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24.08.2015

Histoire de l'idéologie, idéologie de l'histoire: le terrible amalgame

" La mort peut apparaître au moment de l’amour, dans l’élan créateur. Mais que ce soit encore dans l’infinie tendresse, les larmes et la pitié (c’est de l’amour encore). Aux moments très émus où je couvai, refis la vie de l’Eglise chrétienne, j’énonçai sans détour la sentence de sa mort prochaine, j’en étais attendri. La recréant par l’art, je dis à la malade ce que je demande à Dieu  Ezéchias. Rien de plus. Conclure que je suis catholique ! quoi de plus insensé ! Le croyant ne dit pas cet office des morts sur un agonisant qu’il croit éternel." 

Jules Michelet – Préface à Histoire de France - 1869 -

C’est en lisant ce passage, très actuel pour un athée qui défend sa culture non pas parce qu’elle a ses fondements dans le terreau judéo -chrétien mais parce qu’il ne sait pas s’exprimer, rire, chanter, aimer, écrire, lire, parler, penser, – même a contrario -, sans faire appel à ce ce qu'elle a  constitutif en lui, que je me suis souvenu du temps où l’Exil des mots était lieu d'un véritable débat, notamment avec Philip Seelen, Barbara Miechowka… et bien d‘autres.
J’ai dès lors eu envie de publier le commentaire que Barbara Miechowka avait laissé sur les fondements de l’histoire polonaise. Elle m’a donné son accord et je l’en remercie.
Ce sont des mots, ceux de Michelet comme ceux de ma commentatrice, que ne peuvent évidemment comprendre tous les caniches, tous les faux-culs, tous les décervelés, tous les modernes pédants, tous les faux bouffeurs de curés qui veulent déchristianiser l’Europe non pas pour la libérer d'une aliénation séculaire et parce qu’ils seraient intelligemment athées, mais parce qu’ils ont en charge de la noyer sous une autre culture et sous bien d’autres inavouables paramètres.
Devant tous les désastres que nous préparent ces salauds, seuls le retour en arrière et  la réaction  sont véritablement bien intentionnés.
Du point de vue de l’humain et tels, du moins,  que je les conçois.

 *

b27.jpg"Après avoir découvert le texte de Philip Seelen sur Katyń et l'avoir édité sur le site de l'association dont je m'occupe, je m'immisce avec plaisir dans cette conversation qui soulève la question du rattachement de la Pologne à l'aire de la culture européenne par le christianisme.
Pour mon regard franco-polonais de personne née en France après la guerre de parents réfugiés politiques polonais, elle m'apparaît de plus en plus souvent comme fondamentale et difficile à comprendre vue de France, car elle oblige à penser le rôle civilisateur du christianisme sous un angle qui n'est vraiment plus de mode de ce côté occidental de l' Europe déchristianisée et qui voue un culte chaotique à quelques dieux comme "les droits de l'homme", Marx et la consommation effrénée de biens matériels.
Beaucoup d'aspects du catholicisme polonais sont méconnus et pourtant fondamentaux. Au seizième siècle, il a produit une pensée politique qui a été le fondement d'un régime politique de démocratie nobiliaire et de monarchie élective au cours de ce qui a été appelé "le siècle d'or" de la Pologne: un état qui pouvait réunir sous un même sceptre des populations catholiques, juives et orthodoxes et même protestantes (car des protestants persécutés en France s'y étaient réfugiés) et musulmanes (il y en a quelques traces encore du côté de Białystok). Siècle d'or qui s'est ensuite décomposé en anarchie et a engendré les partages de la Pologne à la fin du dix-huitième siècle.
Au dix-neuvième siècle, ce sont toujours les valeurs chrétiennes qui inspirent les penseurs et les poètes tournés vers l'espoir de la renaissance de la Pologne: Mickiewicz (ami de Victor Hugo), Slowacki, Norwid, pour ne citer que les plus célèbres des "prophètes" qui ont vécu en exil.
Simultanément, c'est bien l’Église qui soutiendra la lutte pour la préservation de la langue polonaise, le plus fortement là où elle était la plus attaquée comme vecteur d'une culture et d'une tradition, c'est-à-dire dans l'Empire prussien.
Dans la si courte période d'indépendance de 1918 à 1939, une contestation de l’Église vue comme protectrice des intérêts des puissants, par exemple des propriétaires terriens, a fait son apparition de façon suffisante pour que, née en France et y ayant toujours vécu, je ne sente pas de fossé profond entre ce qui pouvait se dire au sujet de l’Église chez mes parents et ce que je pouvais en entendre ou en lire en France. Et pourtant, face aux mauvais coups du pouvoir communiste, mon père qui suivait les événements par les canaux de diffusion de l'information dans le monde des Polonais en exil, avait toujours l'oreille aux aguets et disait: "Que dira le Cardinal Wyszynski? Il ne peut pas laisser passer ça sans réagir".
Il me semble donc que c'est bien l'arrivée d'un communisme imposé de l'extérieur qui a redonné de la vigueur morale à une Église polonaise qui aurait aussi bien pu perdre de son influence, si le pays avait évolué librement. Face au communisme, c'est le personnalisme chrétien dont le pape Jean-Paul II a été un représentant particulièrement tonique qui s'est levé de façon spectaculaire dans certains courants de Solidarność, me semble-t-il.
C'est donc bien toute l'Histoire de la Pologne qui devient incompréhensible pour ce qu'on pourrait appeler à grands traits caricaturaux le "progressisme" occidental de gauche, si on fait l'économie de la découverte de ce qui va à contretemps des évolutions de la culture dans la partie occidentale de l'Europe.

