15.10.2009
L'automne assassiné
Dans sa récitation de rentrée, consciencieusement ponctuée, l’enfant avait pourtant célébré l’automne :
" Dlaczego na drzewach są rude liście?
To wiewórki pomalowały je ogonem puszystym."
Pourquoi y a t-il des feuilles rousses sur les arbres ?
Parce que les écureuils les ont peintes de leurs queues duveteuses …
Mais les vents quand ils sont fous n’entendent pas les enfants et poussent les artistes au creux des chemins d’infortune.
Comme ces vents-là.…
Ils arrivaient du sud-ouest, de la Méditerranée via les Carpates de Roumanie peut-être, rageurs et pressés, encore chauds cependant. Ils venaient du sud et l’arche noirâtre d'un ciel brouillon galopait tout droit vers les steppes de Russie.
Qu’ont-ils donc rencontré là-bas, ces vents, bien au-delà de Moscou, qui les ait effrayés au point qu'ils fassent prestement demi-tour et qu'ils reviennent alors dans un galop encore plus débridé, comme fuyant devant une épouvante ?
Demi-tour trop tardif, trop lent sans doute. Fatale hésitation. Les givres déjà s’étaient emparés de leur bagage liquide, l'avait solidifié, appesanti et glacé. Et avant de continuer plus au sud, vers les mers lointaines d’où ils étaient venus, pour fuir plus vite et plus certainement, sur la plaine polonaise ils se sont délestés de leur pénible surcharge.
Octobre enluminé s’est recroquevillé soudain sous ces averses de gel. Au beau milieu de la fête, au plus fort de leurs effets de robe, les arbres ont tremblé et se sont alourdis.
Un arbre, c’est fait pour supporter le poids de ses feuilles et le souffle du vent. Des feuilles, du vent et de la neige épaisse, c‘est bien trop lourd pour leur altière silhouette. Beaucoup se sont penchés alors, résistant encore, ils ont courbé la tête, vaincus par la morsure livide, puis ils ont plié le tronc dans une dernière tentative de survie, et enfin leurs grands moignons gelés ont effleuré le sol.
De guerre lasse, des arbres se sont couchés sur la blancheur du monde.
Je les ai entendus.
Et ce sont ces vents fous et cette neige d’automne, inconcevable en plaine et sous nos climats gaulois, me suis-je dit en rassemblant mes bûches, qui avaient pris dans leurs embuscades mortelles le conquérant ventru au sinistre bicorne…
Affligeante métonymie de nos livres d’histoire !
C’étaient des milliers de pauvres gars en haillons, le pied nu et la faim sur les dents, qui, comme mes arbres d’hier, s’étaient endormis, de guerre lasse aussi, sur l’étendue gelée d’un automne assassiné.
" Dlaczego na drzewach są rude liście?
To wiewórki pomalowały je ogonem puszystym."
Hier, c'était pourtant l'été...
12:16 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
"le conquérant ventru au sinistre bicorne"
Et revoici l'Histoire derrière le climat d'aujourd'hui.
Écrit par : Feuilly | 15.10.2009
Affligeante métonymie des livres d'Histoire oui, et persiste ce besoin de têtes d'affiche...
Quant à la neige d'automne inconcevable sous nos climats gaulois, elle est tout simplement impressionnante. Vous avez de bonnes bûches ?
Écrit par : Michèle | 16.10.2009
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