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07.11.2008

La mémoire du monde, le monde de la mémoire

250px-National_Park_Service_9-11_Statue_of_Liberty_and_WTC_fire.jpgJe voudrais prolonger ici une discussion entamée sur le forum de François Bon et intelligemment initiée par un internaute qui répondrait au doux pseudonyme, quoique légèrement bègue, de Xavavavier.
Le postulat de départ, maintes fois vérifié, pose comme principe que tout le monde se souvient de ce qu’il faisait le 11 septembre 2001.
Le deuxième postulat, également vérifié, énonce qu’à peu près personne – à moins qu’il n’ait ce jour-là vécu quelque chose de personnellement fort et sans aucun rapport avec l’événement - ne se souvient de ce qu’il faisait le 9 novembre 1989.

Le 11 septembre 2001 dans l’après-midi, j’étais à Niort, rue de l’arsenal, et je besognais sur l’Intranet du Conseil général des Deux-Sèvres. Je sais même très précisément ce à quoi je m’échinais le cerveau : Je mettais en ligne des délibérations du susdit Conseil.
Une jeune amie de la maison d’en face, comme on nommait l’hôtel de Ville, m’a téléphoné et m’a dit qu’un avion s’était écrasé sur le Pentagone et deux autres à New York. C’est dans cet ordre qu’elle  a dit.
La sachant, tout comme moi, un tantinet alarmiste, j’ai plaisanté. Elle m’a dit d’aller sur « Voilà ». Je suis venu, j’ai vu, j'ai lu.
En rentrant chez moi une heure plus tard environ, j’ai dit à mon fils, à travers le plafond car il était à l’étage, que les USA venaient d’être attaqués. Il est descendu et nous avons allumé la télé.
Le reste, c’est ce que tout le monde, à peu près, a vécu. En images. Des images que nous nous sommes appropriés comme appartenant à nos propres vécus. Comme si nous y étions…

Le 9 novembre  1989,  je…je…Je n’en sais absolument rien. Et les 12 ans d’écart ne sont nullement en cause.

180px-Berliner_Mauer.jpg

J’ai vérifié à 2500 Km de là. Où je suis aujourd’hui. Même chose.
Les Polonais se souviennent précisément de cette journée du 11 septembre et comment ils ont appris les attentats et ce qu’ils faisaient et ce qu’ils ont pensé alors. Je n’en ai rencontré aucun qui se souvienne du 9 novembre 1989.
Ils étaient pourtant concernés au premier chef. C’était leur vie entière qui basculait enfin, surtout en Pologne après Solidarność et les accords dits de La Table Ronde. Comme quoi le 9 novembre dont ils ne se souviennent  pas, est un point de repère fondamental de leur histoire, collective et/ou individuelle.
Aucun d’entre eux n’aurait l’idée de se repérer par rapport au 11 septembre.
Même chose en France. On ne dit pas "avant le 11 septembre" ou "après le 11 septembre". On dit "le 11 septembre" .Point.
On pourra cependant éventuellement dire, surtout si on a voyagé en Europe centrale dans les années 80, et même vu de plus loin, « avant la chute du mur ».

La chute du mur a en effet bouleversé radicalement l’équilibre du monde. Elle a transformé l’ordre mondial et consacré l’hégémonie sans partage des USA, elle a été le détonateur des horreurs perpétrées dans les Balkans, la cause du partage de la Tchécoslovaquie, l'élément essentiel  de la réunification de l'Allemagne, etc...etc. Elle a réduit les partis communistes à la portion congrue sur les différents échiquiers politiques du monde, elle a consacré la déferlante triomphante des idéologies libérales sur toute l’Europe, déferlante dont  nous vivons encore aujourd'hui les effets désastreux.
Elle a changé notre façon, du point de vue des procédures, de voyager au-delà de Berlin.
Ce fut véritablement la chute du monde initié au lendemain de la seconde guerre mondiale.
La fin de Yalta.

Le 11 septembre n’a absolument rien changé dans nos vies, si ce ne sont les contrôles plus sévères dans les aéroports. Les bourbiers irakiens et Afghans eussent existé sans les attentats et la grotesque croisade contre le mal entreprise par les bandits de l’administration Bush eût également existé.
Ce que j’ai personnellement retenu du 11 septembre – outre évidemment l’horreur de la catastrophe – c’est le nom de Ben Laden, que je n’avais jamais entendu prononcer auparavant, ignorant que je suis.

J’en conclus que le monde s’inscrit dans notre chair d’abord par les effets spectaculaires dont on la crible. Ensuite, mais très loin derrière, par ses impacts réels sur nos vies, c'est à dire que les signifiants de l'histoire du monde dérivent vers des signifiés de moins en moins clairement établis.
J’en tire également comme enseignement et en dépit de mon trouble, de mon aversion et de ma révolte devant la tragédie du 11 septembre -  je le répète afin que mon propos ne soit pas facilement la proie du confusionnisme intéressé et perverti sur des objectifs qui ne sont pas les siens - que notre mémoire est une ressource enchaînée, pour une bonne part manipulée.
Plus balisée par l'évenementiel que par les mouvements et enjeux réels  du monde.
Et une mémoire manipulée ne peut que se projeter dans un futur fortement compromis, autant  du point de vue de la raison, de l’éthique que de l’esthétisme.

Source images : Wikipédia

13:47 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Le 11 septembre j'étais dans un bar de Coblence avec CNN allumé à la Télé et je refusait de croire à cette histoire en disant: "Si je fais un film catastrophe, je mettrais CNN avec Breaking News pour donner un peu de vraisemblance." à cet histoire de tours.

Le 9 septembre 89, j'étais chez moi et je mijotais un coup de téléphone... le lendemain j'ai appelé ce cousin dans la diplomatie d'occupation à Berlin qui m'avait dit 5 jours plus tôt, d'un air sentencieux, que l'occupation de Berlin durerait encore 20 ans... au strict minimum.

Écrit par : Joel | 07.11.2008

Ce que vous dites là est profondément juste. L'événement historique est évidemment le chute du mur, et le 11 septembre n'est qu'un événement spectaculaire. C'est drôle car, dans une autre esprit, je viens de terminer avant de venir vous lire un billet que je publierai tout à l'heure, et qui procède de la même certitude : la chute du mur - et de l'URSS-est l'événement fondateur du désordre dans lequel le monde entier est plongé.

Écrit par : solko | 07.11.2008

@ Andréa : c'est vrai pour la continuité. Certains Polonais m'ont dit qu'effectivement ça n'était pas un évènement majeur en soi. Ce qui était important pour eux, c'était le processus engagé depuis 1980.
@ Joêl : Vous me faites donc mentir pusique vous vous souvenez du 9 novembre.
@ Solko : Je cours voir ce billet.

Écrit par : B.redonnet | 10.11.2008

ma mémoire, ta mémoire, notre mémoire, leur mémoire...Dieu que c'est compliqué de ne pas prendre la mémoire des autres en otage de nos caricatures, de nos analyses à l'emporte pièces, de nos certitudes si personnelles...que faisais-je le onze septembre deux mille un quand ces crimes de guerre ont été commis par des combattants entraînés et spécialisés dans les actes de terreur de masse contre des civils de toutes nationalités travaillant aux Etats Unis d'Amérique...?...moi c'est simple j'étais au pénitencier de Bellechasse, dans le Canton de Fribourg, en Suisse, pour subir une peine de vingt sept mois fermes d'incarcération...pour des délits financiers...au milieu d'une population carcérale de trois cent prisonniers et de quatre vingt sept nationalités différentes...déjà trois cent mémoires si différentes, déjà quatre vingt sept point de vue culturels sur les événements et leurs significations politiques...pour les uns "bien fait l'Amérikkke", pour d'autres "salauds d'Arabes", pour beaucoup "t'as vu ça mec, ils ont des couilles ces terroristes"...pas un mot de compassion pour les victimes civiles, passagers des avions et usagers des bâtiments attaqués....on affiche pas des sentiments de compassions quand on vit 24h sur 24h dans un milieu de criminels primaires ou endurcis...pour tout ces mecs, le 11 septembre 2001 ils se souviennent qu'ils étaient en prison pour tel ou tel crime ou délit, et qu'un événement extraordinaire se passant naturellement en Amérique a pour un jour mais un jour seulement influencé un quotidien bien encadré...bon..mauvais...historique...affreux....inhumain...terroriste...islamiste...peu importe...j'étais en taule pendant que des mecs ont détourné et écrasé des avions de ligne bourrés de passagers sur les Tours jumelles et le Pentagone...voilà cette mémoire de ce jour telle qu'en partie, en partie seulement, elle s'est imprimée et s'extrait aujourd'hui de mon cortex...in mémoriam

Écrit par : Philip Seelen | 12.11.2008

...et au delà de nos petits jeux mémoriels, la mémoire des gestes criminels de cette violence groupusculaire et la mémoire des gestes criminels de cet Etat Militaire US se rejoignent pour nous poursuivre quotidiennement par les images télévisées, par les miracles tant vantés de la guerre électronique, par la peur diffuse des voyages en avion ou en métro, par les dispositifs d'une guerre sans fin contre ce phoenix de la terreur, par la peur des autres, par la peur du voile et des corps de femmes emmaillotés à la plage, par les commémorations du 11.09.01 scandées annuellement...peut être que notre vie quotidienne n'a pas été profondément transformée, mais mes sommes de deuils et de sentiments de gâchis se sont singulièrement alourdies...et ces flux d' images de terreur et de sales guerres n'ont aucun répit...alors si tout cela en un sens ne transforme pas nos vies, alors nous sommes des coeur de pierre... fraternité. Philip

Écrit par : Philip Seelen | 12.11.2008

Le 9 novembre 1989, j'étais en voiture, ma vieille R5 baptisée Charlotte, et je descendais péniblement le Boulevard Saint Michel, pour traverser la Seine et me rendre à dîner chez mon amie Nucie. La nouvelle m'a bouleversée car mon amie, d'origine bulgare, a souffert d'une méfiance paranoïaque pendant des années, même après son installation définitive en France…
Voilà un souvenir assez précis, je pense pour contredire le postulat n'°2, mais c'est peut-être aussi une question de génération… Je suis bien certaine que nous avons été nombreux ce soir-là à exulter et verser quelques larmes d'émotion
J'ai amalgamé le souvenir du mur avec le concert de Rostropovitch, qui n'a eu lieu que quelques jours plus tard…

Écrit par : odile | 12.11.2008

Je ne sais pas s'il s'agit de jeux mémoriels, mais je dirais plutôt comment le monde global s'inscrit dans notre mémoire au point de poser des balises dans notre propre existence à nous
Je vous le concède. La violence criminelle a posé son empreinte dans nos vies quotidiennes, militaires qui patrouillent dans les aérogares, chiens policiers tenus en laisse, contrôles, regards de la parano...Elle s'y est inscrite mais, sans rien contester de la guerre larvée ou manisfeste qui s'est engagée, on l'a un peu poussée pour qu'elle pénètre bien au fond de nos cerveaux et n'en ressorte plus.
Les images passées en bloucle participent du grotesque et du drame magistralement mis en spectacle...Rienà voir avec des images d'info, si tant est qu'il en existe...
Les évènements s'inscrivent aussi subjectivement, non plus par rapport à eux-mêmes mais par rapport à nous.
Je peux vous dire que je me souviens parfaitement d'un non-évènement dont je me soucie par ailleurs comme de collin tampon. La démission de Chirac en août 76 de son poste de premier ministre. Parce que j'étais allongé sur une paillasse, les mains sous la nuque, en face de moi la tinette, la porte avec le petit haut parleur radio, le judas, derrière moi la lucarne striée de fer.
Ma mémoire n'a donc rien à voir avec l'importance du fait. Parce que Chirac et Giscard, je m'en fous comme de ma première chemise à bretelles...Alors ce ne sont pas eux qui se sont accrochés à ma mémoire, mais moi qui y suis resté suspendu, à ma propre mémoire.

