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16.03.2012

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littératureVous écrivez.
Sur ce blog de l'immédiat ou, plus solitaire, pour des projets toujours échaffaudés sur le mode spéculatif,
au milieu de votre forêt que les neiges recouvrent, que le printemps revigore, que de violents orages bousculent ou que l’automne enlumine de pourpre et de jaune.
Vous écrivez et vous lisez.

Votre rapport au monde et à vous-même passe forcément par là. Il est médiatisé par les mots muets. Vous ne parlez plus guère.

Il n'y a pas si longtemps, vous étiez en compagnie de Lucien Leuwen…Quelle drôle d’idée tout de même ! Vous avez un goût certain pour l’inachevé : sitôt après Lucien Leuwen, vous aviez dévoré Lamiel, c'est dire !

Vous avez aussi
récemment relu pas mal de vos textes écrits ces dernières années. Aucun ne vous est apparu achevé, justement. Des ébauches. Est-ce qu'un texte peut finir par vous paraître achevé ? Un texte de vous.
Mais il est vrai que vous avez dit par ailleurs que l’écriture était en décalage, comme la lumière des étoiles mortes depuis des siècles. Comme aussi une voix depuis longtemps émise, qui a fait son voyage autonome sur la plaine et qu'un écho que l'on n'attendait pas renvoie soudain. Vous avez même dit à un sympathique journaliste, dans le Poitou, que votre littérature était peuplée de fantômes, certains mêmes dont vous n'aviez pas considéré important de croiser leur chemin vivant.
Et que l'éloignement géographique convoquait ces fantômes.
Dès lors, vous considérez que c'est pure vanité que de vouloir se dire et que de lire des pages nées d'un décalage, les lire au plus-que-passé donc, enflait encore
le contraste et donnait cette impression d'inachèvement perpétuel.
Normal. Les fantômes ne reviennent jamais deux fois sous le même habit. Vous l'ignoriez ?
N’empêche.

Vous n’écrivez que vos silences et ne lisez plutôt que des morts : depuis que vous ne vivez plus dans votre pays, vous avez relu au moins une cinquantaine de classiques. Vous projetez même de relire, pour la troisième fois en vingt ans, Guerre et paix !
Si on vous demandait pourquoi, vous ne sauriez pas répondre. Sinon qu'un désir ne se prouve pas.
Vous ne serez donc jamais un contemporain. Un exilé, fût-il volontaire, ne peut pas être un contemporain, ni dans sa lecture, ni dans son écriture. Trop de choses de ce qui l'a poussé hors de ses frontières culturelles ne lui semblent pas assez claires pour qu'il ait encore l'énergie de se fourvoyer dans l'éphémère esprit du présent.
Trop de choses aussi sont restées en gestation et trop ont été abandonnées aux débâcles.
Ne relisez donc jamais ni la lumière de vos étoiles ni la voix de vos fantômes sans avoir à l'esprit qu'un sillon creusé deux fois semble toujours infertile au laboureur.

08:47 Publié dans Apostrophes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Je continue à vivre d'une façon farouche en rêvant de choses extravagantes...
(Flaubert à à Jules Duplan, 25 septembre 1861)

Écrit par : Alfonse | 16.03.2012

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