UA-53771746-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10.06.2009

Sous les feux d'une étoile

camomille.JPG

Je ne suis pas très aguerri à la logique scientifique des fuseaux horaires et du calcul algébrique du temps.
Surtout quand je lis sur Wikipédia : «De façon simple, un fuseau horaire peut être écrit sous la forme UTC+X ou UTC-Y, où «X» et «Y» représentent le décalage du fuseau par rapport à UTC. »
Ce que je n’ai pas bien compris, c’est le « de façon simple ».
Je jouis alors, de façon encore plus simple, d’une vision globale et primaire :  La  machine étant ronde et s’obstinant à tournoyer autour d’une même chandelle, les hommes ne bénéficient pas tous au même moment de la lumière. Étant pour la plupart des individus diurnes - sauf les cheminots, les pilotes, les filles de joie, certains écrivains, les voyous, les boulangers, ceux qui, comme dirait JLK, font les trois/huit ou sont douloureusement insomniaques, j’en passe et de tout aussi noctambules par goût ou par nécessité – les hommes ont donc bien été contraints d’adapter leurs montres au grand mouvement des choses. Une sorte de langage universel, un Espéranto qui aurait des couleurs locales et qui serait donc un oxymore.
En fait, il ne s’agit pas de temps, au sens universel et philosophique du terme, de ce temps qui est en nous et nous conduit à la mort,  le «Vulnerant omnes, ultima necat"  des Latins,  mais d’organisation sociale des occupations humaines qui ne peuvent se dispenser de la lumière, comme si nous étions les feuilles d’un arbre soumises à la fonction chlorophyllienne.
L’important est donc de voir « midi à sa porte », comme dit le vieil adage qui en dit plus long qu’il en dit.

Toujours de ma fenêtre, donc, j’ai sous les yeux le soleil qui se lève et qui se couche. La langue polonaise emploie au quotidien des mots que nous employons, nous, dans la langue soutenue ou poétique. Le Levant et le Couchant. Elle n'a pas d’autres mots pour dire la naissance et le point de chute de la lumière.
Comme je viens du point zéro, là-bas sur les plaines de Greenwich et que X et Y, pour m’exprimer aussi clairement que Wikipédia, ont bizarrement la même valeur absolue que sur les plages de l’océan alors que j'en suis à 2500 kilomètres à l’est et  à 700  kilomètres au nord, la pendule est extravagante et c’est beau pour moi qui suis né, ai grandi et vécu sous ces temps atlantiques; qui me suis formé aux apparitions et aux déclins des jours à des heures autres.
Comme un arbre qu’on aurait transplanté et qui aurait autrement dessiné ses feuilles.
C’est là que les erreurs de calcul, ou ses négligences, font la poésie.
Et ce matin j’ai ouvert un œil et tendu l’oreille. Les premiers chants de l’oiseau dans les halliers d’en face…Déjà l’aube et, au Levant, une fine dentelle rose sous un nuage paresseux.
Déjà l’aube. Il est à peine trois heures.
Je referme les yeux pour mieux la voir tourner, la boule bleue. Là-bas, sur les rives océanes, elle est encore pour plus de deux heures enveloppée des draps obscurs du repos.
Ce soir, équité du grand mouvement des choses oblige, elle sera encore ruisselante de lumière quand mon jardin dormira depuis longtemps.
Les hommes s’en plaignent l’hiver, il est vrai. Quand resurgit novembre, la nuit est un milieu d’après-midi occidental.
Mais moi qui, quoique nourrissant quelque espoir d’être un écrivain, ne  suis ni cheminot, ni voyou, ni pilote, ni fille de joie, ni boulanger, ni même de ceux qui, je vis pleinement ce capricieux décalage de la ronde du temps qui passe et ai appris à régler mon pas et ma respiration sur les nouvelles humeurs de l'étoile de feu.

P1280003.JPG

12:29 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Drôle de voyage. J'avais commencé à vous lire, puis en suivant votre lien me suis retrouvé chez JLK, dont Michèle Pambrun m'avait parlé à l'occasion d'un billet sur Chappaz ; chez JLK où j'ai lu quelques billets avant de revenir finir la lecture de celui-ci. Ces deux photos, moisson et neige, encadrant votre texte sont à l'image de ces écarts temporels de l'Atlantique à la Pologne (je connais assez bien le premier, pas du tout la seconde) et de ces lectures croisées à l'aune d'une pendule extravagante; il est incontestable que l'écrivain et la nuit, ont une sorte de compatibilité dans "l'organisation sociale des choses humaines" (valeur refuge).
Il y a dans cette photo (la deuxième) un bel équilibre entre les deux maisons qui se font face, comme se font face le blanc du sol et le noir du ciel. Giono vous dirait qu'il y manque du rouge (la couleur du crime et celle du divertissement). La neige, comme la nuit, comme l'écrivain (si j'en crois le billet précédent), sont donc de grands supprimeurs de paysages. Et vous avez raison de dire que c'est les yeux fermés qu'on la voit le mieux tourner, cette foutue boule. Les oreilles closes, également, ce qui est plus difficile, dans le vacarme humain.
Merci pour ces très beaux textes et à bientôt.

Écrit par : solko | 10.06.2009

Photo d'une nuit d'hiver où la neige éclaire deux maisons endormies qui se font face. On a envie de s'avancer et d'aller tocquer à l'huis.
Envie de "régler (nous aussi) notre respiration sur ces humeurs-là de l'étoile de feu".

Écrit par : Michèle | 11.06.2009

Chers amis (es),

Photo du haut : Camomille au séchage. Beaucoup de ces champs de la petite fleur ici et qu'on met, comme ça, comme des huttes, en attendant le "battage".

Écrit par : Bertrand | 15.06.2009

Les commentaires sont fermés.