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11.06.2010

Contes et légendes de Podlachie - 10 -

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Le roi et le courtisan

Un roi, un roi des Yadwvingues, un jour s'étant cru offensé par un courtisan, ordonna à ses bourreaux que celui-ci fût tourmenté, qu'on le torturât cruellement, qu'on ne le tuât surtout pas, mais qu'on le chassât ensuite hors du palais et hors de la ville.
Les bourreaux  - comme tous les bourreaux de la planète et de l'histoire - s'appliquèrent avec zèle à obéir à leur souverain. Ils coupèrent le nez et les oreilles de l'homme, puis, jugeant sans doute que c'était bien trop peu en expiation d'un outrage à Majesté, lui crevèrent les yeux et lui arrachèrent  les dents.
Enfin, toujours en vertu  des ordres royaux, ils le conduisirent aux portes de la ville et le jetèrent à terre, tout gémissant de douleur et tout sanguinolent.
Le pauvre homme réussit néanmoins à ramper, à se traîner dans les hautes herbes des fossés qui tenaient lieu de défenses, puis, titubant, à tâtons, lentement, chutant souvent lourdement, il rejoignit la vaste et sombre forêt.

Or, il advint que des années plus tard, ce bon roi à l'âme on ne peut plus raffinée - comme on vient de le constater - passa par hasard devant une cabane, au cœur de la forêt, alors qu'il forçait un cerf, accompagné de ses seigneurs  les plus dévoués et de ses courtisans les plus en vue du moment. (Les pauvres ! ndlr)
Il vit là un vieillard aveugle, habillé d'affreux haillons et assis sur le seuil de la déplorable masure.
Oh, je sens que vous avez deviné, fins lecteurs que vous êtes ! Pas moyen de vous tenir en haleine sur le moindre suspens ! Ah, que c'en est décourageant, tenez, de vous raconter des légendes ! Moi qui avais fomenté le coup de vous surprendre et de vous faire tressaillir !
C'était donc bien, oui, l'ancien courtisan mutilé qui étais assis là, devant sa cabane toute de guingois.
Le roi le reconnut et eut soudain pitié de lui.

Un peu tardivement, il me semble...(ndlr)
Viens avec moi, je t'ai fait bien du mal autrefois et j'en ai des remords...Mais je veux réparer et que tu me pardonnes. Viens avec moi et tu seras à nouveau riche, puissant et heureux de vivre.

Il en a de bonnes, ce fichu roi...Riche et puissant, d'accord, mais le nez, et les oreilles, et les dents et les yeux ?  Hein ? Mais il est vrai que les monarques, en cela imités à la perfection par les bourgeois qui leur succèderont un jour sur les trônes et dans les palais du monde, pensaient que tout pouvait s'acheter et être réparé par l'argent, le luxe et le pouvoir.
Mais je m'éloigne, je m'éloigne....

Ce roi-là cependant entendit sa victime lui répondre que la richesse et la joie de vivre, il les avait acquises ici, au coeur de la forêt et qu'il n'avait plus besoin de rien, ni des honneurs, ni du faste princier de la cour.
Ebahi, le roi s'exclama mais comment as-tu obtenu tout cela, solitaire et  infirme que tu es, en haillons et vivant sous ce misérable toit  ?

Loin du monde, j'ai trouvé le secret du bonheur. J'entends des mélodies que ton oreille n'entendra jamais, monarque  ! Je vois des choses que tu ne verras jamais de tes yeux, des choses si belles que ton âme ne peut pas  même les imaginer. Les plus suaves merveilles du monde, de ton monde, ne peuvent égaler celles qui parcourent mon rêve. Et tout ceci, monarque, en dépit de ta puissance, tu ne pourras jamais me le prendre : Car tu n'y auras jamais accès. Et ça n'est pas toi, dès lors, qui es mon débiteur mais moi qui te suis redevable de tous ces magnifiques songes qui habitent la nuit dans laquelle m'a plongé ta vengeance.
Et le vieillard se mit à raconter de si beaux contes, de telles légendes, que le roi subjugué, la voix éteinte, demanda : Où donc as tu appris tout cela ?
L''aveugle murmura alors :

Dans la souffrance que tu m'as infligée.

NB : Si je devais faire l'analyse, même succincte, de cette légende, je dirais qu'elle ne me plaît pas beaucoup ... Car la vieille rengaine, souffrance qui déboucherait sur le bonheur immatériel, les curés de tout poil l'ont trop rabâchée pendant des siècles et des siècles pour asseoir leur domination sur l'ignorance et protéger les riches des séditions du pauvre...
Mais je ne dis rien de tout ça,  critiquer une légende n'étant pas de ma compétence....

12:12 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Sans oreilles, sans nez, sans yeux, autrement dit, symboliquement privé de ses sens. Désorienté, donc (et c'est ce qu'il est quand il sort de la ville après sa mutilation).
La beauté qu'il découvre n'est donc pas dans le monde, mais elle est tout intérieure. La vraie vie serait imaginaire. Voilà sans doute ce que dit le conte.

Écrit par : Feuilly | 11.06.2010

Tu n'apprécies pas le côté moralisateur -catho et moi non plus, Bertrand. Alors voyons, au-delà de çà , la confirmation que se mettre à l'écart de l'abrutissement par les medias et se protéger intellectuellemnt est la seule façon de vivre bien.

Écrit par : Anne-Marie Emery | 12.06.2010

On dirait que nous avons entendu les mêmes curés, à moins qu'il n'en existe que d'une sorte ;)

D'aucuns ont aussi pu penser que la souffrance était l'état de grâce qui rendait la création possible :

“On peut presque dire que les œuvres, comme dans les puits artésiens, montent d’autant plus haut que la souffrance a plus parfaitement creusé le cœur.’
Marcel Proust, Le Temps retrouvé

Écrit par : Michèle | 12.06.2010

Je me rends compte, oui, d'après vos commentaires, que j'ai fait de cette légende une lecture/écriture au premier degré, en parano un peu.
C'est l'allégorie qu'il faut donc retenir.
Et vous l'avez très bien fait.
En tout cas mieux que moi
Amicalement

Écrit par : Bertrand | 14.06.2010

Les commentaires sont fermés.