10.06.2010
Ce champ peut ne pas être renseigné - 5 -
Ce matin, en ouvrant votre fenêtre sur votre espace Schengen - ainsi que vous le nommez, par dérision et parce que pour en sortir il n'y a ni barrière à ouvrir ni clôture à enjamber - les deux couleurs du tableau vous ont sauté aux yeux.
Que du vert, du vert partout et du bleu, du bleu serein, grandiose au-dessus.
Vous avez pensé que la journée allait être une fournaise, que le titre de votre manuscrit n'était peut-être pas très bon - mais qu'importe le titre -, puis vous avez soudain douté du manuscrit tout entier, et vite, vous vous êtes dit que l'Océan devait être bleu aussi, là-bas, et que c'est ce que vous écririez aujourd'hui sur votre blog, cette double couleur du monde devant vos yeux matinaux.
En fait, vous cherchiez peut-être un signe.
Vous êtes un homme qui cherche des signes et qui s'en défend le plus souvent, qui lutte pour ne pas leur prêter foi, auxquels vous opposez mentalement votre soi-disant matérialisme et les sages et ennuyeuses résolutions de la raison.
Or, vous êtes tout, sauf un raisonnable et un matérialiste. Et tout sauf un idéaliste.
Il vous est arrivé, au hasard, de compter les marches d'un escalier à gravir et de vous dire, tiens, le nombre de ces marches sera le nombre d'années qu'il me reste à vivre, ou alors de voir une bande de corbeaux sur les champs et d'effectuer la même ridicule opération...
C'est un peu la chaos sous vos cheveux, finalement. Ce chaos-là, est sans doute l'amour de la vie et cette présence constante de l'angoisse de mourir.
Elle est venue portant dans son bec une touffe d'herbe sèche.
Une grande cigogne sur ses pieds claudiquant.
Vous avez refermé la fenêtre.
Ce n'était qu'une cigogne. Quel signe aurait-elle voulu vous transmettre ?
Le café était bon et le soleil montait par-dessus la maison de votre vieille voisine.
Quand l'ordinaire est exceptionnel, quelque chose de subversif entre dans la tête des gens en même temps qu'un espoir indéfini, indicible, inaccessible y tremble.
En tout cas dans la vôtre.
12:58 Publié dans Apostrophes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
et nous faut l'accueillir, quitte à trembler un peu devant ls grandes chances d'être dupes, pour l'aide que cela donne
Écrit par : brigetoun | 10.06.2010
Ici, l'on dit qu'il faut compter le nombre de fois que le coucou chante pour savoir combien d'années il nous reste à vivre. Le coucou (suisse, donc) a chanté 40 fois sans s'arrêter, que cela en devenait lassant. La bonne bête me donne ainsi une «espérance» de vie jusqu'à 103 ans. L'oiseau est «trendy», mais non merci! De toutes façons, le coucou ment: on dit aussi que si l'on a trois sous dans sa poche en l'entendant, on sera riche toute sa vie. Bernique! Les cigognes, je ne sais pas ce qu'elles disent, autrefois, elle apportaient les bébés dans les foyers, mais je crois que cela a changé.
Chercher des signes sans y croire, c'est amusant. Juste pour la poésie. Ensuite, place à la raison (pure?).
Écrit par : Natacha | 10.06.2010
Oui, Brigitte, accueillir un espoir, c'est déjà vivre, même si..même si..
Et Natacha de même, des signes rien que pour le plaisir et tant pis pour le sieur Kant !
Écrit par : Bertrand | 11.06.2010
"Quand l'ordinaire est exceptionnel, quelque chose de subversif entre dans la tête des gens" : voilà ce que j'appelle une phrase ! Et un écho à ce qui peut en effet nous arriver, à ce qui doit nous arriver, pour ne jamais céder au découragement.
Soleil par ma fenêtre, soleil sur la page. Merci.
Écrit par : nauher | 12.06.2010
Pas de découragement, non, cher Philip...Ce serait donner victoire à la stratégie globale de l'étouffement.
Tant qu'il nous restera cette conviction intime d'avoir la chance de vivre, cette conviction sera subversive.
Écrit par : Bertrand | 14.06.2010
Les commentaires sont fermés.