façon par la nouvelle République. Echo à la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948.
De 1958 à 2012, foin de la colonisation, place à l’impérialisme ! Les flux migratoires ne sont que les tsunamis a posteriori d’une déstabilisation de la carte géopolitique mondiale. Les hommes des antipodes se croisent, cohabitent dans la rue et à l’atelier, se lorgnent et se toisent, réclament la propriété de leur sol et, immanquablement, à partir de là, celle du bien-fondé de leur occupation des lieux, à travers l’origine de leur sang. A partir des années 80, le concept de race devient un concept politique puissant et prend donc la teneur contraire qu’avait voulu, dans les textes tout du moins, lui insuffler la décolonisation.

J’illustrerai mon propos par deux exemples, d’envergure totalement différente.
- Le trop fameux antisémitisme polonais d’entre les deux guerres n’a eu d’autres sources que celle d’un flux migratoire des populations juives, chassées de l’ouest, et ce, sur 1000 ans d’histoire. A partir de la christianisation du Royaume en 966, la Pologne avait été un des pays les plus tolérants en Europe pour l’accueil des juifs, jusqu’à compter plus de 10 pour cent de sa population en 1921. Le concept de race a pris toute sa force quand la Pologne a été annexée par la Russie fortement antisémite, en  1795. Ce concept fut alors le moteur idéologique des désastres que l’on sait quand Hitler et Staline se sont emparés, l’un à l’ouest et l’autre à l’est, du pays.
- Deuxième exemple beaucoup moins désastreux mais tout aussi honteux. A Paris, c’est dans le 20ème arrondissement fortement habité par les émigrés, onde de choc des décolonisations, que Le Pen réalisait ses meilleurs scores des années 80.
Dans les deux cas : la stratégie de la peur relative au quantitatif, celle que Sarkozy essaie misérablement de mettre en place aujourd’hui, celle qu’il a mise en place avec succès en 2007.
Il ne s’agit donc pas de savoir si l’espèce humaine est biologiquement divisée ou subdivisée en races - ce qui, à mon sens n’a aucune importance dans l’esprit, pas plus que le fait que parmi les hommes, il existe de gros individus, des maigres, des grands, des nains, des intelligents ou des sots, - il s’agit qu’un texte qui officialise la vie d’une communauté républicaine ne stigmatise pas ce terme, qui a fait les abominables preuves de sa dangerosité et s’est rendu responsable des pires crimes commis par les hommes.
Imaginez une constitution qui prendrait soin d'énoncer : ceux qui pèsent plus de quatre-vingt dix kilos ont les mêmes droits que les autres ! De même pour les blondes, les roux, les nymphomanes et les frigides !
Hollande n’a donc pas dit qu’il supprimait les races, qu'il en niait l'existence. Il a dit qu’il en supprimerait le concept dans la constitution de la république.
Ce qui, pour symbolique que cela soit, n’en demeure pas moins généreux et même intelligent.

Enfin quand Solko affirme :
« J’appartiens à une génération qui, pour ne pas être pour autant crépusculaire, a connu une France où l’on ne parlait pas toute la journée de races et de racisme »
Je réponds :
« Je suis de cette génération, Solko, et même un peu avant vous, je crois…  Ce n’est donc pas parce qu’elle n’en parlait pas que des actes lâches et infâmes n’étaient pas commis dans l’ombre.
Cette France ne parlait pas non plus beaucoup des viols, ni même des ecclésiastiques pédophiles. Que nos temps aient monté leurs contradictions en épingle et les aient noyés dans le langage spectaculaire de l’abondance quotidienne, entièrement d’accord. De là à cautionner la loi du silence,  il y a une marge qui s’appelle quand même l'expresssion du réel. »

Et après tout ça, j’espère qu’Hollande pensera à moi pour un tout petit, petit, petit portefeuille de ministre. Un ministère à la Zozo, par exemple.

