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16.01.2012

Adieu camarade !

littératureJ’avais évoqué cet homme sympathique dans Polska B Dzisiaj…Il habitait, aux lisières de la forêt, une maison campagnarde construite par son père, en bois, esseulée, posée sur un bout de prairie. On y accédait par un chemin de terre, mal aisé. De ces chemins qu'on ne prend jamais, sinon pour venir frapper à une porte. A l'automne, dès les premiers blizzards, il balisait ce sentier de piquets, pour savoir où il serait exactement une  fois enfoui sous la neige, et pour ne pas ainsi culbuter dans le fossé du bas-côté.
Nous avions bien ri quand il eut des velléités de se faire installer internet. Avant l’eau courante. Question de priorité dans un monde qui n’en a plus. Monde inconnu des puissants, monde des humbles et qui de leur simplicité, qu'ils ignorent en tant que telle, font littérature. Comme les paysages. Simplicité qui n'est simple que par l'orgueil de notre complexité surperfétatoire. Monde que j’aime, décalé. Sans prétention, que celle d'exister un moment. Monde dont la marche frontalière est en soi une violente diatribe.
Il m’avait raconté les loups. De son enfance. Il parlait comme mon grand-père alors qu'il avait six ans de moins que le petit fils. Sauf que ses loups, à lui, de vrais loups, c’était l’été qu'ils hurlaient. Dans un pays recouvert de neige trois ou quatre mois par an. Il brisait ainsi l’image éternelle que je portais dans ma tête.
Il m’avait beaucoup aidé quand j’avais tout démoli de ma maison et qu’il avait bien fallu reconstruire, ciment au sol, plafond, plancher, cloisons, et tutti quanti. Il m'avait porté du bois aussi, sans que je lui demande, pour que je me chauffe. Mon Auvergnat en Pologne.  Main tendue du pauvre.
Après, il s’en était retourné à ses lisières, soigner ses quatre ou cinq cochons et planter ou ensemencer ces trois ou quatre hectares de terre sablonneuse. Il m’avait laissé faire les finitions. Les finitions…Depuis l’été dernier, je le savais, il en était aux siennes.
Jest na wykończeniu.

Il neigeait. Il neigeait très fort, une neige oblique et puissante, balayée par les souffles du nord, samedi, quand je l’ai accompagné jusqu’au trou final. L’ouverture du paradis pour lui, les portes d’une absurde métamorphose pour moi.
Il neigeait. Il faisait froid et si triste ! Les gens courbaient l’échine sous l’intempérie et leurs dos accablés, devant moi, se saupoudraient de blanc, la neige accrochée aux poils de leurs lourdes pelisses.
La terre s’est refermée et sur le monticule se sont amassés les flocons. Je fus décontenancé, une nouvelle fois, par la simplicité du terrible rendez-vous qui sous-tend pourtant tous les autres. Leur donne un sens.
La terre n’est qu’une parenthèse entre zéro et zéro.
Adieu camarade ! Et puisque, toi, tu croyais en lui :

Qu'on te conduise à travers ciel,
Au père éternel !

Illustration : mon village, samedi..

12:23 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Je suis touchée. C'est beau.

BERTRAND :

Merci, Sophie...

Écrit par : Sophie | 16.01.2012

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