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19.12.2008

Une gigantesque fumisterie

Le capitalisme - surtout depuis qu'il est entré dans sa phase spectaculaire du pourrissement le plus achevé dans laquelle l'apparemment perçu se substitue à l'essentiellement vécu - prend les gens pour des imbéciles.

Et il a raison.
Nous le sommes vraiment.

Car comment faire avaler la pilule qu'un système planétaire bâti comme un jeu de cartes, un système dont les fondements ne sont que virtuels, jeu de hasard, jeu d'écritures de chiffres accumulant un argent phénoménal qui n'existe nulle part, jeu de voleurs et de menteurs, jeu de streap- poker où, des cartes biseautées dans ma manche, je te déleste de ton slip pour me payer une fourrure, comment faire avaler la pilule que ce système est bon, fiable, pérenne, et qu'on peut encore compter sur lui pour prodiguer le bonheur au plus grand nombre ?

Comment endormir le serf pour que le seigneur puisse continuer de galvauder son jardin, sans risquer la colère du jardinier et la lanterne vengeresse ?

C'est simple. Des spectateurs se gouvernent comme des spectateurs :

On sort de son chapeau un voyou, un play boy, un inconnu, un gars de rin mais capable, à lui tout seul, de faire s'écrouler les grandes banques de la planète, de bientôt priver des milliers de familles de leur emploi de survivance et de ruiner des épargnants du monde entier.
Que les gros ! nous dit Lagarde pour bien faire voir que la plèbe ne joue pas dans cette cour et qui devrait plutôt, à ce stade de l'ignominie, sinon mourir, du moins  se rendre avec dignité.

Le tour est joué.

Mesdames, Messieurs, le système est bon ! Il y a eu une erreur humaine ! Cependant oyez, oyez braves gens, on l'a mis en résidence surveillée, le desesperado de la finance, et on lui a passé un bracelet électronique. On l'a à l'oeil !
Dormez en paix, c'est encore ce que vous faites le moins mal !

Comme quand un avion s'écrase. Tout était parfait, pourtant. Le pilote, ce con, s'est endormi !

L'année 2009 - foin de voeux ridicules ! - sera donc ce que fut 2008 et plein d'autres années avant elle : l'empire consacré et sans partage du mensonge distribué sans vergogne et sans grand risque de ne point être gobé par une population de plus de trois milliards d'individus qu'on appelle encore, faute de n'avoir pas d'autres mots à sa disposition, des hommes.

Voir aussi les interrogations de Denis, ici.

15:18 Publié dans Critique et contestation | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Il y avait, disaient-ils, du blé à se faire.
En effet, ils se sont sucrés.
De ceux qu'ils ont ruinés je ne ferai pas mon miel.

Écrit par : denis montebello | 19.12.2008

Ce matin sur France-Culture, au 7-9, l'invité était le mathématicien français, professeur à Paris VIII, écrivain et romancier. Cet esprit vif et radical, c'est-a-dire aimant aller à la racine des phénomènes, auteur de plusieurs récits et romans dont les sujets sont les mathématiques, a fait pendant une heure une démonstration passionnante de l'usage des mathématiques, dans les jeux spéculatifs boursiers qui ont fini par se détruire eux-mêmes.

Les mathématiques modernes et le développement fulgurant des capacités de calculs rapides et compliqués, offertes par l'informatique, ont créé une nouvelle race de mathématiciens au service des grandes banques du monde. C'est ce dispositif humain et électronique qui aurait, selon Guedj, permis ce développement incontrôlé de la grande spéculation boursière du 21ème siècle.

Guedj compare le personnel qualifié des traders à des junkies, à des coureurs dopés du Tour de France, d'ailleurs la prise d'amphétamines est courante dans le milieu, des coureurs dopés par leurs pourcentages touchés sur leurs réussites spéculatives. La bulle a fini par éclater comme éclatent les scandales de dopage sur le Tour. Mais le Tour comme les Bourses ne s'arrêtent pas pour autant...on nous propose d'assainir le milieux et d'exclure et punir les brebis galeuses...

Mais selon Guedj c'est tous le système d'enrichissement basé sur les jeux et les calculs qui est pourri. Et là ce ne sont pas des individus isolés qui sont responsables, Madoff, Kerviel et tous les autres qui les ont précédés, mais un dispositif d'enrichissement factice, agressif et sophistiqué, que les grandes banques du monde et de toutes les nations ont mis en place pour avoir leur part du gâteau dans ce jeu.

Les jeux ne sont donc pas faits, et l'escroquerie a encore de beaux jours devant elle. Le plus fou selon Guedj c'est que les milliards d'argent publique promis en soutien aux banques en difficultés par tous les gouvernements de la planète, même ceux élus démocratiquement, et qui devraient rendre des comptes à leurs peuples, ces milliards sont distribués à la hâte, sans procédures de contrôle efficaces, de peur d'un effondrement rapide et contagieux pour tout le système.

La peur est là, chez nos dirigeants,et la peur est très mauvaise conseillère. L'argent publique versé au banques en difficulté ne fait donc qu'alimenter la bête, ce léviatan financier devenu incontrôlable par quiconque, aussi puissant soit-il, et ce n'est pas le charmant bretteur Obama, qui semble avoir promis de raser gratis au poste de Maître auto-déclaré du Monde, ou dieu seul sait quel petit lutin, du style de Sarkozy du G8, 9, 10 ou 124 qui y pourront quelque chose. Philippe Egalité Seelen.

Écrit par : Philip Seelen | 19.12.2008

il s'agit du mathématicien très connu Denis Guedj, excusez-moi, le nom a sauté au début de mon commentaire. Salut désolé. Philip.

Écrit par : Philip Seelen | 19.12.2008

Je pourrais l'écrire pour chacun de vos textes Bertrand : une splendeur qui tape toujours au coeur. Et que j'aime relire ce paragraphe sur "un système planétaire bâti comme un jeu de cartes" !

Dans une chronique qu'il tient hebdomadairement dans un quotidien d'opinions, l'écrivain François Taillandier termine en faisant une proposition.
"(...) Puisqu'il est posé une bonne fois pour toutes, dit-il, que l'argent est une simple convention, qu'il n'existe que parce qu'on y croit (qui a vu un milliard d'euros ? et un milliard d'euros perdus?), j'ai une proposition à faire.
(...) Je propose qu'on annule toutes les dettes. Mais alors toutes : les dettes des Etats, les dettes des pays riches (qui semblent encore plus endettés que les pays pauvres) ; les dettes des banques ; les dettes des entreprises ; les dettes des particuliers ; toutes !
(...) Disons à chacun : voilà, vous ne devez plus rien, il vous reste tant, débrouillez-vous, on repart à zéro."
Et il ajoute : " Je prends le pari, le lendemain on se réveillera, on dira c'est Noël ! et il ne se sera rien passé de particulier. "

Écrit par : michèle pambrun | 20.12.2008

L'un des problèmes est lié au fait que les bourses ont égaré leurs fonctions premières qui étaient de favoriser le développement des entreprises en apportant des capitaux. Les bourses, ce n'est plus qu'un gigantesque marché d'occasions, sur lequel spéculent en effet les traders dopés dont parlent Guedj et Philip Seelen. Beau bordel planétaire que 2009, j'en ai bien peur et je vous rejoins, ne risque pas d'arranger. Enfin. Demeurent des paysages, mon cher Bertrand, et votre talent pour les raconter.

Écrit par : solko | 20.12.2008

Quand il reste des paysages, car la spéculation immobilière va bon train aussi et elle englobe tout. Les villes s'agrandissent sans fin et finiront par se rejoindre.

Écrit par : Feuilly | 20.12.2008

Vos contributions sont édifiantes et les "illustrations" que vous donnez, Philip et Michèle, ajoutent encore, si besoin en était, à la veulerie d'un système dont le non sens raffiné est devenu nécessité vitale. Je dis non-sens raffiné parce que tenir en haleine les vies de milliards d'individus - j'emploie ici le mot vie dans un sens autre, plus noble, que lorsqu'il n'est que contraire de la mort - sur l'abstraction, c'est toute la cruauté d'un art : celui du mensonge.
Plus que jamais, la relecture de Debord est à l'ordre du jour. Mais il faudra un jour sérieusement penser à passer à la vitesse supérieure, je veux dire poser le livre et passer à la critique en actes.

Solko, oui, parce que le capital, justement, n'est plus que virtuel, hydre à multiples têtes, qui se nourrit de son propre sang et fait du capital non pas tant sur une production de biens financée par une bourse que sur une abstraction de profits imaginaires, purement mathématiques, à des années-lumière de la vie et de l'espoir des hommes.
Moi ce qui me répugne et me révolte, c'est que des horreurs comme Fillon ou Sarkozy font mine de s'en apercevoir maintenant ! Comparé à eux, Louis XVI était un grand humaniste.
Mais il nous reste les paysages, oui. Ceux que n'a pas encore violés l'urbanisme tentaculaire. Mais là, deux écoles s'affrontent, se disputent en coulisses : La laideur des périphéries urbaines est-elle un paysage ?
J'y travaille pas mal dans un manuscrit qui, un jour, peut-être, deviendra livre..

Amicalement

Écrit par : B.redonnet | 22.12.2008

"Poser le livre et passer à la critique en actes."

N'est-ce pas avouer que la littérature n'est pas tout à fait action, même si elle est combat?

Écrit par : Feuilly | 22.12.2008

Votre question Feuilly vaut mille réponses, de même que la formule employée par Bertrand vaut mille commentaires. Je ne crois pas personnellement qu'il y ait un temps pour la littérature et un temps pour l'action et encore faut-il décrire plus précisément de quelle action on parle. Au nom du livre on a fait beaucoup de mal, on en fait beaucoup encore et on en fera malheureusement toujours dans l'avenir.

Ceux qui brandissent le livre dans l'action se sentent exemptés de retenue, voire de raison, voire de simple humanité ou de compassion pour les victimes qu'ils entraînent dans la souffrance et la mort, dans leur aveuglement au nom d'un dieu ou d'une cause.

Que ce soit au nom de "Mein Kampf", qui porte en ses pages l'annonce de l'extermination, par Hitler et les nazis, des juifs d'Europe, que ce soit au nom du "Petit Livre Rouge" du Président Mao, qui aurait dû vivre mille ans, ou que se soit au nom du "Que Faire" de ce Lénine, qui, selon ses thuriféraires, serait mort trop tôt pour empêcher le Petit-Père Staline de mal-agir contre La Révolution et les peuples de Russie, que de crimes ont été perpétrés de "bonne foi" par les adeptes de ces écrits. Aucun regret, pour les "déchets humains de la combustion sociale". "Le sang et la sueur du prolétariat, c'est le prix de la révolution", "il n'y a pas de victimes innocentes, mais que des victimes bourgeoises", "mieux vaut avoir les mains rouges que pas de mains du tout", les formules de ce type peuvent être alignées sans fin...

Pas besoin de s'étendre sur les crimes contre l'humanité commis par ceux qui s'appuient sur le Coran pour se justifier aux yeux de leurs contemporains. Pas non plus besoin de s'étendre sur tous ceux qui ont tué en s'absolvant de leur geste par le récital de versets bibliques, ni sur ceux qui ont commis leurs crimes de guerre en ayant recours à l'oeuvre de Klausewitz et à ses nombreux et prolifiques éxégètes, ou simplement à leur manuel anti-guérilla rédigé par Massu, Aussaresses et autres généraux de la République coloniale à la plume sanglante.

Je ne crois pas à l'action par le livre ou par l'usage politique et idéologique de la littérature, mais je crois à l'intelligence de l'action que la littérature et les écrivains peuvent avoir et ont sur nos contemporains. A l'annonce de son Prix Nobel de littérature, Le Clézio a fait passer un message simple et auquel j'adhère sans retenue, que je sois dans l'action ou dans la réflexion et l'étude.

