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28.08.2012

L'enracinement de l'exil - 11 -

littérature

L'histoire - 2 -

Le Reich nazi pris entre deux étaux marchant l’un à la rencontre de l’autre, celui des troupes occidentales et celui de l’Armée rouge, Churchill aura beau affirmer que d’accord, on serrerait la main des Russes, mais le plus loin à l’est possible, le rouleau compresseur soviétique en route vers le soleil couchant depuis Stalingrad, arrivera avant lui à Berlin et sera le premier à planter son drapeau rouge au sommet du Reichstag.
Que l’opiniâtreté de l'Union soviétique, son esprit combatif, son immensité, ses plaines et son insoutenable climat aient été les victorieux de l’immonde machine nazie, ne fait aucun doute, sinon pour les révisionnistes occidentaux. Car c’est bien un poncif d’affirmer que si Hitler n’avait pas violé le pacte Ribbentrop-Molotov, pacte qui comportait la clause secrète du quatrième partage de la Pologne et qui fut et restera devant l’histoire la honte de tous les communistes, le 6 juin 1944 n’aurait su avoir lieu.
Le Reich se serait forcément écroulé, mais d’une autre manière et sans doute à plus long terme, laissant derrière lui une somme encore plus effroyable de crimes et l’ampleur de l’holocauste eût été encore plus hallucinante.
Certes, tout cela est archi-connu. Ce que l’on sait peut-être moins - ou peut-être fait-on simplement mine de l’avoir oublié - c’est qu’en février 45 à Yalta, Staline et sa diplomatie arguaient du fait qu’ils avaient été agressés deux fois, en 1914 et en 1941, et que, cette fois-ci, chats échaudés n'aimant pas trop l'eau froide et puisqu’ils avaient tous les atouts en main pour imposer leurs vues ( l’Armée rouge n’était plus qu’à une centaine de kilomètres de Berlin), ils exigeaient qu’entre eux et l’Ouest, après la victoire, soit dressé un rempart de protection, c’est-à-dire, en plus clair, que les territoires qu’ils auraient libérés deviennent leurs vassaux.
Américains et Anglais n’avaient plus qu’à baisser leur pantalon et à faire le dos rond, comme ils l’avaient toujours fait -
pour le sanglant Katyń notamment -devant l’ancien séminariste devenu le maître absolu du Kremlin.

Staline partageait avec Hitler, entre beaucoup d'autres choses dont un antisémitisme féroce, un sentiment commun envers les Polonais : la haine.
Pour l’un et l’autre, c’était là un sous-peuple, un peuple de dégénérés, voué à être dominé et l’esclave des puissants. Hitler avait fait de la Pologne le cimetière le plus démentiel et le plus démoniaque de l’histoire des hommes, Staline en fera sa proie de prédilection après 45, exigeant que le pays soit gouverné par des  amis sûrs de l’Union soviétique et donnant à sa conquête de toute l’Europe centrale une assise militaro-juridico-politique, sous le nom glorieux de Pacte de Varsovie.
La Pologne, anéantie de 1795 à 1918, dévastée à partir de 1939, ensanglantée et torturée comme aucun autre pays ne le fut par les Nazis, se voit donc libérée par un libérateur qui la hait et qui a décidé de la saigner à blanc. Il est assez éprouvant pour la mémoire de se rappeler que les camps de concentration à peine libérés aient vu leurs baraquements aussitôt réutilisés pour qu’y soient enfermés et réduits au silence tous les résistants et patriotes polonais qui avaient combattu le nazisme et espéraient reconstruire une Pologne polonaise.
Il s’agissait pour Staline de faire le ménage avant d’installer là son gouvernement fantoche, à la tête d’une République populaire de Pologne.

Le pays ne retrouvera sa dignité que quelque cinquante ans plus tard, totalisant en tout et pour tout, 1919/1939, vingt ans de liberté depuis Louis XV ! Il sera d’ailleurs le premier, dans le bloc dit de l’est, à secouer le joug, le premier à imposer de haute lutte à son oppresseur des élections libres et des syndicats libres, bien avant la chute du mur.
Pour cette raison, cette chute ne signifie rien pour les Polonais. Elle n’est qu’un symbole, qu’une image superficielle pour consommateurs d’histoire. Ils avaient déjà fait craquer l’ogre soviétique, avaient déjà payé cette chute du mur au prix fort, emprisonnés ou tués, et subi l’Etat de guerre décrété le 13 décembre 1981, en donnant ainsi une image qui s’accroche encore au monde, celle d’un pays exsangue, affamé, privé de tout et où il fallait attendre des semaines et des semaines avant de pouvoir prétendre s’acheter le moindre morceau de viande.
1981, messieurs-dames !  C'était hier... Que dis-je ? C'était il y a une demi-heure à peine !

Si je vous raconte tout cela, - que peut-être vous savez déjà - dans un texte ayant trait à mon exil personnel, c’est parce que chaque 1er septembre, à midi pile, quand toutes les sirènes se mettent à mugir comme si elles pleuraient des larmes intarissables, comme si elles lançaient aux cieux la douleur d'une plainte qui n’en finit pas de jaillir d'une blessure qui ne se referme pas, j’ai le cœur qui tremble et je suis saisi par une émotion de forte compassion, avec, au fond, un puissant sentiment d’amitié pour cette terre et ce peuple, moi l’exilé occidental dans ce pays mis en ruines pendant des siècles et à qui les puissants d’Europe ont voulu tour à tour tranché le cou.
C’est cela, entre autres, que je voulais vous dire sur la page précédente en vous disant que je vivais mon interprétation du monde (acquise dans une conscience collective) au sein d’une conscience collective qui n’était pas la mienne.
Qui ne pouvait être la mienne.
Et je ne m’éloigne ainsi nullement de ma question initiale : est-ce que ton pays te manque ?

11:48 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

te suis reconnaissante pour ce rappel douloureux, d'évènements connus de tous mais que l'on n'a pas forcement en tête , abreuvés que l'on est de trucs insignifiants ou même préoccupants à un moment donné. J'aurai une pensée le 1er septembre pour ces gens qui t'entourent et dans lesquels tu te fonds.
Anne-Marie

Écrit par : Emery Anne-Marie | 29.08.2012

Merci, Anne-Marie. Ce sont, il est vrai des trames connues. Ce que j'essaie de dire c'est comment on les revoit, " sur le terrain", si j'ose. Comment on est sur "la géographie de l'histoire."
Amitiés.

Écrit par : Bertrand | 30.08.2012

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