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01.09.2014

Pologne et présent

litélittérature,histoire,politique,écritureUne réponse exhaustive à trois fidèles lecteurs, amis de l’Exil des mots -  Feuilly, Solko et Michèle - commentant sous le texte précédent, «Pologne et Histoire», la nomination du premier ministre polonais à la présidence du conseil européen, eût été trop à l’étroit dans le cadre réservé aux commentaires.
C’est du moins ce qu’il m’a semblé car ces trois commentaires me montrent combien la conscience occidentale est encore très éloignée de l’esprit de l’Europe centrale en général  et de celui de la Pologne en particulier.
Je m’en réjouis, à tort ou à raison,  peu importe. Je m’en réjouis car je me réjouirai tant que le territoire où je passe le bout de voyage qui me reste sera autre chose qu’une simple notion météorologique, pour reprendre le mot d’Andrzej Stasiuk.
Même si, j’en conviens bien volontiers, parler de sa politique, au sens où s’entend la politique du marché électoraliste, n’est pas ce qu’il y a de plus passionnant pour aller à la rencontre d’un pays et lui donner une originalité qui vaille le coup qu’on s’y arrête.

Commençons donc par une description de l’échiquier politique de la Pologne, échiquier né, il y a vingt-cinq ans, de l’effondrement du communisme et ne perdons surtout pas de vue que cet effondrement, qui bouleversa la donne géopolitique au niveau planétaire, fut l’œuvre des Polonais portant les coups décisifs sur le mastodonte chancelant… Ce ne fut pas l’œuvre des Hongrois, des Tchèques, des Roumains ou des Bulgares, même si ceux-ci, dans des moments historiques moins propices, avaient aussi tenté de faire tomber le «Grand frère» étrangleur, en 56 pour la Hongrie, en 68 pour l’ex-Tchécoslovaquie.
Les Polonais, pour beaucoup, ont payé cher le retour à l’ère démocratique. Ça laisse des traces.

Quatre partis se partagent donc les faveurs des électeurs, au demeurant peu nombreux, toutes les élections se soldant par une abstention avoisinant les 50 pour cent.
Je mentionne d’abord deux petits  partis :
 - le PSL, vieux parti paysan, déjà présent à l’époque communiste et qui louvoie aujourd’hui pour être de toutes les coalitions, gouvernementales, régionales, départementales et communales, aucune majorité ne se dégageant nulle part lors des différents scrutins. Le plus vieux parti polonais. Genre les radicaux en France.
- La gauche,  peu nombreuse, on n’a pas beaucoup de mal à imaginer pourquoi dans un pays qui s’est appelé « République populaire » pendant 50 ans.

Passons aux deux grands partis. P.O, Platforma Obywatelsk, Plateforme civique, au pouvoir depuis 2007. Le parti de Donald Tusk. C’est un parti dit du centre-droit. Si on veut faire des analogies avec l’échiquier français – ce qui est toujours hasardeux - on pense au MODEM, le talent politique en plus. Je dis le « talent » parce que pour moi tout cela se situe au niveau de la représentation spectaculaire du réellement vécu des populations.
En second lieu, le parti de l’opposition, dit PIS, Prawo i Sprawiedliwość, Droit et justice, le parti fondé par les frères Lech et Jarosław Kaczyński, au pouvoir de 2005à 2007.
On s’en souvient trop bien. Les frères jumeaux se partageant le gâteau républicain, l’un premier ministre et l’autre président de la république1, coalition gouvernementale avec l’extrême-droite, Ligue des Familles et auto-défense, discours violemment anti-européen, russophobie poussée à l’extrême, éloge du général Franco à Bruxelles lors d’une célébration de l’abolition de la peine de mort, interdiction dans les écoles d’enseigner Gombrowicz et Dostoïevski, chasse aux sorcières par le biais de l’Institut de la mémoire nationale  pour débusquer les anciens communistes et leur interdire tout droit de se présenter à une élection… J’en passe et des meilleurs. Il me faut aussi dire que le PIS accuse toujours Moscou d’être l’auteur du crash de Smolensk qui couta la vie à Lech Kaczyński, alors président de la république, le 10 avril 2010, date anniversaire du massacre de Katyń. Le PIS, mené par Jarosław Kaczyński, flatte ainsi l’éternelle russophobie, surtout à l’est occupé pendant 120 ans par les tsars avec une russification à outrance, et y gagne en popularité.
Pour l’heure, sachez donc que ce charmant parti sera certainement au pouvoir fin 2015 et que là, ça risque de faire effectivement des flammes : anti Bruxelles, haine farouche des Allemands, haine non moins farouche des Russes, sentiment national exalté, homophobie caractérielle appuyée par l’Eglise, bref la Pologne isolée dans un étau, comme aux bons vieux temps dramatiques…
La Pologne décriée, mauvaise coucheuse et qui retourne droit dans le mur…
Pourquoi, me direz-vous,  ce parti revient-il au pouvoir ? Parce que Tusk, en dépit du boulot gigantesque qu’il a fait pour sortir son pays du marasme économique, subit l’inéluctable usure du pouvoir.
C’est  donc vous dire si la nomination de Tusk au conseil européen est ressentie ici avec une grande fierté. Je ne connais pas beaucoup de peuples qui ne seraient pas fiers – en tout cas pas celui des coqs gaulois - de partir d’un dénuement complet, avec des infrastructures complètement désuètes, pour arriver à ce statut en 25 ans seulement !
Notez bien - c’est absolument primordial - que je me situe là dans « l’esprit des peuples » et non dans le mien.
La France et les Français ne savent pas ce que c’est que le dénuement. Ceux qui l’ont connu sont de moins en moins nombreux puisqu’il remonte aux années 40 du siècle dernier. Ce dénuement a une réalité historique en France, un fantasme des temps anciens et des grands-pères chevrotants, alors qu’il est ici une réalité vécue. Les choses ne sont donc pas du tout vues de la même manière ici que là-bas.
Par ailleurs, la France et les Français sont gavés d’Europe et n’en peuvent plus de tous ses idéaux qu’on leur rabâche depuis 40 ans et qui devaient leur amener bonheur, paix et prospérité. Amen…
La France et les Français ont fait leurs comptes. Ils sont perdants. Ils sont  perdants parce que les autoroutes, les ponts, les grandes routes, les centre-bourgs, les ronds-points, le réaménagement moderne du territoire, ils ne les voient plus, ils s’en foutent.
On monte dans sa voiture à Niort, on enfourche l’autoroute et basta !  4 heures après on est aux portes de Paris. 450 Km.
Ici, on monte dans sa voiture à Kopytnik, on n’enfourche pas l‘autoroute parce qu’il n’y en a pas, on prend simplement la route et on file à Varsovie où on arrive trois heures après, voire trois heures et demi. 192 km seulement…
Moi, ça me plaît bien, beaucoup même, mais je ne suis pas Polonais. Je suis un zigoto romantique qui a vécu 50 ans à l’Ouest !

