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30.01.2010

Le Grand Pan est mort

Un des textes les plus difficiles de Brassens. L'auteur lui-même disait pourtant qu'il n'était pas réussi, mais il faut dire que Brassens était rarement content de lui-même.

Je considère pour ma part " Le Grand Pan" comme étant son chef-d'oeuvre.

Il est dit là, en quelques strophes et refrains, beaucoup plus que les élucubrations amphigouriques des  philosophes de tout poil et de tout bord ont prétendu nous enseigner sur la question.

Même s'il y a quelque chose de Nietzsche dans ces vers.

Comme quoi...

En farfouillant sur Youtube, j'ai trouvé cettte interprétation assez remarquable :




 

11:40 Publié dans Brassens | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

La science et la rationalisme ont banni les dieux. On peut supposer que Brassens aurait vu d’un bon œil le recul du christianisme, mais ici c’est aux dieux de l’Antiquité qu’il s’attache. Pan, en effet, est un dieux joyeux, toujours disposé à rire et à s’enivrer. Avec lui, on est loin de l’ascétisme chrétien donc. De plus, Pan est aussi indirectement le dieu de l’amour.
Grande perte pour le poète, donc, qui une fois de plus aborde un thème sérieux sous la forme d’une historiette plaisante. Car derrière la mort de Pan, c’est aussi la disparition de l’irrationnel et donc de la poésie qui est visée.


En cherchant un peu sur Internet, j’ai retrouvé ces vers d’Apollinaire (Alcools)

Beaucoup de ces dieux ont péri
C'est sur eux que pleurent les saules
Le grand Pan l'amour Jésus-Christ
Sont bien morts et les chats miaulent
Dans la cour je pleure à Paris

Écrit par : Feuilly | 01.02.2010

Ça n'est pas exactement ça.
Il s'agit là du Grand Pan, et non de Pan, mi-bouc, mi-homme, même s'il y a une relation.
le Grand Pan est un sentiment, celui de l'unité de tout, d'une totalité universelle, présente dans la multiplicité des dieux antiques et dans une joie poétique des choses de l'univers, donc de la terre.
Ce que déplore ici Brassens, ça n'est ni le rationalisme ni la science mais la victoire du christianisme ( le professeur Nimbus) qui a séparé l'homme de sa poésie religieuse, de son besoin de "religiosité" plutôt..
Avec le dieu unique, dieu de souffrance et d'expiation, l'homme ne fait plus partie d'une unité métaphysique mais doit admirer et faire allégeance à un dieu qui lui est extérieur.
(Voir le philosophe Bruno Giordano et, dans une moindre mesure, Spinoza.)

Le poème, là, n'est pas une historiette. Loin de là...C'est une réflexion très intelligente et très sensible sur la façon chrétienne de vivre la vie : la joie (Bacchus est alcoolique et le Grand Pan est mort), l'amour (Vénus s'est faite femme), la mort (et le moindre mortel avait l'éternité).

Vers de désespoir et d'une incroyable précision : Les cieux ont été frappés d'alignement.

Je fais cette précision parce qu'on a trop tendance à dire chanson, donc historiette, mode mineur, éphémère...
Ce poème est pour moi à la hauteur de Baudelaire, Apollinaire et bien d'autres du panthéon. Il en surpasse même beaucoup que nous gratifions de notre reconnaissance parce qu'il est de bon ton que...
Mais c'est une chanson, alors les prétentions littéraires préfèrent s'attacher à la forme plutôt qu'au contenu, ce qui dispense d'une véritable lecture.

Je serais heureux, pour ma part, si ma plume était capable de produire de telles "historiettes"

Cordialement à toi

Écrit par : Bertrand | 01.02.2010

Oui, j’entends bien, le Grand Pan, que les Stoïciens identifiaient avec l’Univers. C’est une sorte de panthéisme ou de déisme pour autant qu’on considère que c’est la nature qui est ici visée. Une nature éternelle, productrice et inépuisable dans ses ressources. L’homme dès lors a sa place dans ce monde-là, puisqu’il en fait partie, tandis qu’avec le Christianisme, comme tu le dis, il est en position d’infériorité par rapport à un Dieu qui est peut-être bienveillant (puisqu’il pardonne) mais qui est d’abord accusateur (l’homme est mauvais par nature et englué dans le péché dès sa naissance, à cause même de sa naissance, ce qui est un comble).

Evidemment, il faut distinguer le point de vue intellectuel des Stoïciens de celui peuple, qui dans Pan voyait simplement le dieu du vin, de la fête et de la fécondité (celle des troupeaux et de l’agriculture).

