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16.03.2011

Tristesse

Centrale.jpgNeige doucement  fondue, dernières pellicules de glace qui résistent encore à fleur d’étang,  chants encore timides des premières grives, un vol de cigognes, ciel qui n’a plus la couleur attristée de l’hiver.
On aurait envie de laisser monter en soi toute cette sève des choses, comme à chaque passage à ce point précis du cercle. On aurait envie d’affirmer encore et encore que le temps qui nous est imparti de ce côté-ci des étoiles est un temps merveilleux, qu’on soit Paul ou qu’on soit Jacques, misanthrope ou incorrigible amoureux des hommes.
Mais le cœur n’y est pas. Le printemps a la tenue d’un décor posé sur un monde résolument dramatique.

De l’autre côté de la Méditerranée, tout un peuple que soulevait enfin l’espoir, est abandonné aux couteaux de son étrangleur. Sa gorge ne sera bientôt plus qu’une béance aux chairs pendantes. Honte ! Honte pour l’éternité jetée à la face des puissants ! Ce sont des frères qu’on assassine. Nous ne savons pas leurs vues, leurs sentiments, leurs idées d’eux-mêmes. Que nous importe : ils ont pris les armes contre leur dictateur et devraient mériter notre secours et respect fraternels. Qui qu’ils soient.
Ingérence ? Taisez-vous, abominables que vous êtes ! Taisez-vous ! Vous vous ingérez partout, sans morale ni éthique, sans crier gare et sans état d'âme, quand votre soif de domination, de profit et de puissance monétaire est à étancher !

Et puis, là-bas, sur l’archipel de l’Orient, la vieille terre qui s’est secouée, a tué, et le monde une nouvelle fois menacé par les manipulations scientifiques de l’infiniment petit.
Pour ou contre le nucléaire ? Question idiote s’il en est. Question d'imbéciles. Infantile. Question sans  fondement. Question hors-sujet. Question pour faire voir qu’on a des choses dans sa tête alors qu’on est plat comme une limande,
face aux complications du monde.
Le nucléaire est dangereux comme l’est - sur une échelle plus grande, plus frappante, plus apocalyptique parce que d’un coup d’un seul fortement meurtrier et qu’il hypothèque alors la santé humaine à long terme - la cigarette que j'ai au bec, la vitesse sur route ou autoroute, la consommation excessive d’alcools.
Je n’aime que modérément les chiffres. Ce qui, in fine, est en partie snob et légèrement débile. Donc : la voiture tue un million et demi de personnes dans le monde chaque année et en blesse quarante fois plus ! Depuis Tchernobyl, la voiture, votre voiture messieurs-dames, la mienne,  a donc  tué 37 millions d’individus. A titre indicatif, la Pologne compte 38 millions d’habitants.
Vous êtes pour ou contre la voiture ? Ridicule !

Le nucléaire est une énergie fondamentale. Au sens profond, étymologique. Pas grand monde pour se soucier d'ailleurs de sa dangerosité quand il allume au quotidien son convecteur, se branche sur internet, éclaire ses mouvements, se sert de ses outils domestiques, consomme des produits fabriqués par des machines électriques.

Le drame est ailleurs. Le drame est dans la maîtrise des hommes sur cette formidable énergie que leur cerveau a su arracher aux principes mêmes de la matière.  Le drame est que la planète est elle-même une force que les hommes ne maîtrisent pas et ne maîtriseront jamais. La planète explosera quand, scientifiquement, elle aura vécu son temps. Qu’elle soit habitée par des hommes ou non.
Or, elle tremble régulièrement, s’ébroue, et les hommes, grimpés sur son dos comme le sont les puces sur celui des chiens, s’en trouvent forcément et fortement bousculés.
Le drame est dans l’instabilité permanente, vivante,  de l' habitat humain.

Fallait-il donc construire des centrales nucléaires, plonger au fond de la matière pour en extraire la substantifique moelle et tâcher de doter l’humanité de réserves énergétiques inépuisables ?
Oui. Je dis oui sans une seconde d’hésitation.
A mon sens, ceux qui répondent non sont des babas cools attardés, qui s’ignorent, genre qui diraient qu’il fallait laisser les chevaux attelés aux diligences parce qu’un être qui leur était cher a trouvé la mort dans un accident de la circulation.

Des erreurs monumentales, des contradictions de l’intelligence, des négligences nées de la recherche exclusive du profit,  ont-elles été commises dans la mise en place et le  maniement de cette énergie ?
Oui. Sans  aucune hésitation.
Ceux qui répondent non sont des puissants intéressés par le lucratif et aucunement soucieux du  confort de l’humanité.

Reste la tristesse, la détresse, la compassion du cœur et de l’âme face au drame du Japon, drame de l’humanité, drame et catastrophe de la fusion des erreurs humaines, du génie humain et des caprices de la planète, voyageuse du cosmos.

