14.08.2011
La grand' terre de nos grands-pères
Je vis en terre étrangère. C’est comme ça qu’on dit.
Encore un abus de langage. Un triste abus de langage.
Une métonymie incongrue peut-être. Un raccourci fautif.
Car je n’ai jamais vécu en terre étrangère. Vous non plus d’ailleurs. A moins que vous n’ayez vécu, petits et petites cachottiers (ères), un exil sur Mars ou sur la lune.
Selon mon entourage le plus proche, c’est là que j'habite quand je suis en exil.
Pas en Pologne mais sur la lune.
Je suis souvent dans la lune, paraît-il. Avec mes pieds qui touchent pourtant bien par terre.
Et pas une terre étrangère.
Je la connais depuis mon premier vagissement, cette terre. Elle a les mêmes senteurs humides des fins d'été que dans la Vienne ou le Poitou-Charentes. Au ciel sont les mêmes nimbostratus, les mêmes flocons blancs sur fond d’azur, les mêmes arbres qui se balancent au vent, les mêmes rivières qui coulent dans le même sens sur les mêmes prairies, les mêmes vols d’oiseaux, le même air, la même course du soleil, quoique décalée, les mêmes crépuscules du soir ou du matin.
Cette nuit, je me suis réveillé…La pleine lune frappait aux carreaux et se répandait au sol, se glissait en silence sous la bibliothèque. C’était la même pleine lune que si j’eusse été endormi à Angoulême.
C’est là ma terre, celle que j’aime. C'est mon vaisseau spatial dans le grand mouvement des choses.
Ce sont les gens qui sont étrangers. Parce qu’ils n’ont pas les mêmes sonorités que moi pour dire le monde et qu'une chose toute simple qui me paraît vraie ne leur semble pas forcément exacte, et vice-versa.
Mais ils étaient sous ce coin de ciel bien avant moi.
C’est donc moi l’étranger. De fait.
La notion d’étranger, c’est la loi du premier occupant. C’est peu et c’est énorme.
Et ça le restera tant que les charters et les rafles de Roms, comme toutes les rafles de l’histoire, resteront inscrits dans les cerveaux du monde comme les crachats dégoutants de la loi du premier occupant.
Préhistoire humaine.
Il manque en fait à cette terre la première ligne, les premiers mots, d’un véritable contrat social entre tous les hommes.
Autant dire qu’il lui manque tout pour être dignement habitée.
07:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
"Il manque en fait à cette terre la première ligne, les premiers mots, d’un véritable contrat social entre tous les hommes.
Autant dire qu’il lui manque tout pour être dignement habitée."
Belle phrase... Désespérément belle !
Écrit par : stephane | 01.09.2010
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