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21.10.2010

Re-salut à Toi, Pologne !

PA150012.JPGIl y eut d’abord ce grand soleil cloué au milieu d'un ciel resplendissant.
En sortant de l’avion, l’air tiède m’a fait tressaillir et je ne savais  plus quoi faire de mon blouson, de mon pull et de ma chemise. C’est comme ça que j’ai réalisé que Varsovie était déjà loin, de l'autre côté du bout de ciel que je venais de traverser  : Quand je me suis retrouvé en T-shirt.

Plus tard, c’est sous cette lumière oblique, jaune et instable, cette lumière qui allonge les ombres de l’automne,  que j’ai revu le Poitou-Charentes et l’océan, étale, avec, comme toujours, ses sarabandes de grands goélands, ses brumes incertaines sur l’horizon, ses bateaux  superflus de la plaisance, toujours d'un blanc qui scintille en même temps que l'eau, et, au loin, les côtes imprécises des îles : Aix, Madame, Ré et Oléron.
Il m’a semblé qu’il y avait, au-dessus de tout ça, comme un respectable silence, presque une tristesse d'avoir à exister toujours de la même manière.

J’ai retrouvé mes jardins désertés de leurs anciennes plantes humaines, comme je le savais, sinon celles de la proche famille. Ces jardins me sont apparus comme si je les avais quittés hier et comme si, dans la nuit, la terre avait brusquement changé de saison.
J’ai circulé beaucoup, 1000 Km environ,  à travers les Deux-Sèvres, la Charente-Maritime et la Vienne. Par de petites routes connues, immuables, avec des talus plantés d’érables, de chênes, de châtaigniers ou de frênes.
Là, un souvenir embusqué au détour d’un virage, là-bas, sur une sorte de colline, un point de repère, un village lointain dont je sais dire le nom. Navigation entre les fantômes que mon départ a tués et qui, en tant que fantômes, font des efforts -
puisque je suis revenu sur les lieux du crime - pour se rappeler à mon bon souvenir.
Sentiment que ces cinq années  polonaises sont passées à une vitesse fulgurante. Que les cinq prochaines feront de même, et -  si tant est qu'elles voient le jour -  les suivantes aussi, et que tout est dérisoire de ce temps qui s’enfuit bien plus vite que nous ne savons le vivre.
J’ai traversé ces jours un peu comme  on écrit une page : En glissant à côté des choses et pas vraiment dans les choses.
A Marie-Claude Rossard, du Temps qu’il fait, qui me demandait comment je ressentais tout ça, je crois que j’ai dit que je ne savais plus qui, de moi ou des paysages anciens, des paysages de ma mémoire, avaient pris la fuite et que c’était comme si je ne faisais plus corps avec les instants. Comme si je me voyais marcher au lieu de marcher, comme si j’entendais ma voix surgie de l’extérieur et comme si j’étais dans un décor planté, plus que sur les lieux réels d’un automne  rural, qui m'attendait, que j'attendais, avec qui j'avais pris rendez-vous.

Le temps a  filé. Chaque jour une lecture de Jean-Jacques. Mises en voix et en espace de Zozo impeccables. J’ai découvert un autre texte. J’ai ri et même humecté mes yeux, comme à une première lecture. J’ai découvert aussi un artiste généreux, avec un cœur grand comme je voulais, quand j'étais petit,  que soit le monde.
Salut à Toi, l’ami. Le chemin qui s'ouvre devant nous sera joyeux ou ne sera pas.

Et ma grande émotion fut au lycée des Sicaudières, à Bressuire. Là, des élèves avaient choisi de me faire une surprise. Ils avaient relevé deux ou trois textes sur ce blog et ils me les ont lus à plusieurs voix, en se donnant la réplique et en guise de bienvenue parmi eux...
Emu que ces jeunes gens connaissent mon blog, en extraient des textes et se les approprient ; Heureux aussi que des adolescents lisent numérique. Comme quoi, les défenseurs à tout prix de l’édition traditionnelle, pour importante qu’elle soit, ont déjà une adolescence de retard.
Mais, me direz-vous, à quoi ça sert d'être à l'heure ? A rien. Je vous l'accorde. Qu'on soit en retard, ponctuel ou en avance dans son époque, on est rarement là où on avait pensé qu'on allait.

En tout cas, un merci chaleureux aux profs de français pour conduire leurs élèves sur des chemins encore nouveaux.

