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31.10.2010

Je connais des halliers

PA180003.JPGCe sont d’inextricables taillis aux épines longues comme des dédales, orphelins, tout tremblants d’abandon aux portes des villages, engloutis par le lierre, inondés de verdure enchevêtrée.
Des oiseaux y nichent, des serpents y réchauffent la froideur de leur sang sur des herbes séchées, des rongeurs y grignotent et le souffle du vent dans des branches qui se croisent et s’entrecroisent, y fredonne des murmures.
Sous les frondaisons bourdonnantes ou sous le tapis rouge de listopad*, le mois des feuilles qui tombent, ou encore sous l’épaisseur d’un suaire de glace, dorment des hommes, dorment des femmes et parfois des enfants.
Les croix sur les tombes ont deux branches par l’oubli vermoulues.

Ce sont là nécropoles que le seul printemps vient fleurir.
Ce sont là sanctuaires où l’homme n’hasarde plus sa mémoire.
Presque des sanctuaires maudits, plus resplendissants pourtant que le marbre tellement glacé d’en face, celui des vrais cimetières où crisse le gravier sous la chaussure, où les floraisons n’ont pas de saison et où reposent de vrais morts, avec les vrais sacrements d’une vraie religion et de vrais visiteurs à petits pas menus, courbés sous un vrai chagrin, courbés sous le regard des lourdes croix à branche unique, courbés sous de vraies gerbes de fleurs, de vrais souvenirs, de vrais présents en pleurs...

 Pas comme ceux de ces fourrés sauvages, là où nichent des oiseaux, se réchauffent des serpents, grignotent des rongeurs et fredonne du vent.
Ici sont des anciens, des qui ont éteint la lumière avant qu’elle ne revienne sur le pays ressuscité par les armes et le sang.
Pour s’endormir en paix, ceux-là avaient dû faire allégeance aux dogmes du conquérant, baisé les deux branches du tsar de toutes les Russies.
Ce sont des dormeurs sans val, qu’aucun poète ne songe à  venir immortaliser.
Brutalisés par  le sabre, agenouillés par le goupillon, répudiés par le néant.
Preuves de son inexistence, dieu qui ne pardonne pas qu’on se trompe de dieu,  fait que le châtiment est plus beau encore que ne l’eût été la récompense.
Oecuménisme. Pourquoi un si beau mot pour dire la fusion du mensonge ?

Viens.
Viens dans ces halliers que des sommeils inondent, au milieu de ces tombes écroulées, qui se cachent, qu’il faut chercher, qui ne sont plus que débauche grandissante d’une végétation qui s’empile à chaque printemps, tels les sédiments de l’irrévérence.

Dans ce jardin-là, tu es en équilibre.  Sur l’intangible frontière, entre l’indécence de la profanation et la sagesse de l’archéologie.
Tu peux fermer les yeux. Ici, on peut marcher partout…
Ces broussailles sont en même temps un paradis accusateur des falsifications d’en face, avec toutes ces choses vraies sous la froidure de ses faux marbres et le souffle dans les branches, là-haut qui croisent et s’entrecroisent, chante et chante….
Le mépris des hommes rend libre et beau.
Ecoute…Ecoute encore. Tu peux t’asseoir et te reposer là. Te faire ronces débridées, lierre englobant, liane, branche, tout esprit de Dionysos, souffle, fauvette, esprit errant au secours d’un néant.
On dirait qu’il entonne, le vent au-dessus de ta tête, l’anecdote sanglante des choses de l’esprit à l’esprit imposées et le ressentiment revanchard,  inextinguible, des hommes de la bonne foi.

Là, sans morale, jamais ne seras seul.

* Novembre en Polonais.
Texte mis en ligne en septembre 2007

16:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

J'aime cette sorte de sérénité qu'on ressent ici.
Merci.

Écrit par : Natacha S. | 31.10.2010

Tout oil que beule perd sa goulée...

Écrit par : Marianne | 04.11.2010

Les commentaires sont fermés.