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20.04.2009

La loi des silences

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Biała Podlaska le 20 avril 2009

Cher Philip,

Je souscris évidemment à ton initiative de contact avec Madame Barbara Miechowka et te remercie vivement d’avoir en même temps mis à contribution tes amis Krzysztof et JLK.
Que ce dernier, dont on sait la rigueur et le sérieux des engagements littéraires, se fasse l’écho de nos échanges, me comble de joie.
Tout ce bel ensemble quelque peu troublé cependant par une réaction intempestive et démesurée d’une commentatrice dont j’ignorais jusqu’alors tout de l’imbécile orgueil et de l’instinct de susceptibilité.
Je m’en suis expliqué dans les commentaires sous ta précédente lettre. Il ne doit s’agir que d’une internaute en mal de plaisir réel et qui cherche partout sur le virtuel à combler un bien triste et misérable vide de sensations, et ce, sous les prétextes les plus futiles. Discussion close.
Nourri cependant de ce triste incident, je me demande si nous ne devrions pas, sous nos lettres publiques, fermer les commentaires afin que les lecteurs puissent venir ici uniquement guidés par l’appétit de lecture sans être divertis par l’incompréhension  dont sont souvent entachés lesdits commentaires, où l’écriture ne peut s’exprimer que de façon péremptoire et où, à la faveur de la répugnance que nous éprouvons tous les deux pour la censure, les divagations de la calomnie peuvent se promener en toute impunité...
Je te laisse, assez lâchement je l’avoue, prendre la décision en la matière.

Mais ce n’est pas de cela dont je voulais principalement t’entretenir.

J’ai rencontré ce matin un ami qui me disait qu’en Italie, le film d’Andrzej Wajda était pratiquement censuré dans les salles. Il n’existera qu’en version DVD et la RAI ne pourra l’exploiter que d’ici deux ans.
Je n’ai rien lu là-dessus, je te livre à chaud les bribes d’une conversation.
Il y a donc une espèce de conspiration du silence établie autour de ce film en particulier, mais surtout autour de la réalité de Katyń.
Je me dis alors, Philip, que la route est encore longue, très longue, avant que l’ouest n’admette définitivement la juste version du crime perpétré il y a 70 ans. A la vitesse historique, il y a donc tout juste quelques minutes. Admettre la vérité effroyable sur Katyń, c’est admettre avoir tacitement participé au gigantesque  mensonge mis en place par Staline. C’est avouer avoir joué le jeu dangereux de l’autruche.

Pourtant, l’Union Soviétique n’existe plus et…
Oui, mais l’équilibre européen mis en place après la chute du mur repose aussi sur un consensus, un modus vivendi avec le grand voisin européen, la Russie.
Et celle-ci est très pointilleuse sur l'image de son passé à donner en pâture au monde. Il s’agit alors, pour l’ouest, d’éviter les questions qui fâchent. Voir par ailleurs la présentation scandaleuse que fit Le Monde du film de Wajda.
On n’en est plus à un mépris près pour le pays directement concerné : La Pologne. Les réflexes de mensonges et de sauvegarde des tabous sont toujours les mêmes. Cet ami Polonais avec qui je discutais ce matin, m'a dit un jour que la Russie et l'Europe s'étaient toujours chaleureusement serré la main...par-dessus la tête baissée de la Pologne.
À ce triste égard et à titre d'édifiant exemple, il suffit de relire la correspondance de Voltaire et de Catherine de Russie. L'image du philosophe éclairé en prend un sale coup et se transfrome soudain en l'image d'un vieillard berné, manipulé par le despote le plus sanguinaire de l'époque et qu'il encourage à étrangler la Pologne sous ses armes.

De tout cela, le peuple polonais a donc quelque conscience. Et il ne faut pas chercher ailleurs, dans une sorte de réflexe ombrageux, provocateur, dans une espèce de sursaut défensif, l'explication de la politique quasiment isolationniste menée récemment par ce pays, sous la houlette des frères Kaczyński.
Tu sais mon peu de sympathie pour les partis populistes, où qu’ils soient amenés à sévir. Mais, même en déplorant les égarements de cette politique de l’orgueil bafoué et qui s’exerça en Pologne de juillet 2006 à novembre 2007, j’arrive à en faire une lecture historique, donc à en comprendre les tenants et les aboutissants. Pas trop de jugements hâtifs comme j'ai pu en lire chez les journaux  parisiens bien pensants et bien à l'abri de cette récente époque .
La blessure et la douleur amènent parfois des réponses fausses, aux antipodes de ce qu’elles recherchent en matière de pansement.
C’est cela que je voulais te dire, cher Philip.

Amitié fraternelle, toujours
Bertrand

 Image : Philip Seelen

15:28 Publié dans Correspondances avec Philip Seelen | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Cher Bertrand, cher Philip Seelen

Je m'autorise cette adresse, pour dire que, lecteurs, nous sommes forcément concernés par ce que nous lisons sur nos écrans, sauf à se foutre du tiers comme du quart. J'ai donc donné tout à l'heure, à Simone, sur son site, mon sentiment sur l'incident de ce weed-end auquel j'ai assisté sans intervenir, de peur de compliquer les choses, avant que les protagonistes ne se soient expliqués.
J'estime que ce fut un regrettable malentendu et j'aime que nous ne laissions pas les mots dépasser notre pensée. Bertrand indique la discussion close. ça me va.

Je vous remercie l'un et l'autre pour le travail que vous engagez par cette publication épistolaire et qui nous aide, pauvres désinformés (sans doute responsables de notre ignorance, mais comment aller chercher ce qu'on ignore), à connaître ce qui n'aurait jamais dû nous échapper.

Je reste lectrice attentive de tous les développements que vous nous ferez partager.
Bien amicalement
Michèle Pambrun

Écrit par : michèle pambrun | 20.04.2009

Merci Michèle, d'avoir tenté de rétablir, avec le tact qui te caractérise sur le Net, la vérité.
Mais c'était peine perdue. Il y a des gens qui, pour une erreur commise, préfèrent s'enfoncer jusqu'au cou dans l'erreur, le mensonge et la confusion, plutôt que d'admettre ce qui nous est, en fait, commun à tous : une défaillance momentanée du jugement.
Nous sommes là sur le strict domaine du pathos.

Merci surtout de ta lecture attentive. Cela me fait très plaisir, connaissant la qualité de cette lecture...Et je suis certain que Philip, qui doit dormir encore à cette heure-ci ou alors qui doit rouler tranquillement vers sa chère Helvétie, éprouve la même satisfaction.
Amicalement

Écrit par : Bertrand | 21.04.2009

Chère Michèle,

J'ai lu votre adresse et je puis vous assurer qu'en tant que lecteur les mêmes pensées que les vôtres m'animent. En tant que producteur de prose, je suis parfois sidéré des réactions ou des commentaires qui peuvent entraîner des chaînes de disputes et d'aigreurs sans fin. Il s'agit sûrement de ce pouvoir occulte de l'écriture qui nous accompagne depuis les temps immémoriaux de son invention à Sumer en Mésopotamie antique.


Bien à vous amie et consoeur lectrice. Philip Seelen.

Écrit par : Philip Seelen | 23.04.2009

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