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12.04.2008

Considérations non intempestives - 1 -

1 - Dans le couple, quand un, ou une, décide de s'envoler vers des horizons plus grands, c'est un mort inachevé qui prend la parole. Un, ou une,  qui "ne reconnaît pas le bien-fondé de son trépas".

2 - En l'état actuel d'un monde sans visage humain , l'ennemi n'avance masqué que pour les imbéciles.
Pour le peu qui reste, il est on ne peut plus transparent.
Ce qui est en revanche beaucoup plus difficile à discerner, ce sont les alliés réels de l'ennemi.
Certains sont très habilement travestis.

3
- En vacances, nous guettons l'anticyclone. En politique, le cyclone.

4 - On ne devient pas poète. On naît poète. Pas génétiquement bien sûr, ce serait effrayant et idiot.

On naît poète comme le chiendent pousse sur certains sols et pas sur d'autres.
Après seulement intervient le devenir : On laisse chanter ce poète ou on lui tord le cou.

5 -
Le poète est souvent amoureux de l'impossible. Il n'est guère payé de retour.

 6 - J'ai recu la lettre d'un éditeur qui disait vraiment :

"J'ai parcouru votre manuscrit avec beaucoup d'attention..."
Y'a quand même des lapsus-oxymores qui mériteraient véhémentes corrections.

7 -
Il ne s'agit pas pour nous-autres d'énoncer des choses nouvelles, d'annoncer une nouvelle théorie qui éclairerait la révolte d'une lumière jusque là inconnue.

Il s'agit d'administrer un rappel obstiné contre l'aliénation ambiante, de faire savoir, ne serait-ce qu'en murmure, que nous sommes encore quelques-uns à ne pas être dupes et à ne pas nous avouer totalement vaincus dans nos vies.
Il s'agit de dire encore et encore, après des milliers d'autres honnêtes hommes, que la fumisterie ambiante est essentiellement caduque et non, comme voudraient le laisser bêtement croire tous les tenants du pouvoir et ses aspirants, l'histoire achevée.
A ce titre, nous n'avons ni adversaires ni amis préconçus. Nous n'avons que faire des soi-disant classes sociales. Car nous savons pertinemment qu'il y a partout des charognes et partout des hommes et des femmes préoccupés de l'intégralité de l'existence.

8 -
Le mot peuple est un mot en mouvement, un concept de l'irruption.

Il désigne des gens lassés des conditions faites à leur existence, de quelque horizon social qu'ils viennent. Des gens qui prennent d'assaut les palais du mensonge, par les armes et par la voix, renversent les statues, brisent les interdits, voire coupent des têtes, parce qu'ils exigent que leur soit restituée la poétique initiale de leur vie.
Le mot peuple désigne l'instigateur et l'acteur de la mutinerie sociale.
En période de modus vivendi, il ne signifie qu'un terreau vague, un tas de fumier sur lequel guignent les politiques pour y ensemencer à bon compte et dans l'endormissement général les graines de leurs misérables ambitions.

9 -
Au stade où nous en sommes du brouillage des cartes dans la conduite de nos vies, l'inversion est quasiment consumée entre le superflu et le nécessaire.

10 -
Quand on refait sa vie, selon l'expression bien mal consacrée, on ne refait strictement rien du tout qu'on aurait déjà tenté de faire. On ne fait que ce qu'on avait oublié de faire.

11 -
La poésie c'est le monde sans ses fonctionnalités. Autrement dit, les fleurs sans la botanique, l'amour sans la gynécologie et la mélancolie sans la psychologie.

 
12 -
Les grands bouleversements sociaux sont intuitifs. Leur pérennité, tout comme leur caducité, est discursive.

13 - Mai 68 : La honte d'exister soudain transformée en fierté d'être.

Le reste est verre d'eau dans lequel se noie l'affrontement discursif d'idéologies diverses.

14 - L'écriture n'a pas de rôle en dehors de celui qu'elle s'assigne elle-même. C'est la lecture qui a un rôle social.
Et il n'y a là-dedans aucune dialectique de la poule et de l'oeuf, tant il arrive souvent qu'on ne lise pas exactement ce qui est écrit.

 15 - Le cinéma est un art tributaire de la musique. Il ne sera donc jamais fidèle à ce qu'il prétend vouloir dire.
Dans vos situations - que vous ayez à les affronter ou à en jouir - avez-vous une musique derrière vous pour les faire plus authentiques et plus fortes encore ?

Que diriez-vous d'une musique qui aurait forcément besoin d'images pour transmettre son émotion ?

 16 - Il n'y a que des pigeons n'ayant jamais su voler plus haut que leur perchoir pour croire qu'un seul battement de leurs ailes puisse les projeter jusqu'aux nuages.

