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16.11.2016

Il et moi

20161111_081027.jpgJ’étais  au fond du trou, assommé par l’adversité, aux prises avec le manque de tabac et refusant obstinément la solution si prompte, si moderne, si tout, des tranquillisants de l'apparence.
[…] Il est venu grignoter ta gorge, m’écrivit alors un ami, un très cher ami, il y a de cela quelques semaines déjà.
Cette petite phrase me fut un déclic.
Le genre de déclic qui met en branle les évidences.
Il ? Mais qui donc ?
En me  posant la question,  j’ai puisé alors un peu plus d’énergie en moi pour avoir encore un peu plus la volonté de me battre pour vivre des jours sub soli... J’ai conjuré une partie de ma peur.
Car il n’y a pas de il, sorte de bête, intrus diabolique, bactérie ou virus malfaisant venu de l’extérieur et qui se proposerait de me tout cru manger.
Il, c’est moi, moi seul, mes cellules, celles que j’abrite depuis ma naissance, celles qui sont au cœur de ma vie ; quelque chose qui n’appartient fondamentalement qu’à moi, quelque chose d’essentiel et que j’ai abîmé avec la fumée des cigarettes.
Je suis seul. Il n’y a pas d’ennemi tombé des nues, mandaté par le hasard ou la fatalité !
Quand je bricole et que je me flanque un coup de marteau sur les doigts – c’est assez fréquent (le coup de marteau, je veux dire) – une ecchymose apparaît qui modifie ma chair… Rien n’est venu de l’extérieur, sinon l’incidence du marteau, par ma seule main manié. Personne ne vient bouffer mon doigt, il était là, mon doigt, sain, souple, et c’est moi qui l’ai transformé.
C’est comme ça que j’ai décidé qu’entre le cancer et le malade, il y a une indissociable unité, une totalité, et, idiot ou pas idiot, cela m’a rassuré et donné quelque force.
Ça ne résout pas tout… Bien évidemment. L’issue de ce type de combat est toujours incertaine, la bataille faite de plongées dans le noir et d’ascension vers l’espoir et la joie d’être, la responsabilité du malade pas toujours aussi nettement engagée.
Je n’énonce donc  aucune généralité.  Je dis une évidence ponctuelle qui, pour mézigue, éclaircit les enjeux.

Je n’avais jamais mesuré non plus l’importance quotidienne de la parole. Du dire. Elle est liée, cette parole, à des sons formés par deux cordes vocales qui se rapprochent pour vibrer, comme la musique de la clarinette ou du saxo, et que la langue transforme en mots. Garder le silence ou murmurer crée dès lors un autre rapport au monde. Un rapport confidentiel. Comme si on n’avait que des secrets à dire.
Il neige encore, dis-je en regardant par la fenêtre... Mais sur le ton de celui qui ne veut pas que ça se sache.
Je finis par en rire. On finit par rire de tout.
Le mieux est encore d’écrire ou de se taire. Si on peut. Ni l’un ni l’autre ne sont choses si faciles, allez !

10:52 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent |  Facebook | Bertrand REDONNET