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06.02.2015

Ballade pour un pendu

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Initialement, ce texte introduisait Le Silence des chrysanthèmes.
Il lui tenait lieu de prologue.
A la relecture complète, quand je me suis remis à travailler le manuscrit, il n'a pas passé l'épreuve et a été recalé.
Comme on n'est jamais sûr de rien, autant le dire à ceux et celles qui, aujourd'hui, ont le livre achevé dans leur bibliothèque.

" Comme cet oiseau timide soudain surgi des nues, qui referme un instant ses ailes de voyageur sur la tuile moussue d'un vieux toit d'écurie, observe nerveusement les quatre coins du monde, s'ébouriffe et se jette au hasard sur les vapeurs du ciel,
comme ces feuilles de septembre que l'équinoxe tue d'un tourbillon dans l'air avant de les jeter, tout encore frémissantes, sur les tombes de la terre,
comme ces vagues toutes blanches qui viennent et qui reviennent sur le sable des plages, sur des rochers gluants et au pied des falaises, s'écrasent et resurgissent, grondent et puis se taisent, inlassables, sempiternels retours du grand mouvement des choses,
comme cet enfant jetant des pierres sur la rivière, qui regarde, rêveur, les ronds par sa main dessinés et qui se rétrécissent, se rassemblent et s'estompent,
comme cette brume lascive des frais matins de mars, étendue sans pudeur sur le lit de la plaine,
comme le temps qui s'enfuit en grandissant nos peurs,
comme le cœur qui s'égare sur une erreur sublime,
comme les pas sur la neige que d’autres neiges effacent,
comme la plume bloquée sur la blancheur d'une page,
comme les yeux refermés sur l'empire effrayant des ténèbres promises,
comme ma main tendue à l'ami qui s'égare et
comme cette main tendue vers moi qui ne veux voir,
comme ces nuages en feu allongés sur les arbres d’une aurore immobile,
comme ces soldats tombés, pitoyables, dans les flaques rougies des causes toujours absurdes,
comme cet homme mis à terre par l'injuste souffrance d'un amour dérobé au quotidien des jours,
comme l'ivrogne chancelant sous le poids de son mal,
comme l'animal laissé dans une cour obscure et qui pleure et gémit, des hommes  dégoûté,
comme cette tombe toute verte que les violettes inondent, où jamais ne vient plus un visiteur songer,
comme la main de ma mère qui soignait ma rougeole,
comme les mots blêmes du grand-père renfermant dans son ventre le fer d'une bataille,
comme les yeux jaunis, injectés de sang, et jamais grand ouverts de celui qui chaque nuit se jette à corps perdu dans les culs des bouteilles,
comme ce fruit suspendu à la branche qu'il casse,
comme l'automne invitant le poète à écrire, le peintre à composer, le sculpteur à ciseler, le chanteur à crier, le sans voix à parler et le sourd à entendre,
comme toutes les saisons que l'univers embrase, obscurcit ou quelquefois éteint,
comme cette voie lactée sur ma tête allumée où scintille, désespoir, l’utopie d’un désir,
comme les crêpes, les oranges et l'odeur de sapin des matins de Noël,
comme les doigts refermés sur le froid des barreaux qui recherchaient le ciel et l’écho d’un passant,
comme ces chemins d'école, mouillés de boue l'hiver ou fleuris par avril, où murmuraient toujours les musiques de Verlaine, les tristesses d’Olympio et les guerres d'Alexandre,
comme la trahison, horrible, jusque là impossible, devant laquelle s'égarent aussi bien le cœur qu'aussi bien la raison,

comme cet l'oiseau timide soudain surgi des nues, qui referme un instant ses ailes de voyageur sur la tuile moussue d'un vieux toit d'écurie, consulte nerveusement les quatre points du monde, s'ébroue et puis se jette au hasard sur les vapeurs du ciel,
comme enfin..."

Mais la corde soudain éteignit le cerveau.

12:40 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

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