06.11.2012
Passez-moi les bracelets, je vous prie…
Je m’en veux déjà de sombrer pour la énième fois dans un commentaire de l’inactualité des actualités au lieu de vaquer joyeusement à mes propres affaires. Je sens que je vais encore m'énerver et c'est pas bon pour ma santé, ça.
Mais c’est plus fort que mon désir de silence : quand je lis certaines choses, ne seraient-ce que des entrefilets, j’ai envie de mettre mon grain de sel dans cette soupe.
Comme si je risquais d’être enterré sous des tonnes de mutisme pour n’avoir pas levé le petit doigt.
En ces temps de vide intégral de la pensée, on débat donc à qui mieux mieux sur ce fameux sujet de société que constituerait l’institution légale du mariage homosexuel.
On a envie de dire que politiciens, législateurs et spectateurs-bouche-bée n’ont vraiment pas autre chose à foutre que d’enculer les mouches !
Car qu’est-ce qu’un homosexuel ? C’est un homme ou une femme qui vit librement ses désirs sexuels, qui assume son attirance amoureuse pour une personne du même sexe que lui ou qu’elle, et qui est donc à la recherche d’une conjugaison de son bonheur avec celui de l’être aimé.
Et je trouve qu’il faut être tombé bien bas - ou n’être jamais monté bien haut - pour ne pas considérer ça tout naturel, juste, normal et humain. Le fait même d'en parler souligne un triste état d'esprit. Nous sommes d’abord sur terre pour vivre notre vie telle que nous entendons qu’elle soit vécue, surtout du point de vue des désirs profonds, ceux qui demandent à s'exprimer par-delà le bien et le mal.
Alors qu’est-ce que le mariage vient foutre là-dedans, nom d’une pipe ?! J’ai toujours été hétéro, moi, je ne m’en porte pas trop mal, j’ai eu beaucoup de désirs, vécus ou pas, je ne suis pas mécontent des rencontres que j’ai faites au cours de ma vie et je ne suis pas marié pour autant.
Qu’est-ce qu’ils attendent donc, les homos, de ce passage devant m’sieur l’maire ? Qu’est-ce qu’ils attendent ? Que leurs amours soient plus florissantes ? Que leurs désirs soient plus épanouis ? C’est ça ? Que nenni ! C’est d’avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que les hétéros qui ont fourvoyé leur bel amour entre les pages du code civil ! Misère de misère ! Ils ne demandent pas à avancer, ils demandent à être rétrogradés au rang des aliénations les plus castratrices. Un droit, le mariage ? Plutôt un formulaire civil- le plus souvent parfumé par le goupillon - bourré de devoirs moraux, économiques, intellectuels, tous aux antipodes de l’amour !
Il n'y a qu’à divorcer pour s’en rendre compte et voir à quel point le sordide législateur a su mettre en œuvre toutes les bassesses de l’esprit humain quand sonnent la fin des amours et, tout naturellement, celle de l’envie de vivre ensemble !
Tellement que beaucoup choisissent les amours de l’ombre, les cinq à sept, les orgasmes volés au quotidien des jours dans les sous-bois printaniers ou les chambres d’hôtel borgne, plutôt que d’aller s’enferrer dans des procédures sordides, et surtout -pour les malades de la morale sociale - plutôt que de devoir montrer à tout le monde leur désamour et avouer devant un magistrat qui n’en a cure que leur compagne ou leur compagnon ne les fait plus bander !
La bandaison, papa, ça n'se commande pas !
Vil ! Affreux !
C’est ça, qu’ils veulent donc les homos pro-mariage ?! Aussi cons que les hétéros les plus normatifs. A la recherche d’une feuille d’impôts plus avantageuse, d’une sécurité sociale à deux têtes, d’un droit à crédit plus clément, d'une pension de réversion. Bref, que de l’amour dans tout ça !
Tenez, je suis tombé l’autre matin sur un ancien courrier, très personnel. Le courrier d’un avocat qui me disait gentiment : "le fait d’avoir vécu en union libre pendant 27 ans avec une personne ne vous donne droit à aucune indemnité ni prétention à ce que vous avez pu construire avec cette personne pendant cette période. "
C’est clair… Le législateur s’en fout de vos amours, de comment vous assumez votre bonheur. Ce qu’il veut, sous couvert de générosité et d’ouverture d’esprit, c’est vous avoir dans sa pogne en inscrivant sur son état civil votre petite cellule économico-familiale.
Le numéro de SIRET et le chiffre d'affaires de votre SARL du sexe, c'est ça qui l'intéresse.
Alors, législateur et homo, faites donc ce que bon vous semble. Toi, tends-lui les chaînes qu’il te réclame à grands cris et toi empêtre-toi à ta guise dedans, mais, de grâce, foutez-nous la paix avec vos élucubrations de faux-culs !
10:22 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
Il n'y avait que vous pour le dire aussi clairement !
