23.08.2011
A vot'bon cœur
Il me faut prendre quelques précautions avant d’écrire ce que je me propose d’écrire là.
Redire, quoique de nombreux textes de ce blog abondent dans ce sens et notamment la correspondance que j’eus un temps avec Philip Seelen, que je suis à des années-lumière d’être un thuriféraire du système collectiviste défunt qui sévit à l’est et en Europe centrale, cinquante longues et pénibles années durant.
Bien avant de venir vivre en Pologne, d’ailleurs, j’étais un adversaire résolu et convaincu des staliniens de tout poil, des gros cons du PCF aux imbéciles gauchistes maoïstes, trotskistes, en passant par tous les autres, planqués sous des attitudes et étiquettes diverses.
Mon propos est ici un détail. Un détail amusant. Qui m’a bien plu. Et encore une fois, dire que rien n’est jamais tout noir ni tout blanc dans les différents avatars que traverse l’histoire, même si certains sont beaucoup plus foncés que d’autres...
J’affirme parfois, par exemple, que le meilleur allié historique de l’église catholique en Pologne, fut son ennemi déclaré, le communisme. En effet, du combat que se livrèrent ces deux idéologies, c’est bien la première qui est ressortie nettement vainqueur et qui, par une sorte de revanche, par réaction, est devenue l’idéologie dominante et dominatrice, présente dans tous les secteurs de la vie sociale.
A bien des égards, plus envahissante sans doute que ne le fut le marxisme- léninisme. Je pense à son enseignement dans les écoles publiques et je pense à cette enfant, pénalisée l’année dernière pour ses mauvais résultats dans cette matière honnie, alors qu’excellente partout ailleurs, dans les vraies disciplines dignes de figurer au planning de formation et d’ouverture d’esprit d’un môme.
La honte. Ne suis pas certain qu’un enfant du communisme aurait pu être pénalisé s’il avait mal ânonné quelques poncifs du Manifeste ou de l’Idéologie allemande.
Mais je suis très optimiste. L’idéologie dominante, comme partout et comme toujours, trop sûre de sa victoire, de sa pérennité, de son pouvoir, s’évertue à creuser sa propre tombe par une succession d’abus qui finissent par la dénoncer et la convoquer manu militari sur le banc des accusés.
Et dans un livre honteusement assassiné par François Bon (tiens, on parlait de stalinisme ?), Polska B Dzisiaj, je disais déjà et je dis encore :
« Bien sûr que je suis heureux que la Pologne soit débarrassée de l’ignoble système dit communiste. Mais si c’était pour en arriver là, au règne absolu de la marchandise au détriment de toute autre valeur, règne béni par les onctions obsessionnelles de la soutane, vraiment, ça me semble d’une hygiène douteuse, genre qui aurait traité des charançons avec une poudre propice à la reproduction des cancrelats. »
Mais je m’éloigne de l’initial et plaisant détail dont je voulais parler.
Aujourd’hui, dans les pays dits riches - disons endettés jusqu’au cou pour être plus exacts - nombre de décideurs ou (et) de candidats à cursus honorum n’en ont que pour le développement durable et l’écologie. Normal : « continuez à souiller votre lit, et une belle nuit vous étoufferez dans vos propres déchets.* » L’avertissement avait été clair. On ne l’a cependant entendu qu’une fois profondément englué dans les poubelles.
Au programme de ce développement durable, figure quelque part, sous des tonnes d'autres recommandations, l’incitation au covoiturage. Histoire de réduire les exhalaisons des pots d’échappement. Je doute fort que la mesure soit efficace, mais au moins comporte-t- elle un soupçon, une apparence, de fraternité.
A l’époque communiste les décideurs devaient se soucier de la santé de la planète comme d’une cerise. Il existait pourtant une incitation institutionnelle en direction des automobilistes pour qu'ils prennent à leur bord les auto-stoppeurs. Ceux-ci étaient munis d’une sorte de carnet authentifié, dont il signait et détachait un feuillet qu’il remettait au conducteur complaisant. Fort de ces attestations, l’automobiliste portait les billets je ne sais où et recevait je ne sais quel avantage.
Vous voyez que j’en sais peu, mais assez quand même pour regretter que les pays capitalistes n’aient pas eu, à l'époque, la même idée pour m’éviter des heures, voire des journées d’attente Porte d’Orléans ou ailleurs.
Certes, cette mesure était certainement une mesure de gestion de la misère, peu de gens étant dotés d’une automobile, mais son esprit reste un bon esprit.
Avec le temps, bien sûr.
