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05.06.2010

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Pygargue_de_Steller_ad_2B_vol_vign_09022010_-_Japon.jpgVoyager, c'est d'abord s'arrêter loin. Sinon, il faudrait dire errer.
En changeant de latitude, vous avez eu un moment l'illusion de changer de monde.
Mais qu'entendez-vous exactement par monde ?
Si vous entendez les hommes, leurs sociétés, leurs systèmes de pensée, leurs comportements, leurs motivations, leurs constructions, leurs buts, leurs erreurs, leurs amours, leurs mensonges et leurs espoirs, alors c'était une bien pitoyable illusion, surtout avec plus de cinquante  printemps inscrits sur le sable de votre parcours.
Ce monde-là est universel. On ne le quitte qu'en quittant la planète. Le plus tard possible parce que, malgré tout, c'est un monde qu'on aime.
Le seul qu'il nous sera jamais donné de vivre.

Mais si vous entendez par monde la course de la lumière et les paysages, le vent et les climats, le décor du théâtre, alors vous avez changé de monde et ce monde-là vous a changé.
Cette nuit même, vous vous êtes levé peu avant trois heures et le jour vous avait pourtant précédé, salué par les premiers oiseaux chanteurs, revenus, pour un temps qui sera court, de leurs quartiers d'hiver.
Vous avez regardé l'orient, rose et bleu, qui palpitait sous des brouillards indécis.
Vous vous êtes dit que derrière la frontière, un peu plus loin encore, sur l'autre rive du Bug, l'étoile de feu était déjà bien visible et bien ronde dans le ciel, alors que là-bas, dans l'autre monde d'où vous venez, c'était pour des heures encore la nuit noire et que les gens dormaient, les poings serrés sur des oreillers chauds.
Vous avez souri et pensé que, peut-être, un couche-tard de vos amis, penché sur son clavier, écrivait des lignes et des pages sur cette nuit qui n'en finissait pas.
Vous aimez maintenant ce que vous repoussiez jadis. Vous aimez la fraîcheur solitaire des aurores et la brièveté fuyante des soirées...
C'est en cela que vous avez changé de monde et ne voulez pas en perdre une seule miette.
Vous avez changé votre façon de vivre la lumière, donc vos jours, donc les pointillés qui
, un à un, conduisent  au bout de la piste.
Pourtant..Pourtant...C'est toujours les mêmes choses qui palpitent en vous et que vous avez à dire.
Mais vous voulez les dire différemment et ne poursuivez plus de vos yeux imbibés les chimères au long cours.

Photo : Aurélien Audevard

03:00 Publié dans Apostrophes | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

C'est magnifique Bertrand.

Écrit par : Michèle | 05.06.2010

Ecrire la nuit sur son clavier jusqu'à trois heures du matin... Dire cette nuit du monde et nos espoirs qui se cachent, tapis dans l'obscurité.

Écrit par : Feuilly | 05.06.2010

En somme, essayer de fixer l'impermanence, comme on parle du fixateur pour la photographie, qui vient après le révélateur, et savoir que ce n'est pas CETTE photographie qui a du sens mais la somme de toutes celles que nous aurons réussi à prendre.

Écrit par : nauher | 05.06.2010

La chance que vous avez de voir des aubes précoces! Ici, (sur les bords du Lac Léman) avec l'heure d'été, on se traîne jusqu'à plus de 5 heures avant de voir le jour. On se lève dans la nuit, on se couche dans le jour. Ce qui n'empêche pas de participer à tout: le chant des crapauds accoucheurs, puis des chouettes qui poursuivent sur la même note. Les grillons, et les premiers loriots (très exotiques, je ne sais pas s'il volent jusqu'en Pologne). J'aime penser à ces rencontres non-sues, de gens qui écrivent au même moment.
Bonne soirée.

Écrit par : Natacha | 06.06.2010

Curieux, Bertrand que tu évoques le voyage. Je reviens de 6 jours à Séville et ai ,en effet eu l'impression fugace de changer de monde,la touffeur, les fleurs, les arbres, les monuments arabo-andalous, la ferveur religieuse,inouie, la façon étonnante de se nourrir d'une succession de bricoles à d'autres heures, le parler fort, et pourtant au bout de quelques jours de mini bouts de conversations inachevées, les mêmes gens d'europe avec les mêmes angoisses et la même détermination à essayer de se défendre;çà paraissait tout autre et je n'y étais pas si étrangère que çà.

Écrit par : Anne-Marie Emery | 06.06.2010

J'aime bien vos pointillés...

Écrit par : m.t. | 06.06.2010

Merci de votre lecture à toutes et tous de ce texte et de la lecture des pointillés itou, bien sûr.
La course de la lumière est parfois le seul élément qui vous indique que vous avez changé votre position sur le globe, parce que, humainement, ce sont les mêmes réactions, les mêmes appréhensions du monde, réelles ou falsifiées, les mêmes nuits, décalées et plus ou moins longues, et les mêmes jours, pareillement décalés et plus ou moins longs.
Comme le dit Nauher, une suite d'images ou aucune n'est réellement significative mais où seule l'impermanence tient lieu d'imagiers.
Le loriot, jaune et noir, oui, arrive bien ici vers mai et repart dès le 15 août...Il module un chant superbe.
Dès l'aube qui apparaît en ce moment vers 2 heures et demi et au crépuscule qui tombe, en revanche, dès 9 heures 30 !
Pas beaucoup le temps d'écrire pour ceux qui écrivent la nuit, hein, l'ami ?
Bonne journée à tout le monde, en Suisse, au Nord, à Tarbes, à Paris, bref, partout où vous êtes, sous votre morceau de ciel à vous.

Écrit par : Bertrand | 07.06.2010

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