Image : Philip Seelen

11:51 Publié dans Acompte d'auteur, Critique et contestation | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Bonjour Bertrand,

Vous avez fort bien argumenté, je suis d'accord avec vos conclusions.
En ce qui concerne la campagne électorale, je crois que nous devrions faire preuve de plus sagacité, d'humilité et de simplicité.
Il est devenu commun de constater que la démocratie représentative est en crise, qu'elle est accaparée par des oligarques petits ou grands soutenus par leurs apparatchiks Le renouvellement de la classe politique est une vraie question.
Mais, une campagne peut elle être autre que ce qu'elle est dans la mesure où, pour d'évidentes raisons, tout ne peut pas être mis sur la table
et qu'ils existent une multitude de chemins pour atteindre un but , certes, en l’occurrence, obscur.Les élections sont réduits par le quatrième pouvoir, celui des médias, a une succession d'événements insignifiants allant jusqu'à remonter les généalogies pour d'improbables cousinages; Les médias font, en cela, le jeu de la droite, en ridiculisant les débats, en écœurant les électeurs , en poussant à l’abstentionnisme par un "tous pourris" généralisés . Ces abstentionnistes se trouveront plus à gauche qu'à droite.
Dans nos démocraties les rois sont nus désormais. Il faut beaucoup de maturité aux électeurs pour dépasser les contingences qu'entrainent cette nudité.Il faut de la maturité,aussi, pour accepter qu'une ligne politique ne soit pas tout à fait celle que nous souhaiterions.
Par contre, l'écart entre les discours et les actes posent un très réel problème. Les élus en deviennent un des aspects. Ils n'ont pas tant de pouvoir que çà. Ils doivent justifier de leurs légitimités et de leurs autorités. Ils le font à travers la multiplication des instances décisionnelles dans lesquelles ils jouent un rôle formel qui devient une vraie nuisance.
Notre société est, profondément, conservatrice. Elle réclame des actions politiques dont elle n'est pas prête à payer le prix immédiat sans considérer l'avenir. Tout le processus décisionnaire consiste derrière la façade des mots à satisfaire ces volontés qui ne sauraient se dire..
Difficile de faire campagne dans ses conditions....
J'ai écrit au fil du clavier mais je crois qu'il serait bon de participer à des contre pouvoirs plutôt que de vivre un désappointement individuel frustrant et inutile.

Écrit par : patrick verroust | 12.03.2012

Ah mais qu'on rende public et dénonce les crimes et les discriminations racistes, je n'ai rien contre, évidemment ! Mais qu'on rende les mots responsables, ou qu'on croit qu'en les effaçant on améliorera les choses, c'est débile ! Ne parlons plus de fusils pour ne plus tirer de balles ! C'est prendre les gens pour les cons. Cécile Duflot, qui reprenait hier les paroles de la Marseillaise pour l'agrémentrer à sa sauce pacifiste et écolo en s'élevant contre "le chant impur" qui "abreuve nos sillons" m'énerve tout autant, quelle sotte ! La "culture" de cette gauche n'est pas du tout la mienne, décidément, et je ne vois pas d'un meilleur oeil l'élection de toute cette clic que la réélection de Sarkozy, y compris (surtout) sur le plan "cuculturel" comme i disent.
J'aime bien que nous ayons des désaccords, être toujours d'accord, c'est suspect. Mais je n'aime pas le mot "déraper". Déraper sur quoi ? Sur la doxa officielle ? Il n'y a pas de dérapage parce qu'il n'y a pas de pensée juste. Il n'y a que des différends.
(variante du dérapage, "le carton jaune"... Tout autant énervant et très mode)
Pour finir, je crois que c'est cette pensée molle des socialos qui amène de l'eau au moulin des gens d'extrême droite. D'ailleurs je suis sûr que bon nombre parmi eux attendent avec déléctation que Hollande soit à l'Elysée, et que pas mal vont tout faire pour l'y porter, hélas.

