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16.01.2011

L'esprit des lois

bastille.jpgToute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la loi.
Puis, comme la vie évolue,  l’idée a forcément évolué, dans ce domaine précis comme dans tous les autres, l’esprit étant un arbre à feuilles caduques, qui s’adapte à ses saisons sans pour autant renier sa qualité d’arbre.
Mais c’est bien connu, la caque sent toujours le hareng, l’arbre préfère mai à décembre et, en dépit de cette évolution, disons intellectuelle, raisonnable,  adulte hasarderais-je même, l’instinct est, pour moi,  toujours là qui commande au premier réflexe, qui se tient d’emblée sur ses gardes dès qu’on évoque la loi.

Erigée à partir de la Constituante de 1789 en principe révolutionnaire de la souveraineté d’un peuple – le pouvoir des urnes opposé au pouvoir d’un seul – quelque deux siècles plus tard, en ce qui me concerne, cette loi a été vécue, ainsi que par les êtres de mon acabit, ceux qui sont nés avec un pied bot social, qui n’avaient que très peu de chance et même pas du tout envie de gagner une compétition, ceux et celles plantés du côté de l’obéissance plutôt que du côté des faiseurs de décrets, comme l’expression coercitive chargée de protéger la propriété, la richesse, le pouvoir des nouveaux souverains, la morale judéo-chrétienne, l’étroitesse du champ d’expression et toutes les aliénations inhérentes à cette triste panoplie.
Sans doute écran de fumée d’une certaine idéologie, mais aussi pratique d’une vie. Ignorer la loi, ça n’est pas très grave, en dépit des écriteaux orgueilleux dont s’affuble la République où nul n’est censé l’ignorer. Mensonge éhonté d’un pouvoir falsifié ! Plus de 80 pour cent des électeurs, crétins  bêlants, ignorent à peu près tout des origines et des fondements de la démocratie qui fait des lois.
Passons…Ignorer la loi, donc, ça ne dérange pas grand monde. La combattre, là…
On y laisse des plumes sur les parois d’une cage. C’est la loi ! Qui combat la loi, doit être écarté pour protéger ceux qui ne la combattent pas. Moi, je pensais plutôt l’inverse.
La loi protège. Mais elle protège qui ?
J'ai invariablement et de façon lapidaire toujours répondu à cette question par : Le pouvoir en place. Et voilà bien l’erreur de parallaxe où mes engagements, mes sentiments, convictions et combats m’ont fourvoyé.
Car si je suis passé
bien des fois outre la loi qui voulait me barrer le chemin, m’interdire d’aller là où je voulais aller me balader,  j’ai également refusé, victime d’une certaine cohérence, qu’elle ouvre au-dessus de ma tête son parapluie, sous les intempéries les plus violentes comme sous les cieux les plus sereins.
Il m'a en effet toujours semblé que d'invoquer la loi pour faire valoir son droit - aller se moucher à la pélerine du chat fourré - était indigne, aveu d'impuissance, et que là où l’avocat parle à votre place et où le juge décide pour vous, l’anéantissement de la liberté individuelle est totale. Vous n'êtes plus rien, qu'un citoyen sans âme trimballé d'une plage à l'autre par les grandes écumes de la loi.
C’est sans doute philosophiquement très vrai. Nietzsche, en substance, affirme que l’homme ne  sera pleinement  humain que  lorsqu’il sera capable de se faire son propre avocat.
C'est pratiquement, que ça se gâte. Ainsi, ayant rejeté instinctivement l’aile protectrice du bon droit, n’ayant compté, utopie dévastatrice, que sur l’esprit humain  et de fraternité pour le définir au cas par cas, la loi m'a refusé bien normalement son secours  global et m'a dépouillé de la moindre prétention à la moindre parcelle de la moindre propriété.

Vengeresse d’avoir été méprisée, la loi, Hydre de Lerne sans l'ombre d'un Hercule pour la ramener à la juste raison,  s'est faite pour ma gueule Loi du talion.

Image : Philip Seelen

08:04 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Quand j'entends: «C'est mon droit» ou «J'ai le droit de...» je pense à la devise de la royauté d'Angleterre «Dieu et mon droit». Pffuitt... Bientôt mille ans de bêtise.
Pour le dernier §, humblement, je ne comprends pas. Il doit me manquer des références. Pourquoi: La Loi du talion?

Écrit par : Natacha S. | 16.01.2011

C'est un véritable instrument liberticide et de castration en effet. Les dix commandements suffiraient amplement, mais ils ne feraient pas bon ménage avec la loi du Talion, zut (!)

Écrit par : ArD | 16.01.2011

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