J’habite à deux-cent-cinquante kilomètres, à vol de nuage radioactif, de Tchernobyl.
On m’a raconté un  peu.
Je pense aux japonais meurtris dans leur vie.
Je pense aux Libyens bientôt vaincus.
Je ne pense pas au printemps.

10:19 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

merci - vous me donnez les mots

Écrit par : brigitte Celerier | 16.03.2011

merci tu dis notre sentiment devant l'abominable, tu dis ce qui coupe tous nos élans ces jours-ci et moi, je ne savais pas le dire aussi bien. Anne-Marie

Écrit par : Anne-Marie Emery | 16.03.2011

Désarroi, simplement...
Amitiés à vous deux

Écrit par : Bertrand | 16.03.2011

Cher,
Je suis dans le même état d'esprit que vous sauf sur un point, le nucléaire. Le nucléaire est le point limite de l'arrogance technocrate. Quelques arguments: il y avait d'autres solutions techniques à l'indépendance énergique qui ont été négligées pour beaucoup de raisons mais dont la principale est qu'elle ne permettaient pas d'installer les péages centralisés que permet le nucléaire et encourageaient au contraire une relative autonomie.(éoliennes, photovoltaïque, géothermie, hydraulique, biomasse)Comme c'est l'habitat(43%) et le transport (31%) qui consomment de l'énergie. Le nucléaire fournit 80% de l'électricité pas de l'énergie globale. Ce n'est pas un délire de bobo que de considérer que le nucléaire est une impasse. Technique dangereuse, de court terme, ruineuse (le coût du démantèlement n'est pas inclus dans le coût actuel et sera transmis aux générations futures) génératrice de déchets hyper nocifs et last but not least est une technique totalement soumise à l'obligation sécuritaire.
Ce qui se passe au Japon est terrible, mais partout où se trouvent des centrales les aléas représentent une menace qui agit plus ou moins sur l'esprit de ceux qui les côtoient. Enfin le marché de l'uranium comme tout ce qui touche l'extractivisme génère des trafics plus que dangereux.
Bref, nous ne sommes pas d'accord, ça ne m'empêche pas d'apprécier ce blog où je viens régulièrement même si je m'y exprime rarement

Écrit par : Zoë Lucider | 16.03.2011

Ce ne sont pas des négligences qui naissent de la recherche exclusive du profit, mais bien des stratégies meurtrières.
Comment une nation comme la nôtre peut s'offrir le luxe de perdre une vie toutes les heures et soigner un polytraumatisé toutes les dix minutes, ne serait-ce que sous l'angle de l'approche économique ? Pourquoi Monsanto a la mainmise sur 75 % des semences et donc la voie ouverte pour assassinat aux OGM ? Pourquoi l'obsession de l'indépendance énergétique ne passe que par la création de nouveaux besoins et de leur satisfaction qui exclut quasiment toutes les énergies passives (pourquoi, même les logements sociaux sont-ils chauffés à l'électricité et non au solaire ?, pourquoi les transports en commun sont-ils à ce point méprisés au profit du développement de la bagnole ?).

Le prochain chapitre concernera les dégâts à prévoir par l'exploitation des gaz de schistes pour laquelle les autorisations commencent à être délivrées.

La sensation fallacieuse de liberté se paie cher, au prix de vies humaines. Alors s'opposer au nucléaire, ce n'était pas être baba cool attardé, c'était anticiper sur la résultante de toute stratégie de lobbying.
«La liberté commence là où finit la connaissance (Sauvan)». Imposer l'ignorance du risque revient à préméditer le meurtre de l'homme qui se pense libre.

Écrit par : ArD | 17.03.2011

Zoé,
J’entends bien ce que vous dites-là. Le point d’achoppement est peut-être dans la manière dont je me suis exprimé avec « babas cools attardés ». Effectivement, c’est « un peu beaucoup trop fort.»
J’y ai mis de mon propre dépit.
Tout d’abord, laissez-moi vous dire que je ne suis pas un prosélyte farouche de l’énergie nucléaire en tant que telle et que j’ai bien conscience que ces choix - qui ont une soixantaine d’années il est important que je le souligne pour la suite de mon argumentation - peuvent s’avérer être le fléau suprême que devra affronter l’humanité.
Nous le savons tous et depuis trop longtemps… J’étais souvent du côté de Toulouse et de Montauban à l’époque de Golfech et bien sûr que je me suis mêlé de la bataille qui s’organisait autour de la construction de la centrale, avec les habitants du crû et d’autres un peu moins du crû.. Tout ça en pure perte. Comme tous les combats menés à l’époque. Ces défaites successives nous ont conduits, qu’on l’admette ou qu’on fasse la sourde oreille, aux impasses que connaît le monde actuel, à tous les points de vue, parce que c’est le cœur même de notre volonté d’existence joyeuse sur cette planète qui a été bafoué. Les idéologues d’en face, ceux qui traitaient la révolte comme n’étant qu’une émanation de chevelus haschichins, de voyous déstabilisés, avaient noms gaullistes, socialistes, communistes, voire communistes d’extrême gauche. Bref, ceux que vous retrouvez aux commandes aujourd’hui, soit qu’ils soient pilotes de la barque, soit copilotes (opposition officielle d'état) ou dans des collectivités locales.
La suite on la connaît. Nous n’avons plus rien maîtrisé de la marche du monde vers son inhumanité désastreuse et nous avons vécu chacun notre train-train avec des Apaches de notre acabit sans plus guère nous mêler des grandes manœuvres.
Ce squelettique rappel historique, Zoé, pour signifier que nous ne sommes pour rien dans cet état de fait et que le regard que je jette sur les turpitudes actuelles est un regard de vaincu. Si l’énergie nucléaire - dont je répète qu’elle est en soi une avancée technologique pharamineuse, en soi - a été le choix stratégique prédominant, c’est parce que les peuples abrutis n’ont pas su, au départ de l’enchaînement, s’opposer à ces choix, et qu’ils ne se sont jamais conduits en citoyens du monde. Tout comme ils n’ont pas su s’opposer à l’organisation globale de leur vie sous la houlette de l’idéologie économique. Je suis encore de ceux qui le déplorent profondément et le vivent très mal. Mais je le vis.
Je parle donc d’un état de fait, de l’état actuel d’un monde dans lequel j’aurais passé ma vie et si après soixante ans de silence et de sourd profit individuel, les catastrophes que nous envisagions dès le départ s’avèrent hélas participer de la réalité, ça n’est pas le nucléaire qui est en cause, en tant qu’exploitation de la matière par l’intelligence humaine, mais la lâcheté pérenne des hommes qui n’ont su écouter que la voix de leurs maîtres et ne se soucier que de leur petite accession à la propriété pendant que dans leur dos on assassinait l’avenir.
Alors s’opposer aujourd’hui au nucléaire, c’est un peu se conduire comme ce somnambule qui, plutôt que de s’inquiéter de sa santé et de son stress, accuserait la nuit de tous ses maux.
Voyez Zoé, que nous ne sommes pas si en désaccord que ça.
Seulement vous espérez encore une solution (sortir du nucléaire par exemple). Je n’en espère aucune depuis longtemps sachant que les hommes en sont à ce stade de leur intelligence où ils fuient leurs erreurs pour avoir l’occasion d’en commettre de plus grosses encore.
Avec six milliards d’individus sur la boule bleue, avec le stade de consommation aliénée dans lequel on a plongé ces milliards de bipèdes, aucune des énergies renouvelables proposées, pour sympathiques qu’elles me soient, n’est en mesure de leur fournir ce qu’ils demandent, à moins, à moins, à moins…. que nous consentions à en revenir à des préoccupations néolithiques, humaines. Mon rêve. Mon irréalisable utopie. Presque ma folie.

Et j’ajoute, hors sujet, que je vais souvent m’ombrager à l’ombre de l’arbre à palabres. Il faudra d’ailleurs peut être envisager un vase communiquant un de ces premiers vendredis du mois.
Cordialement

Ard,
En répondant à Zoé, je vous ai en partie répondu. En tout cas j’ai répondu, à ma façon, à toute la série de pourquoi. D’ailleurs les réponses étaient plus ou moins incluses dans vos questions. Vous n’êtes pas sans savoir que je déplore ces réponses sous-jacentes, mais, je le répète, c’est dans ce monde d’erreurs que j’essaie de vivre sans me suicider et on ne me fera plus le coup de « on va changer le monde. .» Plus assez costaud pour porter en moi un tel espoir. Comme idée, oui je veux bien. Le propre des idées, c’est de ne pas encombrer trop la cervelle.
Je rebondis quand même sur cette citation de haute tenue : "La liberté commence là où finit la connaissance." C’est, à mon avis, exactement le contraire, l’ignorance ayant jusqu’à ce jour été le principal forgeron de nos chaînes.

Amitiés à vous deux.

Écrit par : Bertrand | 17.03.2011

Si l'on entend par fin de la connaissance le début de l'ignorance, je lis dans cette citation de Sauvan exactement la même chose que vous et signifiais que l'entretien de l'ignorance par les pouvoirs est une arme fatale.

Écrit par : ArD | 17.03.2011

Alors, il eût été plus judicieux, afin de ne point faire de nous des ignorants, d'écrire : La liberté commence là où finit l'ignorance.

Écrit par : Bertrand | 17.03.2011

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