Quant au présent et à l'avenir, il me semble que la Pologne est bien à nouveau dans le même bateau que l'Europe occidentale, qui se plaît tant à se gausser et à donner des leçons de modernité ou de civilisation aux Polonais, si j' en juge par les questionnements des quelques nouveaux écrivains polonais qui arrivent jusqu'à moi. Qui aura le dernier mot? L’Église polonaise a-t-elle de beaux jours devant elle? Nul de nous ne peut le prédire sans risque de sombrer dans le ridicule, car il suffit d'un retournement de situation ou d'une nouvelle catastrophe historique, dont nul n'est à l'abri, pour que les fondements chrétiens dans lesquels la culture polonaise a puisé un sens qu'elle a élaboré à sa façon, produisent de nouveaux bourgeons.

En continuant mes réflexions sur le rôle du christianisme en Pologne, d'autres faits me sont venus à l'esprit.
En France, c'est la pensée des Lumières qui s'est imposée comme le point de référence, mais pas en Pologne. Pourquoi? Deux explications me viennent à l'esprit:
- pays d'économie rurale encore jusqu'en 1939 où les paysans, propriétaires de petits lopins de terre, constituaient encore plus de 60% de la population de l''état polonais. Pays dans lequel la bourgeoisie, qui a été le milieu social porteur de cette pensée en Europe occidentale, n'a commencé à se développer vraiment qu'à la fin du 19ème siècle.
- Voltaire et d'autres, amis de Catherine II  qu’elle a bien roulés dans la farine, tout comme elle roula Stanislaw-August Poniatowski, son amant et dernier roi de Pologne, qui avait beaucoup œuvré pour essayer de diffuser la pensée des Lumières dans son royaume : Ce n'était certainement pas là  le meilleur mode d'entrée pour plaire aux élites polonaises du 19ème siècle...

En Pologne, il y a eu une tentative pour remettre la pensée des Lumières à l'honneur après 1945. Mais les universitaires qui ont commencé ce travail ont été obligés de quitter la Pologne en 1968. En France,  on ne retient de ce fait que l'étiquette "antisémite" pour expliquer ces exclusions de 1968 qui ont touché des universitaires aussi importants que Jan Kott, par exemple. Pourtant cette étiquette occulte une réalité tout autre dont il faut chercher le déclencheur du côté du Moscou de l'époque, celui qui a aussi envoyé ses chars à Prague en août 1968.
Ainsi on en arrive à une situation que Bronislaw Geremek a décrite dans un dernier article publié dans le quotidien Rzeczpospolita, quelques jours après sa disparition en juillet 2008. Il y écrivait que les deux sources de la pensée de l'Europe actuelle sont d'un côté les Lumières, de l'autre le christianisme, et qu'il fallait bien retenir pour l'avenir que l'expérience polonaise a montré que lorsqu’ ’une  de ces sources d'esprit critique fait faillite, c'est l'autre qui permet à l'esprit humain de relever la tête.
Un testament polonais, en somme...."

Image : Philip Seelen

12:29 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Devant la déferlante de l'islamisme radical, on en viendrait à regretter le temps où nos églises étaient remplies de fidèles. C'est un athée qui vous le dit, car les racines de notre culture sont là, indiscutablement. Même en adoptant le point de vue de Voltaire, on ne peut nier que nos racines remontent aux cathédrales du Moyen Age et au discours d'une Eglise qui a perduré pendant 2.000 ans.

Écrit par : Feuilly | 25.08.2015

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