Tout ça, ce sont des insignifiances pour un Français. Ça ne fait même pas partie du confort de vie. Parce qu’on en a jusqu’à la gueule du progrès et de ses aisances, même si on s’en sert tous les jours avec avidité, comme on se sert de l’eau chaude et des micro-ondes. Les repères ne sont pas les mêmes qu’ici.
Ça viendra, ça viendra, on y court, mais pour l’heure…
Re-notez bien - c’est absolument primordial - que je me situe toujours dans « l’esprit des peuples » et non dans le mien.

Tusk, homme du centre-droit modéré, ne conduit donc pas l’Europe -  si tant est qu’on lui donne un peu de pouvoir de décision - vers  la guerre.
Pour la seule et très mauvaise raison que l’Europe, cette idiote utile, est déjà entrée dans une logique de guerre, sans même que les Européens de l’ouest, pourtant si orgueilleux de leur conscience globale - ne s’en soient rendus compte. C’est du propre !
Ecoutez donc la présidente lituanienne Dalia Grybauskaité : "la Russie est en état de guerre avec l'Ukraine, c'est-à-dire pratiquement en guerre contre l'Europe".
Quant à L’OTAN, grand protecteur des pays baltes, il rêve d’en découdre et multiplie, on le sait, les appels du pied dans cette direction.

Dans ce contexte, Donald Tusk est le seul Européen qui critique ouvertement l’Otan, qu’il dit n’être qu'aux ordres des USA.
De plus, il fut, en 2010, l’artisan d’un rapprochement historique avec la Russie de Poutine, auquel il donna l’accolade, près d’un lieu écrasé par une mémoire de haine et de ressentiment, Katyń.
Ce qui lui valut les foudres du PIS, l’accusant d’être un traitre au service de la Russie.
Une fois ce PIS revenu aux commandes, avec la Russie, ce sera donc la guerre totale.
C’est couru d’avance : ce sont des idiots passionnés, amoureux-fous de l’oncle Sam, en plus. Comment, sinon en isolant complètement leur pays, allieront-ils leurs discours anti-européens avec leur haine viscérale de la Russie ?
Les jours qui viennent seront donc sombres, de l’Atlantique à l’Oural. Et puisque les politiques européens ont choisi un Polonais pour présider leur conseil, ils ont sans doute choisi le meilleur.

A mon sens et en insistant une troisième fois sur le fait que je me situe dans «l’esprit des peuples» et non dans le mien.

 1 - La Pologne n’est pas dans un régime présidentiel mais parlementaire. Le premier ministre gouverne et le Président inaugure les chrysanthèmes

13:47 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : litélittérature, histoire, politique, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET