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17.06.2010

Contes et légendes de Podlachie - 11 -

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Le prince et le mendiant

Un jour de grande canicule - on était en juillet - un prince des Jadzvingues, un prince encore jeune, tout-puissant et escorté de  ses gens, parcourait le vaste pays environnant son domaine.
L'ombre des forêts bruissait de milliers d'insectes affairés et les abeilles y butinaient dans un bourdonnement incessant, les tilleuls en fleurs. Les ruches disposées là, sur les lisières, ruisselaient d'un miel doré.  L'air en était tout parfumé.
Une légère brise faisait onduler les épis de blé répandu sur la plaine, telles les vagues chaudes d'une mer blonde et lascive.

L'âme du prince se sentait alors pleine de vie en ces paisibles paysages et il chevauchait lentement, goûtant pleinement la beauté de son pays, muet d'une sorte d'attendrissement bucolique, tandis qu'une douce mélodie trottinait dans sa tête enjouée.

Au détour d'un chemin creux cependant, il aperçut, assis dans l'herbe épaisse du bas-côté, un homme qui tendait une main tremblante.
C'était un vieux mendiant, sale, recouvert de haillons tellement troués et tellement en lambeaux qu'on apercevait au travers son corps décharné, bruni par les feux du soleil, martyrisé par la soif et la faim.

Le prince descendit prestement de cheval, examina l'homme d'un œil humecté d'une
soudaine compassion. Il prit dans sa main gantée de velours la main tendue, osseuse, longue, qui laissait voir les veines bleuâtres et gonflées, et qui tremblait toujours.
Holà, mes gens ! Qu'on apporte des habits brodés d'or et des fourrures ! Qu'on lave ce malheureux, qu'on le parfume  et qu'on l'habille comme un homme de cour.  Qu'on lui serve ici-même des viandes rôties choisies parmi les plus exquises et qu'on remplisse
d'hydromel frais des coupes d'argent. Qu'on lui donne tout ce qu'il demandera et qu'on le conduise ensuite au château, qu'on lui réserve  là-bas la plus belle chambre de la tour et qu'on attache à son service les domestiques les plus zélés.

On se précipita évidemment pour exécuter les ordres du puissant prince, lequel prince souriait aux anges,  fier de son infinie bonté. Il s'approcha encore du malheureux et vit, à son grand étonnement, que des larmes abondantes ruisselaient de ses yeux et inondaient la barbe en broussailles.
Mais qu'as-tu donc à pleurer, pauvre homme ? N'es-tu pas satisfait du sort qui t'attend ? Te rends-tu seulement compte de l'avenir radieux qui s'ouvre à toi et que je t'offre ?
Et le mendiant hoqueta, presque tout bas :

Je pleure, Sire, parce qu'il n'y a pas plus grand malheur au monde que celui qui m'advient aujourd'hui de ne  plus rien avoir à  désirer !

08:00 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

une vraie sagesse de conte

Écrit par : brigetoun | 17.06.2010

qui se trouve être une vraie sagesse tout court

Écrit par : brigetoun | 17.06.2010

Conte ne contradiction avec celui qui précédait puisqu'il était question de tout perdre (la richesse et les sens) pour s'épanouir intérieurement dans l'imaginaire. Ici, le mendiant semble dire qu'il ne peut rien rêver de mieux que ce qu'on lui offre.

Ceci dit, on a d'un côté un riche qui devient pauvre et qui découvre sa vérité et de l'autre un pauvre qui devient riche et qui ne peut plus rien chercher d'autre. Au prinice sanguinaire du premier conte on opposera celui-ci, jeune et généreux.

Écrit par : Feuilly | 17.06.2010

La sagesse, Brigitte, oui sans doute...Et je me dis alors qu'avec tout ce que je désire dans ce monde et que je n'aurais jamais, je suis un véritable sage...Un très grand sage.
Amitiés à toué

C'est vrai, camarade Feuilly...Mais il n'en reste pas moins vrai que tous les deux, in fine, tendent à démontrer, bien malgré eux il est vrai, que le dénuement est source de bonheur...L'un de rêve et de richesse intérieure, l'autre de désirs..
Dans l'objet des désirs, qui procure le plus de bonheur : L'objet ou le désir en soi ?
Vaine et récurrente question dont se sont bien goinfrés les moralistes de tout poil, et vois ce que je dis ci-dessus à Brigitte
Amitiés à toué itou

Écrit par : Bertrand | 17.06.2010

A première vue, toute cette série de "On", il ne donne pas beaucoup de sa personne lui-même , ce prince....
Secondo,tenter de faire le bonheur de quelqu'un contre son gré, c'est bien vain.
Tertio, et ce n'est pas moi qui l'ai dit, le bonheur n'est-il pas dans l'espérance du bonheur?
Alors, ce qui m'interroge, c'est cette main tremblante que l'on tend, tout de même; si l'un de vous a une idée, peur, respect,volonté d'être vu tel qu'on est et amère déception ensuite???

Écrit par : Anne-Marie Emery | 17.06.2010

M'aperçois, tiens, que j'avais oublié le titre....
Anne-Marie, quand vous verrez un grand de ce monde mettre la main dans le cambouis, vous me ferez signe....
Quant à la main tendue, je ne saurais vous dire.... Quoique ayant, en mes jeunes années, fait la manche, guitare approximative entre mes bras.
Mais je n'ai pas rencontré de princesse me proposant un Eldorado...

Écrit par : Bertrand | 17.06.2010

On pourrait voir dans l'acte de celui qui veut couvrir l'autre de tous les bienfaits une sorte d'envahissement, de mainmise, d'annexion...

J'adore : "(...) muet d'une sorte d'attendrissement bucolique, tandis qu'une douce mélodie trottinait dans sa tête enjouée" !

Écrit par : Michèle | 17.06.2010

Est-ce à dire qu'un don est toujours motivé, sciemment ou non ?
J'espère encore que non...Sinon de la part des princes, rachetant ainsi une part de bonne conscience
Amitiés

Écrit par : Bertrand | 18.06.2010

Celui qui donne le fait pour lui-même. C'est sa façon de dire son amitié, son amour. Et je me demande si ce n'est pas un handicap, si on ne donne pas des choses matérielles faute de savoir donner autre chose, faute de trouver le chemin.
Dans l'histoire du Prince et du Mendiant, les richesses auraient un autre prix gagnées par le mendiant lui-même que reçues ainsi à profusion. Mais je ne sais pas bien...
Ce que je sais par contre, c'est qu'il est plus facile de donner que de recevoir.

Écrit par : Michèle | 18.06.2010

"Ce que je sais par contre, c'est qu'il est plus facile de donner que de recevoir."
C'est tout ce qu'il y a de plus vrai...
Donner sans offenser, recevoir sans abimer son amour propre.
Vaste dilemme

Écrit par : Bertrand | 18.06.2010

En recherchant dans 'Zozo' le fameux chemin bordé de buis, je tombe sur ceci :

[Bertin le chevrier vient d'offrir à Zozo de participer à sa place -sa place à lui Bertin- à la battue aux sangliers, et Zozo s'interroge] :

Mais pourquoi ?
Pourquoi quoi ? Pourquoi, il faisait ça ? Zozo n'était habitué qu'aux cadeaux qu'il s'offrait lui-même. Les autres lui semblaient contre-nature.

Écrit par : Michèle | 06.07.2010

Les commentaires sont fermés.