Odile, vous êtes donc la seconde à "démolir" mon postulat numéro 2...Ca fait beaucoup pour que je ne change pas d'avis...
En tout cas, merci de votre passage...
Philip, à propos d'images, les vôtres chez JLK sont à voir...et à lire.
Ce qu'elles peuvent inscrire chez nous ne nous éloigne pas du vécu mais nous y ramène.
Fraternité itou

Écrit par : B.redonnet | 13.11.2008

Cher B.
Zo d'Axa que vous évoquez dans une de vos notes sur le blog (je déteste ce vilain mot) de JLK, doit être un bon parrain en prison... "Notre pauvre liberté, provisoire toujours" n'a t'il pas écrit au sortir d'un de ses séjours au fond d' une de ces cellules où à son époque la maréchaussée devenue gendarmerie bouclait un peu vite les amoureux du Vivre libertaire...merci pour votre allusion chaleureuse à notre Panopticon, une aventure iconoscripturale résultant de flâneries réelles et virtuelles partagées en toute liberté avec JLK. Ici la neige a coiffé les cimes des sapins et des Alpes...A votre Liberté ! Philip

Écrit par : Philip Seelen | 13.11.2008

D'Axa, oui un grand, inclassable...Trop anar pour être classé anar..Poète, Pamphlétaire génial, activiste avec beaucoup d'humour (l'âne NUL élu au suffrage universel..Etc.) Une bonne compagnie entre quatre murs, fussent-ils ceux de l'ordre démocrate.
Ici; Pologne de l'est, Pologne B, rien à voir avec la vaniteuse Pologne de l'ouest, Pas de neige encore mais un froid vif. Neige bientôt. J'aime ça. Après, vers mars, avril, on s'en lasseun peu, forcément.
La Suisse m'évoque tjs un livre, pour les paysages. Via mala, Knittel. Je ne connais rien de cet écrivain, sinon ce livre tombé un jour lointain entre mes mains et qui m'est resté en mémoire.
Vous voyez, on ne s'éloigne pas du sujet. La mémoire.
A notre liberté et aux joies qui vont avec !

Écrit par : B.redonnet | 13.11.2008

C'est le 12 septembre 2011 que j'ai égaré, à la station de métro Odéon, le carnet de notes manuscrites et enrichies d'aquarelles innombrables des années 2009 à 2011, à l'onze septembre duquel, sortant de chez Marina Vlady et regagnant mon studio de la rue du Bac, j'avisai la programmation d'un même film de SF sur les onze chaînes captées par mon chti Sony, suite de quoi je descendis au bar d'en dessous pour entendre ce commentaire: sûrement un coup du Mossad !
Bon, mais si vous avez vu mon carnet de notes où je raconte tout ça, je vous ferai une fleur de me le ramener.

Écrit par : JLK | 15.11.2008

Cher compagnon de la zone risque, soyez assuré que si je vis jusque là et si d'aventure le carnet me tombe sous la patte, je vous le ramènerai prestement quelque part en Helvétie.
Ou plutôt, je vous inviterai à venir le récupérer en Pologne puisque maintenant, et jusqu' à plus ample catastrophe, ça n'est plus "nulle part".
Cordialement

Écrit par : B.redonnet | 17.11.2008

le titre est très bien choisi

Écrit par : Netdiscount | 26.12.2013

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