Les Lupercales étaient célébrées en son honneur. Elles ont été récupérées par la tradition chrétienne qui en a fait la fête de la purification de la Vierge au Temple. On retrouve cette idée de fécondité (car il s’agit ici de la première sortie de la jeune accouchée, qui doit être purifiée, ce qui entre bien dans le raisonnement chrétien selon lequel tout ce qui touche à la procréation est sale). Dans la Rome chrétienne, on faisait une procession aux flambeaux (aux chandelles, d’où le mot « chandeleur » qu’on fête le 02.02, soit demain). Les crêpes que l’on est supposé manger à cette occasion renvoient à la galette confectionnée par les Romains en l’honneur des moissons et de la fécondité de la terre (le blé comme symbole)

Le tout est de savoir ce qu’entend Brassens par « le professeur Nimbus ». Je pensais à la science, qu’est-ce qui te fait dire que par ces mots il fait allusion au christianisme ? Bien sût il oppose le Grand Pan antique au christianisme, c’est d’ailleurs ce que j’avais dit. Mais ces mots « professeur Nimbus » posent problème quant au sens qu’il leur donne.
Même question pour « Les cieux ont été frappés d'alignement » Par qui ? Fait-il allusion au scientisme, qui a fait reculer la notion de sacré (or la poésie relève du sacré) ou au christianisme qui a « aligné » tous les dieux antiques sur une seule ligne et a imposé le monothéisme ?

C’est amusant car je sus justement en train de lire les lettres de l’Empereur Julien (collection Les Belles Lettres) , autrement dit Julien l’apostat, qui avait lutté contre le christianisme et tenté de réintroduire le culte des dieux païens. Son point de vue est intéressant, même si on sent que dans ses raisonnements il est déjà influencé par la doctrine chrétienne (il avait lui-même été chrétien avant de revenir à la religion de ses ancêtres). Il monte bien par exemple que c’est en aidant matériellement les pauvres que le christianisme se répandait (tandis que les prêtres païens ne croyaient plus trop à leurs divinités et restaient plus passifs). Rien n’a changé. On sait que c’est comme cela que le Hezbollah s’impose au Liban (en plus du fait qu’il incarne la lutte contre Israël). En lisant Julien, on apprend aussi que les oracles païens continuaient à parler tant que les gens ont cru en eux, ce qui inquiétait fort les premiers chrétiens, qui eux avaient leurs miracles. Ils ont donc décrété que c’était le diable qui parlait chez les païens (ce qui était tout de même avouer qu’il se passait là quelque chose, que des guérisons se produisaient bel et bien en dehors de al sphère chrétienne). Faite semblant de croire et bientôt vous croirez, disait Brassens.

Écrit par : Feuilly | 01.02.2010

Très beau développement et surtout quelle lecture que celle de l'Empereur Julien !
Notre époque souffre de l'oubli de ces grands classiques.
Juste un mot sur la récupération des dates du paganisme. Le gros problème pour les chrétiens étaient justement de "distraire"(au sens fort) les hommes - les Gentils - de leurs celébrations antiques, afin qu'ils s'engouffrassent autoritairement dans les célébrations de leur dieu unique. L'Eglise a donc choisi arbitrairement pour ses célébrations toutes les dates festives des anciens cultes, Noel (Jésus est né en mars, non ?) , La Toussaint, La chandeleur etc..

Brassens détourne une plaisante formule, déjà existante, pour qualifier dieu ou le Christ. Professeur Nimbus, professeur parce qu'il sait tout, enseigne tout et Nimbus, puisque nimbé, auréolé de...
C'est lui, donc, qui se cogne le front et décide qu'on chasse les dieux du firmament, qu'on mette définitivement fin à cette pagaille, c'est-à-dire qu'on aligne le ciel sur lui seul.
L'expression est parfaitement choisie. Dans une rue, un carrefour, un chemin, une propriété frappée d'alignement est justement amputée, sinon démolie, en vertu du droit public qui l'emporte sur le droit privé, l'intérêt général sur l'intérêt particulier.
Un fait du prince, dit-on en droit.
De plus, alignement veut bien dire ce que cela veut dire. Etre aligné, être dans le bon chemin, la bonne idéologie, le bon culte.

"Le Grand Pan est mort" est aussi une formule laconique empruntée à Pascal dans une de ses pensées délirantes sur la victoire totale, pour ne pas dire totalitaire, de la vérité chrétienne.

Écrit par : Bertrand | 01.02.2010

Non seulement les fêtes païennes, mais des fêtes juives aussi (Noël et Hanouccah se situent à peu près en même temps, Pâques-Pessah, Pentecôte - Shavouot... Curieux, ce que cette chanson me remémore, une passion pour les dieux et les mythes de l'Antiquité...

Écrit par : Pivoine | 09.02.2010

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