Écrit par : Georges | 06.11.2012
Peut-être que parce que "ce qui se conçoit bien....". Mais je ne pense pas être le seul capable de le dire sans ambages. Heureusement d'ailleurs.
Écrit par : Bertrand | 06.11.2012
À force de goût pour le fichage, j'attends avec patience, le moment où il faudra à une personne homo divorcée, donc sexuellement fichée par la procédure du mariage, requérir la permission de se marier avec une personne hétéro, et inversement.
Si le combat pour le PACS paraissait intelligent, histoire de ne pas se trouver à la porte du jour au lendemain par les héritiers d'un cothurne (indépendamment de son sexe), autant le combat pour le mariage est emblématique d'une rétrogradation sans nom qui se déroule au mépris de l'histoire de l'avancée sociale qu'a engendré le combat pour l'union libre dans les années 60 et 70.
Quelles autruches !
Écrit par : ArD | 06.11.2012
Et même André Gide en rigole, c'est dire !
Écrit par : Alfonse | 06.11.2012
Chère ArD, merci de votre lecture : c'est exactement ça. Ce besoin de procédure, cette exigence de cadrer les amours, quels niais ! On voit que le droit à la différence, le droit d'aimer par-delà le code civil est joliment bafoué. Et par qui ? Par des gens qui, a priori, ont déjà socialement assumé leur différence vis-à-vis des morales conventionnelles. Quels idiots ! Les cris de vierge effarouchée de l'UMP et de l'église catholique montrent, de mon point de vue, à quel point tous ces gens confondus, gardiens de la morale, législateur et homos en quête de mariage sont à côté de la plaque humaine.
Reculons, reculons, nous finirons bien par arriver dans les ténèbres de nulle part !
Alfonse, sûr que Gide doit être plié en deux. Et que dire de Jean Genet et des autres ?
Écrit par : Bertrand | 07.11.2012
Pas mieux.
Écrit par : Moons | 09.11.2012
J'adore le billet : oui c'est le normatif que les homos recherchent. Mais je pense que ça peut se comprendre : avoir été considéré comme anormal pendant des millénaires peut justifier qu'on ait envie de devenir monsieur Tout-le-monde.
Mais je pense aussi qu'ils verront les choses autrement quand ils découvriront les joies du divorce.
Écrit par : Rosa | 10.11.2012
Ah, Moons, on peut toujours faire mieux...
Hé oui, Rosa, la différence qui cherche à se fondre dans la masse des institutions, voilà bien une avancée qualitative !
Écrit par : Bertrand | 12.11.2012
salut bertrand, j'ai lu ça aujourd'hui et ça m'a fait penser à ton écrit :)
juste pour dire que d'autre aussi peuvent l'écrire, mais trop rarement cependant
"Le mariage pour personne !"
Lettre ouverte à François Hollande
"Vous, président de la République, qui n’êtes même pas marié à votre âge, ayez le courage de vos opinions !
Ces chaînes conjugales que vous avez toujours refusées pour vous-même – malgré de belles occasions ! -, ne les étendez pas arbitrairement aux catégories de la population jusqu’alors préservées par la loi.
En tant qu’homme de progrès, allez jusqu’au bout de votre logique émancipatrice en abolissant pour tous cette institution contraignante et hors d’âge !
Vous, président de la République éclairé, brisez enfin ce vieux carcan du mariage, devenu insupportable avec l’allongement de l’espérance de vie !
De grâce ne vous abritez pas derrière les mots d’« égalité » et d’« amour » : l’amour est inégalitaire, hélas, autant qu’il est libertaire. « L’amour est enfant de Bohême, qui n’a jamais-jamais connu de loi », comme disaient Meilhac & Halévy. « Ne gravons pas nos noms au bas d’un parchemin », chante en écho Brassens.
Le mariage est le contraire du sentiment amoureux, enivrant et volatil : un astreignant et interminable CDI !
Oui à l’égalité, à condition qu’elle soit un progrès pour tous ! Les gays ont toujours été en avance d’une tendance ou d’un décalage. Au nom de quoi figer leurs amours dans un cadre bourgeois hérité du XIXème siècle le plus hypocrite ?
L’avancée sociétale, la vraie, c’est l’inverse : débarrasser aussi les hétéros de cette institution, dont ils ne se savent même plus pourquoi ils l’ont épousée !
Vous, président de la République normal mais avancé, montrez-nous la voie de l’Avenir, qui s’appelle émancipation pour tous !
Au nom de l’Égalité dans la Liberté, il est temps d’abolir cet esclavage mutuel qu’est le mariage. L’heure est venue de proclamer la séparation des sentiments et de l’État !
Accessoirement c’est votre intérêt, en ce moment, de marquer les esprits par une grande réforme sociétale qui fasse oublier le reste."
Basile de Koch
publié par causeur.fr
Écrit par : jacky | 10.01.2013
Merci, Jacky... C'est un très, très beau texte, avec lequel je suis complètement en phase.
j'aurais aimé l'écrire.
Écrit par : Bertrand | 11.01.2013
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