09.10.2009
Cigogne qui claque du bec !
- Dans un couple à longue histoire, quand un, ou une, décide de s’envoler vers de plus vastes horizons, c’est un mort inachevé qui parle. Un ou une qui « ne reconnaît pas le bien-fondé de son trépas » et exige que soit réintroduite la poésie dans sa vie.
- On ne devient pas poète. On naît poète. Pas génétiquement bien sûr, ce serait effrayant et idiot.
On naît poète comme le chiendent pousse sur certains sols et pas sur d'autres.
Après seulement intervient l'être et le devenir : On laisse chanter ce poète ou on lui tord le cou.
- Le poète est souvent amoureux de l'impossible. Il n'est guère payé de retour.
- La poésie c'est le monde sans ses fonctionnalités. Autrement dit, les fleurs sans la botanique, l'amour sans la gynécologie et la mélancolie sans la psychologie.
- La poésie n'a pas de rôle en dehors de celui qu'elle s'assigne elle-même. C'est sa lecture qui a un rôle social.
Et il n'y a là-dedans aucune dialectique de la poule et de l'oeuf, tant il arrive souvent qu'on ne lise pas exactement ce qu' écrit la poésie.
- Le poète aime écrire parce qu'il ne sait guère discuter calmement.
Comme d'autres aiment discuter parce qu'ils ne savent pas écrire calmement.
- Le poète sait trop qu'il n'y a guère que des pigeons n'ayant jamais su voler plus haut que leur perchoir pour croire qu'un seul battement de leurs ailes puisse les projeter jusqu'aux nuages.
- Un ami très proche, un jour aux prises avec les tourments de l'amour resurgi impromptu sous ses pas débonnaires, m'avait ingénument demandé, dans son désarroi, ma conviction du bonheur.
- C'est l'absence de tourments, avais-je assuré.
C'était une réponse de poète et ça ne l'avait pas beaucoup aidé.
- La belle écriture est celle qui a la précision d'une partition, celle qui ne prête pas à la cacophonie des interprétations.
Elle se situe bien au-delà du style.
- Je ne conçois de poésie que subversive.
C'est une lecture de mon parcours. Conception réductrice ?
L'histoire inclinerait en effet à ne me donner que très partiellement raison.
- Le poète qui devient riche ou (et) qui compose avec les douloureuses aberrations sociales n'en cesse pas pour autant d'être un poète.
Qu'il en souffre ou non est du domaine de l'intime et, en dernier ressort, de l'éthique intime.
- La vie d'un poète - dans ce que j'en pressens - est forcément en dents de scie, chaotique, décalée à l'intérieur, voire partout.
Ce qui ne signifie pas que toute vie chaotique soit celle d'un poète. Sans quoi les conditions pitoyables d'existence imposées par le monde n'auraient produit que des poètes.
Ce qui depuis longtemps l'aurait conduit à sa perte.
- Je pense la poésie comme étant très accessoirement une écriture et essentiellement un art de vivre sa vie.
Encore une évidence qu'on se refuse à brasser. Bien évidemment.
- L'amour qui ne convoque pas chaque matin une muse à son chevet, sombre dans l'institution.
- Quand les poètes se feront des voyous et les voyous des poètes, l'espoir aura peut-être une chance de changer de camp.
Mais pour avoir fréquenté, voire aimé, les uns et les autres, je peux prédire que c'est pas demain la veille !
- Le poète n'entend rien aux chefs-d'oeuvre : Il n'est guère que des imbéciles faisant les intellectuels et des intellectuels faisant les imbéciles pour s'extasier devant un chef-d'oeuvre.
- Mon regard n'a rencontré qu'un seul chef-d'oeuvre de détresse poétique : dans les yeux d'un condamné à mort.
- Un homme qui lit peut se dispenser d'écrire. Fort heureusement.
Mais un homme qui écrit et qui se dispenserait de lire serait comme un muet qui tenterait de s'égosiller.
- Je demande à mon écriture de me ramener chez moi, à mes lectures de me conduire chez les autres.
Mais il arrive souvent que les rôles soient inversés.
- L'éternité est une dimension de la poésie confisquée, dénaturée, désamorcée par les religions et leur dieu totalitaire..
L'éternité, au regard de l'univers, n'admet pas d'être régentée. Admettre Dieu, c'est admettre une fin arbitraire, entendue comme objectif et limite, à l'éternité poétique, au même titre que d'admettre comme souveraine la seule matière connue des hommes comme principe fondamental de l'éphémère.
Pour le poète, Le matérialisme et le déisme sont deux garde-fous complices d'une même tentative de conjuration de l'angoisse de l'impensable.
- L’imagination est une autre dimension du réel. Par-delà cette imagination sont les inconnues que j’appellerais volontiers, n'ayant pas d'autres concepts à ma disposition, les abstractions vécues par la poésie.
- Ce que nous appelons le réel n'est que la dimension de nos maigres possibilités.
- Un poète qui aurait toujours raison serait dégoûté, non pas d'avoir toujours raison, mais d'être poète.
- Le poète est sans doute celui qui lit le monde avec le magma qu'il porte en lui. Les mots sont ses lampes de chevet.
Quoiqu'il arrive souvent qu'il lise dans le noir....
- Le fondement de toute idéologie est la poursuite d'objectifs, clairs ou non-dits. La pierre angulaire de toute poésie est de marcher à l'aveuglette.
- Un poète qui séduit tout le monde ne plaît à personne.
- J'ai vécu certaines années dans un monde salarié et nous ne nous comprenions pas. Spontanément, on m'avait affublé d'un sobriquet. Le poète.
Ça n'était pas méchant, ça n'était pas gratifiant, ça n'était pas gentil non plus.
Je crois que ça voulait dire "l'Autre".
- Un poète qui sait dans quel lit il mourra est déjà mort.
15:33 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
On dirait du Cioran en plus tendre.
Écrit par : Feuilly | 09.10.2009
Je reviens de votre cave, où je suis allé lire les "Cogitations d’un gars qui comprend pas tout mais qui fait des efforts pour" d'août 2007. Du bon vin, pour la route.
Écrit par : solko | 11.10.2009
Maintenant, je verrais d'un autre œil la poésie et le poète.
Je suis une "technicienne très fonctionnelle" et quand vous dites "La poésie c'est le monde sans ses fonctionnalités. Autrement dit, les fleurs sans la botanique, l'amour sans la gynécologie et la mélancolie sans la psychologie."Je comprends mieux ce qu'est une poésie et je vais y être beaucoup plus sensible.
Et je sais où je suis
" Le poète aime écrire parce qu'il ne sait guère discuter calmement.
Comme d'autres aiment discuter parce qu'ils ne savent pas écrire calmement."
à la deuxième ligne mais ça me va.
Vous dites de belles choses et vous êtes rentrer dans ma "Pléiade" personnelle.J'imprime les textes que j'aime car je préfère lire des feuilles souvent dans mon lit le soir et c'est plus agréable de laisser glisser des feuilles qu'un ordi quand le sommeil vous prend.
Écrit par : La Zélie | 13.10.2009
Flatté, La Zélie, d'être de votre pléiade personnelle.
Bien cordialement
Écrit par : Bertrand | 13.10.2009
Quelle niaiserie...
Écrit par : dorota | 16.10.2009
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