11.07.2014
Réquisitoire -4 -
Tant bien que mal, je me rangeai bientôt à l’avis de Florent qui dissertait, à la limite de l’enthousiasme, sur le fait que, finalement, si on faisait abstraction des cinq mois qu’avait duré l’instruction de son dossier de demande d’Aide juridictionnelle, cette juridiction dite de proximité l’était vraiment. Un mois et demi seulement, en effet, s’était écoulé entre l’assignation faite à la partie adverse et l’audience.
Sauf que…
Le 17 mars
Ce fameux lundi, tant attendu, l’ami Forent était sur des charbons ardents. Il ouvrit au moins quarante fois sa boîte aux lettres, trépigna, s’impatienta, fulmina, m’appela pour me demander mon avis… Rien ne venait.
Son plaideur restait bouche cousue.
Florent laissa passer le mardi, puis le mercredi, et, enfin n’y tenant plus, téléphona le jeudi.
La secrétaire de Me Fortuna lui assura qu’elle transmettrait à son Maître. Elle transmit en effet et le soir même Florent reçut un mail l’avertissant que l’avocat de la partie adverse n’avait pas rendu ses conclusions, que l’affaire n’avait donc pas pu être plaidée et était ainsi renvoyée au lundi 7 avril.
Cet avocat de la partie adverse n’était pourtant autre que le saltimbanque qui avait établi et signé l’échéancier du recouvrement de la dette en 2010. Il connaissait donc parfaitement de quoi il en retournait. Dans ces conditions, Florent ne comprenait pas du tout ce subtil «n’avait pas rendu ses conclusions.»
Il s’en enquit par courrier auprès de Me Fortunat qui prit cinq ou six jours pour le toiser comme un pédant toise un ignorant : Monsieur, c’est la procédure. Elle doit être contradictoire. »
Féru de raisonnement dialectique, Florent répondit que oui, bien sûr, Monsieur, mais que signifiait une procédure contradictoire si un des protagonistes refusait de contredire ? Le mouvement vers la synthèse n’allait-il pas dans ce cas-là vers la négation pure et simple, vers l’obstruction sans perspective de dépassement ?
Pour un petit avocat à la ramasse, toute cette phraséologie hégélienne relevait sans doute du langage d'un charretier délirant.
Florent ne reçut bien évidemment jamais aucune réponse, ni philosophique ni juridique...
Je lui dis ce que je pensais, par expérience : c’était là leur amusement à eux et nous aurions beau chercher toutes les clefs du monde pour essayer d’entrer dans leur jeu que nous n’y parviendriions jamais.
Quand on se jette dans la gueule des loups, il est un peu tard pour s’inquiéter de la sauce à laquelle on va être dévoré, n’est-ce-pas ?!
Tout cela sentait le traquenard à plein nez.
J’espérais cependant de tout cœur que ces deux avocaillons de seconde zone, ces plaideurs pour chats et chiens écrasés, Bartaclay d’un côté et Fortuna de l’autre, n’étaient pas en train de se payer le bobéchon de mon ami.
Qu’ils le prennent vraiment pour un con, c’est tout de même complètement impossible, pensai-je.
La suite me prouva que non…
Le 7 avril
Second jour de grand espoir pour Florent, perché sur sa colline d’artiste peintre. Enfin, il allait être fixé et son argent allait lui être rendu de plein droit ! Il n’en doutait plus un instant… Tant d’efforts, tant d’attente, ne pouvaient décemment restés vains !
Sauf que…
L’affaire a été renvoyée au 12 mai, miaula Fortuna, une semaine après la seconde audience, la partie adverse n’ayant toujours pas remis ses conclusions.
Florent en resta cette fois-ci bouche bée, tétanisé, désormais incapable de formuler quoi que ce fût de cohérent et de sensé à propos de cette affaire.
Le pauvre ! S’il avait su ce qui allait suivre...
Et moi, le voyant dans cet état, je sentais monter en moi ma vieille colère et mon atavique dégout pour ces enrobés, ceux qui plaident tout comme ceux qui, faisant mine de les écouter pérorer, tel que dans une mauvaise pièce de théâtre, ont en charge de dire ex cathedra le droit.
Affaire à suivre....
07:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | Bertrand REDONNET
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