17 - Un ami très proche, un jour aux prises avec les tourments de l'amour resurgi impromptu sous ses pas débonnaires, m'avait ingénument demandé, dans son désarroi, ma conviction du bonheur.
- C'est l'absence de tourments, avais-je assuré.
Tout un programme. Mais ça ne l'avait pas beaucoup aidé.

18 -
"Un homme qui ne boit que de l'eau a des secrets à cacher à ses semblables" écrivait Baudelaire dans Les Paradis artificiels. Certes.

Mais un homme qui ne boit que du pinard dit tellement de conneries que c'est lui-même et tout entier qui se fait énorme secret, une sorte d'énigme parfois déroutante, parfois plate comme une limande.
Pour avoir longtemps et alternativement pratiqué les deux extrêmes, je sais de quoi je cause.

19 -
La belle écriture est celle qui a la précision d'une partition, celle qui ne prête pas à la cacophonie des interprétations.

Elle se situe par-delà le style.

20 - La littérature qui a des prétentions érotiques se met deux fois le doigt dans l'cul. Elle n'est en général ni littéraire, ni érotique.

 21 - Le mensonge est bien sûr la vérité falsifiée, mais pas seulement.

L'évolution du pouvoir spectaculaire l'a conduit du subtil non-dit au mensonge délibéré, puis du mensonge délibéré à l'affabulation pure et simple.
Sous les applaudissements nourris, l'ignorance, la complicité ou la résignation intéressées.
L'affabulation allant crescendo, bientôt sera le délire.


22 - L'image, telle que critiquée par Debord et les situationnistes, atteint les dimensions de sa plénitude dans le discours officiel du pouvoir comme dans celui de tous ses complices, aspirants ou contemplatifs intéressés. On peut dorénavant asséner des contrevérités accablantes, des aberrations grotesques, des contresens ridicules à la barbe du monde entier et ne risquer pour autant qu'un petit murmure indigné de la foule.
Le spectacle à ce très haut degré d'insolence suppose que le mensonge soit tacitement admis de tous, dirigeants et dirigés, comme règle du vaste jeu de l'inversion du réel et comme projet commun d'une disparition de la vie au profit de sa représentation.

23 - Un politique qui serait pris de la fantaisie soudaine de ne pas mentir se retrouverait exactement dans la situation du coureur du Tour de France qui refuserait les intraveineuses. Peinant dans l'ascension, relégué en queue de peloton, zigzaguant lamentablement puis finalement contraint à l'abandon en dépit des encouragements pour la forme de deux ou trois excités Kronembourg.

24 -
Je ne conçois de poésie que subversive.

C'est la lecture d'un parcours personnel. Conception réductrice ?
L'histoire inclinerait en effet à ne me donner que très partiellement raison .

25-
Le poète qui devient riche ou (et) qui compose avec les douloureuses aberrations sociales n'en cesse pas pour autant d'être un poète.

Qu'il en souffre ou non est du domaine de l'intime et, en dernier ressort, de l'éthique intime.
 
 
26 - La vie d'un poète est forcément en dents de scie, chaotique, décalée à l'intérieur, voire partout.
Ce qui ne signifie pas que toute vie chaotique soit celle d'un poète. Sans quoi les conditions pitoyables d'existence imposées par le capital n'auraient produit que des poètes.
Ce qui depuis longtemps l'aurait conduit à sa perte.

27 - Je pense la poésie comme étant très accessoirement une écriture et essentiellement un art de vivre. Encore une évidence qu'on se refuse à brasser. Bien évidemment.

28 - Quand les poètes se feront des voyous et les voyous des poètes, l'espoir aura peut-être une chance de changer de camp.
Pour avoir fréquenté les uns et les autres, je peux prédire cependant que c'est pas demain la veille !

29 - Depuis Nietzsche et dieu, Les surréalistes et l'art, les situationnistes et le vieux monde, je me méfie comme de la peste de ceux qui dissèquent prématurement les cadavres !

 

14:07 Publié dans Considérations non intempestives | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Diable, que de vérités à digérer d'un coup au petit matin. Cioran ne serait pas votre cousin par hasard?
Je reviendrai relire tout cela et méditer en silence.

Écrit par : Feuilly | 11.04.2008

Mon cousin, ? Diantre ! Quelle auguste lignée vous me prêtez là , Feuilly !

Écrit par : redonnet | 12.04.2008

J'aime vos évidences, que l'on oublie souvent et qu'il est toujours bon de rappeler, d'autant plus avec des mots simples et efficaces. Et sans prétention.
Bonne continuation...
Mike B.

Écrit par : Mike B. | 12.04.2008

Les commentaires sont fermés.