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27.09.2010

Le livre de Michel Houellebecq

P9240007.JPGS'il n’y a que trois façons d'écrire un livre - une bonne, une moyenne et une mauvaise - il  y a sans doute bien des façons de le lire. Parce que c’est « je » qui lit.  Un « je » censé être unique, donc multiple, et souverain.
Ceci dit surtout pour  un livre nouveau assez vierge de toute critique sérieuse, les ovations de bon aloi et les dénigrements systématiques - les oppositions par principe - ne rentrant évidemment pas dans le cadre d’une critique sérieuse.
De toute façon, je ne lis que très rarement les critiques d’un ouvrage :
« Bien avant l’écriture, on lisait. On décryptait alors le vol des oiseaux, la course des planètes, les signes avant-coureurs d’une saison, l’empreinte de l’animal, la couleur des pierres, les étranges avatars de la lune, la peinture sur la roche et la couleur des nuages. On lisait donc les choses et les êtres vivants dans leur confrontation directe au monde.
Avec l’écriture, nous sommes passés à la lecture indirecte. La lecture de la lecture de l’autre. Permettez cette petite digression : je ne lis jamais les critiques d’un livre. Se plonger dans la lecture de la lecture de la lecture d’un quidam m’est harassant. On finit par ne plus savoir ce qu’on lit et de quel monde on est parti. On tourne en rond, comme à peu près tout ici bas, et le propre d’un  rond, c’est de finir où ça a commencé, n’est-ce pas ? »

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Pour bien d’autres livres autres que les nouveautés, disons les baroudeurs, ceux qui ont essuyé des années, voire des siècles de lecture, on est plus ou moins enclin à les aborder avec un bagage dans la tête.
« Je » lit, mais quelque part imprégné d’un « nous » et d’un«  eux » plus ou moins confus.
Parfois aussi, pour les classiques, me revient en mémoire des bribes de très vieilles appréciations de mon prof de français, au lycée, excellent prof qui nous fit en même temps aimer Balzac, Villon et Stendhal, et que nous avions affublé  d’un auguste sobriquet, « Cicéron ».
C’est donc tout à fait par hasard que j’ai lu « La carte et le territoire » de Michel Houellebecq. De  lui, je n’avais lu qu’un recueil de poèmes que m’avait offert jadis Denis Montebello et, comme à peu près tout le monde, quelques années plus tard, Les particules élémentaires.
Depuis, je n’avais pas prêté attention à l’écrivain, franchement même rebuté par sa popularité, ses frasques convenues de misanthrope convenu et, plus dernièrement, ses imbécilités avec le penseur décervelé, Henry Levy. Tellement penseur, celui-là,  qu’à chaque fois qu’il se mêle d’intervenir sur un évènement dramatique du monde, il a tout faux et devient recordman au bout de deux ou trois de ses  interventions du nombre d’erreurs et de contre-vérités exprimables dans un laps de temps minimum.
Mais laissons  le philosophe à ses tristes performances et revenons au livre de Houellebecq.

Je disais que le hasard avait voulu que je le lise. Ça n’est pas tout à fait exact, puisque ce  hasard, je l'avais provoqué.
J'avais remarqué dans les notes de lecture de Jean-Louis Kuffer une certaine insistance à vouloir dire ce livre et je m’en étais un peu agacé. Je lui  en avais fait part dans un commentaire, puis, dans l’après-midi, occupé à rentrer mon bois de chauffage à la brouette - dans  un de ces instants où l'on pense à tout, sauf à ce que l'on est en train de faire - je m'étais dit que si un gars de la trempe de l’écrivain suisse, un bon camarade en plus, tenait absolument à faire figurer Houellebecq dans ses Riches Heures, c'est qu'il  devait y avoir matière à bonne lecture.
Sur ces entrefaites-là, Dorota, alors en France, m’appelle et me dit qu’elle est en train de fouiner dans une librairie.  Elle me demande de lui dire un titre, pour me faire un cadeau, bien sûr. Spontanément je dis «  La carte et le territoire », puisque c’était à la sortie de ce livre que j’étais en train de cogiter en brouettant mon bois.
Voilà pour l’histoire de mon achat et pour tenter, bien vainement et sans importance aucune, de me dissocier des 200 000 autres qui, apparemment, ont eu le même réflexe que moi.
A la différence près que, eux, certainement, sont des Houellebecquephiles fins et  avertis.

J’ai lu le livre sur un Week-end. Avec beaucoup de plaisir.
J’y ai trouvé un auteur attachant, oscillant toujours entre la dérision, le sordide, le dramatique, l'humour noir et la désespérance. J’y ai surtout trouvé, lu plus exactement, une quête pathétique de l’élément humain dans un monde résolument  tordu.
Et j’y ai lu cette tragédie du XXIème siècle - amorcée à la fin du siècle précédent et finement énoncée en son temps par Debord - dans laquelle la représentation de la vie a complètement supplanté  la vie, au point de devenir cette vie elle-même.
Un monde où le faux, l'image, le rendu, l'apparence, la mise en scène, tiennent lieu de vérités tangibles, définitives, en dehors desquelles nulle existence n'est possible.
Bref, un monde où la "carte est plus intéressante que le territoire" et qui, fatalement, en l'absence de toute présence véritablement humaine, est voué à l'engloutissement végétal.

08:37 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

D'un point de vue marketing, l'éditeur de Houellebecq aurait dû sortir son bouquin en copie conforme du format "cartes routières" (même si le GPS leur fait une concurrence certaine), avec un partenariat Michelin et logo Bibendum.

On l'aurait ainsi trouvé non seulement chez Leclerc et Carrefour mais dans toutes le(ur)s stations-service.

Certains clients auraient même pu se tromper et acheter le Houellebecq à la place de la carte du Massif central ou de la Vendée.

Il est vrai que tous les automobilistes étaient déjà de retour à la maison quand "la rentrée" littéraire avait sonné.

Ceci dit, je n'ai pas lu ce chef-d'oeuvre, on en a tellement parlé que je le connais (presque) sur le bout des doigts, à un embranchement près sans doute.

Écrit par : Dominique Hasselmann | 27.09.2010

Oh, Dominique, vous ai-je parlé de chef-d'oeuvre ?
Si c'était un chef-d'oeuvre, la critique fermerait bien plus sa gueule. Vous connaissez des gens, vous, qui se précipitent sur les chefs-d'oeuvre ?
J'ai dit " un bon livre"...Et j'en ai lu tellement de mauvais dont on avait parlé avec la même frénésie marchande, que j'ai été surpris !

Écrit par : Bertrand | 27.09.2010

Mon allusion à "chef-d'oeuvre" ne vous était pas destinée, c'était juste par rapport à l'encensement généralisé du livre par les critiques tous à genoux - sauf quelques infidèles - et à la formidable campagne de pub promotionnelle ou de promotion publicitaire dont il a bénéficié.

Ce qui a produit sur moi l'effet contraire recherché. Mais quand il sortira en livre de poche, ce Houellebecq rejoindra sans doute ses petits copains dans ma bibliothèque - ça rime logiquement !

Écrit par : Dominique Hasselmann | 27.09.2010

Oui, Dominique, je vous avais bien lu en ce sens...Et d'ailleurs, si j'ai éprouvé le besoin de me justifier ici, en quelque sorte, sur les circonstances de mon achat, c'est bien que j'avais la même répulsion que vous devant le matraquage, les tambours et les trompettes.

Écrit par : Bertrand | 27.09.2010

Les commentaires sont fermés.