01.06.2009
Comment on peut avancer en littérature
Selon Julien Gracq, cité par François Bon, « en littérature on avance à l’ancienneté.»
C’est un bon mot. Un peu désespérant si on a commencé à cinquante ans, évidemment. Suivez mon regard.
Encore que cela dépende de ce qu’on a accumulé de soi dans sa friction au monde et qu’on se propose de dire par l’écriture.
Le paradoxe de Rimbaud me semble aussi montrer tout à fait le contraire, et que dire alors de Lautréamont ?
Mais c’est une boutade à ne pas prendre au pied de la lettre et à restituer, évidemment, dans son contexte.
A la lumière (tamisée) de ma récente expérience, je crois qu’on avance, pour une bonne part, en confrontant son texte à l’édition, quand celle-ci est disposée à vous en faire l’exacte critique.
Je dis cela parce que dans « Zozo, chômeur éperdu » le dernier paragraphe de trois ou quatre lignes, la chute si on peut dire, n’a pas été prise en compte par l’éditeur.
Ma première réflexion avait été de ne pas être trop d’accord. Puis j’ai relu sans ce dernier paragraphe et il m’est apparu alors qu’il constituait un énorme défaut, le défaut du débutant, celui de vouloir trop en dire, de vouloir trop prendre en charge son lecteur, de vouloir envoyer des messages trop clairs, de grignoter en fait sur son imaginaire et ses propres dispositions et que l’éditeur, qui connaît, lui, le côté lecture de ce qu'il veut éditer, avait d’emblée repéré.
C’est donc ce paragraphe qui a fort heureusement échappé à l’édition et que je vous livre ici :
Bien sûr. Bien sûr. On peut dire ça comme ça.
Mais il me plaît à moi d’imaginer qu’il y eut des conversations post-mortem et que Zozo pour ses voisins de nuages absolument hilares a sans doute composé en arrivant là-bas une fable haute en couleurs de sa sanglante sortie du monde des vivants.
Parce que peut-être, mais peut-être seulement, les conteurs sont des figures immortelles :
- « …
Il s’agit en fait d’écrire dans l’imaginaire sans pour autant enfoncer les clous indispensables à la construction d'un roman. De laisser beaucoup plus d’espace au plaisir du lecteur.
Et puisque j’ai commencé par François Bon citant Julien Gracq, je termine par cette réflexion admirable de François parlant de ce même Gracq :
« C’est en ayant coupé ainsi avec le roman, que Gracq agrandit d’une pièce la littérature française et nous montre un chemin neuf, qui nous augmente dans notre présence au monde. Aujourd’hui, pas un écrivain pour échapper à ce positionnement, là où le réel même exige la fiction, mais peut se dispenser de l’arsenal du roman. »
10:57 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
L'initiateur absolu de cette démarche, "se dispenser de l'arsenal du roman", mille fois pillé, imité, jamais égalé, n'est-ce pas James Joyce ?
Écrit par : solko | 01.06.2009
Oui, Solko, on peut dire ça de l'écrivain irlandais en ce qu'il a déstructuré la façon de raconter (de se raconter ?).
Écrit par : Bertrand | 02.06.2009
Joyce mais aussi H. Broch, M. Proust, R. Musil, C. Simon, S. Beckett etc. ils sont un paquet au XXème siècle, et même avant, à s'être affranchi de l'arsenal du roman... enfin pour arriver à G. Musso et M. Levy c'est troublant...
Non je plaisante et les lectrices adorent... j'espère néanmoins qu'elles me pardonneront cette provocation et cette pointe d'humour misogyne...
Je passais juste pour dire : heureusement que ton livre n'est pas un polar... parce que me livrer presque la fin alors que je suis en train de le lire…
Bon ceci dit… je savais aussi en commençant Anna Karénine… qu’elle finissait sous un train… ce qui ne m’a pas empêché d’aimer le roman… Zozo ne finit-il pas dans l’auge à cochon ? D’accord je lis…
Amitié
Écrit par : Andrea Maldeste | 11.06.2009
Salut, Andréa
Content de te revoir dans les parages...Désolé de t'avoir un peu dévoilé la fin, mais une fin n'est qu'une fin...Je compte sur ta juste critique, même en privé.
Amitié à toi, Poète, Saltimbanque, Cigogne qui claque du bec, Troubadour de nos espaces inquiets
Écrit par : Bertrand | 15.06.2009
Et bien oui écoute je ne demanderais pas mieux de pourvoir te faire un retour en privé... mais je n'ai pas ton adresse mail... la mienne est sur mon blog si tu veux bien me l'envoyer...
Je ne te promets pas une critique juste... mais une critique sincère c'est certain...
J'aime bien "le troubadour de nos espaces inquiets..."
Amitié
Écrit par : Andrea M. | 17.06.2009
O.K Andréa.
Je vais plagier Godard, parlant d'image, je crois : ceci n'est pas une critique juste, c'est juste une critique.
Amitié itou
Écrit par : Bertrand | 17.06.2009
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