Écrit par : solko | 12.03.2012

Bonjour Patrick,

Vous avez de même fort bien argumenté. Et si le discours est véreux c'est parce que l'ensemble de ce qu'il y a à dire , le fondement même du discours, est lui-même véreux. Si l'inflation est une situation où il y a plus de billets de banque en circulation que de marchandises à se procurer, nous sommes en présence de l'inflation galopante des mots où il y a plus de déclarations et de professions de foi que d'idées à faire valoir.
Et nous vivons dans une monde où le bonheur n'intéresse plus grand monde, en plus
Quant aux contre-pouvoirs, hélas, je me suis depuis longtemps aperçu qu'ils se muaient vite en pouvoirs du contre. Que la dialectique était cruelle et que les salauds ne l'étaient point que parce qu'ils n'en avaient pas les moyens...

Écrit par : Bertrand | 12.03.2012

Cher Solko, c'est là que vous vous obstinez dans votre erreur...
D'abord, songez que ça n'est pas forcément agréable pour moi de me faire l'avocat du social-démocrate...Mais il n'a pas dit qu'il allait supprimer le mot, il a dit qu'il allait le supprimer de la constitution. C'est quand même autre chose... Revoyez mon histoire de gros, de blondes et de frigides.Je ne puis mieux illustrer et pensez que cette constitution est un texte né d'une situation historique bien précise et qui a 54 ans ! Cela ne vous interpelle pas un peu ?
Dérapage : Il n'y a pas de parole d'or, de Jean Chrysostome, nulle part. Je ne le sais que trop...Il y a cependant que des maniements erronés de concepts ont fait des millions de morts sous la torture et pas d'autres.
Mais, comme vous dites en substance, être toujours d'accord signifie ne l'être sur rien. Alors...

Écrit par : Bertrand | 12.03.2012

J'ai relu à la maison (j'étais au lycée tout à l'heure) votre argumentation. Je pourrais en effet y souscrire si le racisme n'était pas une réalité, hélas, vécue dans les préaux et les cours d'école, une réalité à réfléchir avec la raison et non pas le sentiment."Putain de ta race", par exemple, ça signifie des choses, que ce ridicule Hollande avec sa proposition feint de ne pas affronter. Dans mon existence, j'en ai fait l'expérience la plus forte à Hong Kong, avec une amie noire : aucun taxi ne s'arrêtait. Il m'a fallu un certain temps pour comprendre, français que je suis...
C'est bien de nier la réalité du racisme sur le papier. Dans la réalité vécue, être blanc, noir, arabe ou jaune,ce n'est pas vécu comme être blond ou brun, gros ou maigre,quoi que vous en disiez. Garantir constitutionnellement le droit de tous, c'est important. Et susciter un tel débat,en plus sur un article constitutionnel dont tout le monde se fout (vous connaissiez vous,cet article?) c'est purement de la langue de bois, du pur jus socialiste :"Je feins de régler les problèmes, je les envenime."
Vous savez bien que je ne cautionne pas la loi du silence. Je parle de la méthode Hollande, tout aussi tristement démagogique que celle de Sarkozy. Et je m'inquiète de ce courant d'opinion qui plébiscite un personnage aussi douteux que ce type prêt à tout, lui aussi, pour occuper l’Élysée à son tour et se jouer le grand soir mitterrandien
Cela dit,ni l'un ni l'autre n'aura ma voix parce que ni l'un ni l'autre ne vaut le déplacement.. Et c'est peut-être ça le problème. Comment se fait-il que ces deux partis électoralistes n'aient à nous proposer que des VRP aussi médiocres ?
Je me demande pour finir si tout ça vaut l'encre (virtuel) que nous dépensons pour parler d'eux.Vais boire un coup de blanc.
Amitiés

Écrit par : solko | 12.03.2012

Solko :