* Le chef indien Seattle devant l'Assemblée des tribus d'Amérique du Nord en 1854
11:15 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
soyez consolé encore plus, depuis le temps que j'entends parler du covoiturage je ne l'ai jamais vu s'appliquer, même à l'poque des grèves Juppé où je faisais deux heures de marche aller et retour avec des cannes et une jambe récemment déplatrée
Écrit par : brigitte Celerier | 23.08.2011
Pas sûr que ça me console, Brigitte...
Écrit par : Bertrand | 23.08.2011
Je garde de bien bons souvenirs de mes séjours de boursière en dictatures communistes où il suffisait d'agiter la main, paume orientée vers le bas, pour que la voiture s'arrête.
Je n'y voyais pas une technique de gestion de la misère, mais une forme d'anticipation sur l'avanie des systèmes capitalistes où l'on s'endette pour acheter une voiture et où l'on associe étroitement la voiture à la liberté individuelle.
Le covoiturage comme transport supplétif d'un réseau de transport collectif piètre n'est malheureusement pas le parangon d'un développement écologique, puisqu'en cas de grèves il pallie aux défauts de la politique de transports en commun et qu'en cas de non-grève, il ne favorise pas le recours aux transports en communs. Le covoiturage est l'objet d'une argumentation verbeuse verdâtre pour nos politiciens, qui, globalement, pourraient bien mieux faire. Rappelons que nous sommes une exception quasi-mondiale : tout citoyen, qu'il conduise ou pas, finance régulièrement la voiture de ses concitoyens grâce à des balladurettes, des juppettes et compagnie qui pour attirer le chaland accordent une prime à la casse.
Cela étant,«covoiturage.com» fonctionne bien.
Écrit par : ArD | 23.08.2011
Le covoiturage institutionnalisé c'est, en tant que remède à la pollution de la planète, un peu comme si on donnait une cachet d'aspirine à un malade en phase finale.
Par ailleurs, vous décrivez "d'agiter la main, paume orientée vers le bas." C'est exactement comme cela que les auto-stoppeurs polonais font (au lieu du pouce levé) et, au début, ça m'intriguait.
Y voyez-vous une raison particulière ?
Écrit par : Bertrand | 24.08.2011
Ce geste... Je ne vois rien d'autre que ce même geste que nous faisons ici, avec plus grande amplitude, pour signifier à quelqu'un de ralentir pour une raison x ou y.
C'est plutôt la signification de «pouce = j'arrête» qui m'interroge.
Écrit par : ArD | 24.08.2011
Schon gesehen, fraulein ArD : Ce "pouce j'arrête" de nos jeux d'enfant, je n'y avais point pensé... Beau signifiant.
Écrit par : Bertrand | 24.08.2011
Vite ... vite .. vite ... je lâche pour quelques minutes l'excellentissime Théâtre des Choses de l'écrivain Bertrand Redonnet ... pour t'écrire ces quelques mots, expression de mon intense satisfaction après ma lecture sans interruption des 7 premières nouvelles de ton dernier opusculivre ... ouais Mec, la langue, les paysages de l'Est et de l'Ouest, les personnages, leur psychologie, les trames, bref on n'est enlevé par ce damné raconteur et on ne voit pas le temps passer ...
... à toute et à bientôt pour nos échanges numérisépistolaires de cet été finissant, pour envisager ta venue ici en Swiss pour chanter la musique et la langue de Brassens devant les élèves des lycées vaudois et fribourgeois et si tu es toujours d'accord pour planifier mon séjour hivernal en Polska B ...
... Mille zoubizoux à vous Trois de là-bas, ceux de nos Marches de l'Est ... gardez bien les rives du Bug des inondations ... mais laisser passer un max de Tchétchènes et autres Tartares ... l'Europe en a besoin pour renouveler son sang ...
Philip Seelen l'Imagier de Paris et du Vallon de Villard
Écrit par : Philip Seelen. L'Imagier. | 24.08.2011
Cher Philip,
C'est toujours une émotion (trop rare) de re-découvrir ta signature sur l' Exil. Merci de ta lecture du "Théâtre des choses". Y vois-tu un bout de cette Pologne dont nous avons tant causé, tous les deux ?
Cette Pologne , oui, mon gars qui t'attend cet hiver, aux jours que tu auras choisis. Le thé est servi, le bigos mijote, le gateau au pavot (inoffensif) est en train de dorer.
Et j'ai dans ma caboche un projet qui mûrit doucement. N'oublie donc pas "ton crayon à images" !
Je ne sais comment sera cet hiver. Les Polonais disent "Nie ma lata, nie będzie zimy". On verra. Je te laisse traduire.
Oui, je me transporterai en Swiss, guitare en bandoulière et quelques chansons fraternelles dans ma besace.
Bien à Toi et à bientôt
Écrit par : Bertrand | 25.08.2011
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