Après, les questions sur Zozo, qu’ils  avaient étudié en classe, ont fusé. Dont une récurrente :

Pourquoi avez-vous fait mourir Zozo ?
- Parce qu’il n’avait plus de place dans le devenir du monde.

Le ciel était bleu, en haut. En bas, les hommes étaient plutôt moroses et battaient le pavé. J’ai accompagné mon frère dans un cortège de la contestation. lI se bat, mon frère. Trente ans qu'il est derrière un volant et les nervis au pouvoir qui le poussent à y rester encore jusqu’à des âges indues.
Je l’ai accompagné en frère, en ami.
Mais derrière quel drapeau marcher, sinon, stricto sensu, celui de la fraternité ?
Depuis longtemps en berne sont  mes propres étendards.

Et quelle joie, quel calme, de n'avoir plus rien à espérer des sociétés imbéciles  !
Cap sur les amitiés qui naissent et sur le temps qui fout le camp !

12:23 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

ils étaient à l'heure de la lecture, et c'est ce qui compte. Si cela est dû au numérique, n'est ce pas une raison de le bénir ?

Écrit par : brigetoun | 21.10.2010

Tout à fait, Brigitte...
Est-ce que les vidéos mises en lien dans le texte précédent sont audibles et visibles ?
Je n'en ai point d'écho et je crains que, techniquement, ça ne passe pas.

Écrit par : Bertrand | 21.10.2010

Si si, cela passe très bien. Je viens de tout écouter à l'instant, m'accordant un peu d'oisiveté dans mes heures de travail (bien fait pour celui qui m'exploite et me paie si mal). Très sympathique entretien. Content d'avoir pu t'entendre après t'avoir lu si souvent (en version papier ou en version numérique).

Je vois que les souvenirs de France sont meilleurs que lors du dernier voyage. D'autres amitiés naissent. C'est très bien cela.

Écrit par : Feuilly | 21.10.2010

Ah, merci Feuilly. C'est heureux de te retrouver ! J'ai lu aussi, dès en arrivant,les deux épisodes " d'Obscurité"...
Oui, séjour en France beaucoup moins tumulteux que le précédent...
Ici, ça sent déjà la neige.
Là-bas, ça ne sent pas encore la poudre.

Écrit par : Bertrand | 21.10.2010

Pas encore, mais ça peut venir.

Écrit par : Feuilly | 21.10.2010

A moins que ce ne soit que de la poudre aux yeux...

Écrit par : Bertrand | 21.10.2010

Welcome back; j'ai savouré cette vidéo si attachante, le son de ta voix, ce contact fraternel avec ton ami , ton éloge de l'oisiveté; je suis sur la même longueur d'onde, je pense , par exemple, aux enfants auxquels on ne laisse pas une minute pour révasser et ne RIEN FAIRE; bien des adultes également se "gavent" d'activités car ils ont une peur panique du temps libre, du silence
Merci, Bertrand de continuer à fouiner dans ton sac à dos, plein de fantômes et de vécus et de savoir si joliment nous conter tout çà
Amitiés A.M

Écrit par : A.M Emery | 21.10.2010

@ Anne-Marie : j'ai écouté la lecture, qui se finit par la chanson à deux. Je n'arrive pas à attraper la vidéo de l'interview. J'en vois l'indication sur la liste des nouveautés, impossible d'y accéder. Pouvez-vous me dire comment vous procédez ? Merci :)

Écrit par : Michèle | 21.10.2010

Merci de ton écoute, Anne-Marie.
Michèle, il te faut procéder exactement comme dit dans le texte ci-dessous. Dans "Nouveautés", c'est la deuxième ligne, je crois.

Écrit par : Bertrand | 22.10.2010

oui, dans " Nouveautés ", tu choisis "Moulin du marais"
bonne écoute Anne-Marie

Écrit par : A.M Emery | 22.10.2010

@ Anne-Marie & Bertrand :
C'est exactement ce que j'ai fait pendant une heure hier soir. Toutes les autres vidéos viennent à l'écran, et celle-là je ne lui ai pas vu le plus petit bout de minois. Je réessaye. Merci en tout cas.

Écrit par : Michèle | 22.10.2010

C'est parce que ton ordinateur n'aime pas ma trombine alors....Hiiii...

Écrit par : Bertrand | 22.10.2010

Les commentaires sont fermés.