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06.09.2010

Dématérialiser la veulerie humaine

P9050035.JPGHier, au cours d'une promenade en forêt , j'ai hélas pu constater de près ce que j’avais cru apercevoir de loin ces derniers jours depuis la route  : Un grand trou en lisière de la futaie, vraiment au bord de la route ; un grand trou à moitié comblé de sacs poubelles et d’ordures. Le vent et les bêtes sauvages en avaient éparpillé un peu partout alentour sous les sous-bois de pins. Une désolation révoltante, mais hélas, un gâchis trop courant ici ! La forêt regorge par endroits de ces décharges sauvages, immondes, dans cette forêt pourtant si belle, si vaste et par ailleurs si bien soignée du point de vue de son exploitation.
Les Polonais, du moins la plupart des ruraux, n’ont absolument aucun sens de la citoyenneté et de l’environnement. Le passé et ses réflexes de délinquance sous une dictature aux règlements absurdes ? L’éducation ? Le laxisme des pouvoirs publics ? Tout ça à la fois, je crois bien.
Mais il serait peut-être temps qu'ils prennent conscience, ces Polonais, que le communisme, c'est vingt et un  ans derrière eux et que lorsqu'on se débarrasse d'un système calamiteux, c'est pour faire mieux, c'est pas pour se vautrer dans la fange pendant un quart de siècle !

Dans notre village, le ramassage des ordures a lieu….tous les trois mois ! Il faut donc mettre ça dans des grandes poches et aller s’acquitter de trois zlotys par poche chez le ¨sołtys¨, sorte de chef de village désigné par les habitants, sorte d’intermédiaire physique, sans prérogatives spécifiques, entre le hameau et l’autorité municipale.
Pour nous qui vivons à trois, dont une gamine de dix ans,  un trimestre ça fait de dix à douze grandes poches d’ordures à faire évacuer chaque fois ! Il m’a été alors aisé de constater que les poubelles alignées devant les cours, le jour du passage des éboueurs, étaient singulièrement peu nombreuses. Une famille de cinq ou six individus pose timidement une poche, rarement deux, comme pour dire, vous voyez, je range mes déchets, moi aussi !
Devant la plupart des maisons, il n’y en a aucune : Les déchets ont pris, par une nuit sans lune,  le chemin de la forêt !

Il y a quelque temps, un an peut-être, une délégation française était venue ici, mobilisée sur un programme européen de gestion des déchets. Mon avis était qu’il ne pouvait y avoir avec les responsables polonais que dialogue de sourds.
Impossible en effet de parler le même langage quand certains sont au tout début de la prise de conscience du problème - la consommation de masse en  Pologne a à peine dix ans – et que les autres réfléchissent, si c’est bien le mot juste, depuis plus de vingt -cinq ans  sur la question après tergiversations, atermoiements, enfouissages, incinérations, récupérations et autres expériences plus ou moins heureuses !
J’avais assisté également au discours d’un monsieur polonais spécialiste du traitement des déchets de la Ville de Biała. Dithyrambique, qu’il était ! Il dressait le tableau idyllique des traitements et parlait même de transformation en matières combustibles. Ultra moderne, qu’il disait ! Un triage plus moderne, même, que tout ce qu’il avait pu voir en France, d’où il revenait.
Oui, c’était bien joli, tout ça, mais il n’y a pas de collecte ! Ben oui, faudrait commencer par là, mon brave monsieur ! Ce gars me faisait penser à un meunier qui aurait eu le plus fabuleux des moulins à sa disposition et aucun paysan dans les alentours pour lui livrer le moindre sac de blé.

Le courage politique manque scandaleusement aux politiques. C’est un poncif, mais ça fait du bien de le répéter. Les hommes sont des brutes et ne réagissent qu’aux brutalités : suffirait alors d’établir ici un impôt, même léger, mais payé par tous, déchets ou pas déchets. Plus personne n’irait salir la forêt. Pour rentabiliser l’impôt honni, on inventerait même des déchets à mettre devant sa porte le jour du ramassage…
Et je pense avec colère à l’Europe capable d’enfanter des textes réglementant à la virgule près l’enculage des mouches dans toutes les positions et incapable de dénoncer de manière significative les carences les plus scandaleuses, les comportements les plus barbares.

Pour en revenir à la délégation française soucieuse de la gestion des déchets dans ladite Europe, vous savez quoi, qu’elle offrait aux Polonais pour leur faire voir comme c’était bien de prévoir de ne plus faire des ordures ? Des clefs USB qui dématérialisent l’information !

Ah, dématérialiser ! Voilà qui en jette !  Voilà qui fait savant et sérieux !
Qui fait surtout très con, oui, quand le concept pédant, mis à toutes les sauces, est divorcé d'avec la réalité.

J'aurais voulu prendre hier  tout ce beau monde par la peau du cul et le conduire dans la forêt de Łomazy, au bord de ce gouffre ordurier de l’irresponsabilité. Dire au meunier sans blé, tiens, traite-moi ça de façon ultramoderne et sans délai et aux métaphysiciens de l’info, tenez, fourrez-moi donc toute cette merde dans votre poubelle virtuelle !

Quand le doigt montre le soleil, l’imbécile regarde le doigt, c’est bien connu.

Et cette verrue, une de plus, ce furoncle pestilentiel jeté sur la candeur de la forêt, m’a mis hier de fort méchante humeur.

14:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Fraternité internationale des ordures. Par leurs déchets, les peuples se touchent et se ressemblent et, d'une certaine façon, sont enfin d'accord. Le gigantesque caca industriel déversé dans les forêts et les océans, c'est la seule chose qui, de cette belle civilisation, demeurera comme une réalité non virtuelle pour authentifier devant les hommes de demain l'éternité de nos exploits et l'esthétisme de nos ruines.

Écrit par : solko | 06.09.2010

"...l'éternité de nos exploits et l'esthétisme de nos ruines"

Diable, Solko, voilà qui est bien sombre, mais hélas criant de vérité.

Écrit par : Feuilly | 06.09.2010

Je crains fort que tout ce qui est dit en guise de vérité ne soit effectivement bien sombre, par les temps qui courent

Écrit par : Bertrand | 07.09.2010

Pendant vingt ans, les déchets de la ville de Marseille ont été jetés à ciel ouvert dans la décharge d'Entressen; ce bon vieux mistral envoyait des sacs plastique plein les arbres; des gens venaient faire des photos, çà avait un côté esthétique, en effet, on aurait dit des milliers d'oiseaux perchés et çà sur des kms! alors le sort de nos déchets n'est pas sur le point d'être réglé, on se rapproche dangereusement des bidonvilles de Manille!l'horreur, quoi!ceci dit, je me réjouis de faire partie de la vieille garde, Bertrand, même si j'ai souvent des jours de retard(mais non, je n'ai plus l'âge d'être enceinte!) bises d'une lectrice qui trie ses ordures mais déplore d'en avoir tant(un autre débat, les emballages) Anne-Marie

Écrit par : Anne-Marie Emery | 08.09.2010

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