In cauda venenum, vous m'avez donné soif, à moi, l'abstinent... A votre santé, donc, avec un peu de retard !
Quand vous dites "nier le racisme", je ne sais pas si vous parlez de moi ou de Hollande. En tout cas, moi, dans ce texte ou ailleurs, je ne le nie point, je le déplore. Et je ne suis pas certain que le candidat ( que vous voyez, vous, à l’Élysée alors que moi je crois fortement qu'il ira se faire voir chez Plumeau parce que Sarkozy sait, mieux que lui, brosser la chaumière ignorante et veule dans le sens du poil et parce que toute une tranche de la "gauche" serait politiquement morte s'il était au guidon)) nie ce racisme.
Être gros ou maigre n'est pas la même chose que d'être noir ou arabe. Certes. je le sais. Je disais que ne pas mentionner leur particularité (si cela en est une ) dans un texte constitutif signifiait qu'il allait de soi qu'ils bénéficiaient des mêmes droits et étaient sujets des mêmes devoirs que les autres et que, donc,il était inutile de les mentionner. Dans cet esprit, ne pas mentionner la race me semble aller dans le bon sens et non pas occulter comme vous l'affirmez.
Car il y a, dans la réalité et dans une moindre mesure, certes, aussi discrimination sur les gros (cf compagnies aériennes et double tarif - envisagé ou mis en pratique, je ne sais plus - pour les plus de 100 kg !)
Mais je peux me tromper, bien sûr. Question de sensibilité.
Bien à vous, cher Solko

Alfonse :
Merci pour ce lien

Écrit par : Bertrand | 13.03.2012

Bertrand,

Je relève dans la réponse que vous fîtes à mon commentaire cette phrase "le bonheur n'intéresse plus grand monde".
Le bonheur n'est pas question de politique. Effectivement, le bonheur des peuples semblent sacrifier par les gouvernants au profit du Dieu "Argent". Mais le bonheur des peuples étaient une utopie qui engendra des millions de morts et un matérialisme excessif.Les années 70 virent apparaitre une série de Droits dont l'état était désigné comptable malgré leur caractère saugrenu, doit à enfanter, droit au bonheur, droit au plaisir....droit, droit...il n'était, bien sur, pas question d'obligation, ni de responsabilité, encore moins d'acceptation. Or, le bonheur relève de la sphère la plus privée qui soit, celle qui est inatteignable. Le bonheur n'est pas un du . Il est un état rare, indicible, qui ne conquiert pas. Tout juste, peut on construire un édifice de vie qu'il viendra visiter ou que le malheur ne saura pas atteindre. La seule condition qui vaille, en ce domaine, est l'acceptation qui n'est pas renonciation, mais une sorte de prière intime, libératoire.
Cette dérive post soixante-huitarde a permis d'occulter les essentielles revendications qui sont celles inscrites dans la déclaration universelle de droits de l'homme, le droit à la dignité, au respect, à un emploi, à la liberté....liberté d'aller et venir,ce qui suppose des moyens...Les peuples nantis courent après des ersatz. Il ne faut pas demander aux politiques ce qu'on ne veut pas qu'ils nous donnent...

Écrit par : patrick verroust | 13.03.2012

Patrick,

Je me suis exprimé de façon lapidaire - commentaire oblige - et cette façon, je le vois bien, prête tout de suite à confusion.
Loin de moins et depuis fort longtemps d'amalgamer la poursuite du bonheur et la critique sociale et politique.
Je vous prie de lire, cher Patrick, ou de relire, ce texte, directement sorti de mes tripes. Je dis comme ça, parce que dans les textes d'un blog, il en est qui sont plus intimes que les autres, en tout cas ici...
http://lexildesmots.hautetfort.com/archive/2012/02/14/ite-missa-est.html
Bien à vous

Écrit par : Bertrand | 14.03.2012

Bertrand,

Je ne faisais pas une critique de votre texte. J'ai péché cette phrase parce que justement, la quête du bonheur est devenue une affaire d'état

Écrit par : patrick verroust | 15.03.2012

Ah, d'accord, Patrick ! Que de confusion dans ces brefs commentaires ! C'est normal... On a déjà du mal à exprimer en 200 lignes ce qu'on veut réellement dire, alors en dix mots...
Suis bien d'accord avec vous, Patrick... Et tant qu'on déléguera à la Chose publique le soin de définir notre bien être, on couchera sur des pointes.
Cordialement

Écrit par : Bertrand | 15.03.2012

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