Le Clézio a transmis ce message très clair...il faut continuer à lire des romans, parce que le roman est un très bon moyen d'interroger le monde actuel, sans avoir de réponses qui soient trop schématiques, trop automatiques. Un romancier ce n'est pas un philosophe, ce n'est pas un technicien du language parlé, c'est quelqu'un qui écrit avant tout, et qui, au moyen du roman, pose des questions. C'est bien ça que peut faire l'écrivain, poser des questions, poser les questions.

Ceci dit, ce n'est là qu' un préambule à un débat très important sur la place et le rôle de la littérature aujourd'hui dans notre découverte et notre compréhension de la vie des hommes en civilisation...

Au plaisir de vous lire Feuilly, ici et sur vos propres pages numérisées. Philip Seelen

Écrit par : Philip Seelen | 22.12.2008

Je ne mange pas mon chapeau, en disant qu'effectivement mon espèce de saute d'humeur appelerait mille commentaires, qu'elle prête à toutes les confusions, que la critique en actes est une expression figée de l'anarchisme, reprise par les situs, et que, donc, sans manger mon chapeau encore une fois, la jeter comme ça dans un commentaire, peut soulever moult autres commentaires.
Celui de Philip est réaction saine à l'ampleur du confusionnisme introduit par mon mot. La question de Feuilly remonte, elle, à un amont, mi-public, mi-privé, où je lui contestais sans ménagement le droit de dire, en substance, que l'écrivain serait contemplatif et en dehors du monde.
L'étroitesse de l'espace commentaire ne permet pas un dévelopement clair de la pensée de chacun. Vous pensez bien, Philip, que tous les monstres historiques auxquels vous faites référence ne font pas partie de mon panthéon sensible et intellectuel, si tant est que j'en possede un.
A 20 ans et beaucoup plus tard encore, trop longtemps à mon goût réfléchi, je crois pouvoir dire que j'ai pris les risques de l'affrontement direct, que j'ai payé de ma liberté et que nous avions (salut à tous les copains disparus ça et là) en face de nous à combattre autant les militants de l'ordre bourgeois que les léninites, trotskistes, maoistes, stals du PCF, socialos ventres mous et autres crânes rasés d'Ordre nouveau. Je ne suis donc pas de ceux qui s'abreuvent de pamphlets avant de prendre l'uniforme.
Il n'y a aucune dichotomie entre l'écriture et l'acte engagé en ce que l'écriture est un acte engagé en soi. Celui de dire le monde. De plus, chaque fois que la théorie a fait parler la poudre, le crime était au bout du fusil.
Tout ça, j'ai l'impression de le rabâcher depuis plus de trente ans. Une certaine lassitude.
De plus, nous sommes une génération vaincue. Point barre. Quarante ans que nous hérissons le poil et levons le poing de la colère devant les conditions faites à la dignité et à la vie humaines et 40 ans que, justement, nous bouffons notre chapeau.
Alors, pas de quoi pavoiser. Le bonheur est ailleurs que dans la construction de mondes qui seraient nouveaux. Je ne connais pas de monde nouveau qui n'ait d'ailleurs été immédiatement trahi par ses bâtisseurs.
Ce qui n'enlève rien à ma haine viscérale pour les pouvoirs victorieux en place et à mon mépris pour les artistes thuriféraires de cette victoire, qu'ils soient tels sciemment ou à leur insu.Il est des domaines où l'ignorance est un délit.
Ma priorité est de jouir du temps qui me reste à contempler les phases de la lune et le mouvement des saisons et à écrire, écrire. Dire.
Je ne me pose pas, Feuilly, de question sur mon utilité.
En tout cas, à vous deux, j'adresse toute mon amitié. Lointaine mais néanmoins solide.

Bertrand, pourfendeur d'Anglois aussi

Écrit par : B.redonnet | 23.12.2008

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