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11.09.2010

Ciels

P6030014.JPGQuand le ciel était gris, là-bas sur les rives océanes, sauf exception qui faisait aux hommes la bouche bée et l' œil interrogateur, les nuées avaient grandi au berceau atlantique, s’en étaient largement nourries, avant d’en être expulsées sans ménagement, devenues trop encombrantes.
Tant qu’elles galopaient, poursuivies par les colères furibondes d'
Èole. Elles galopaient si vite, paniquées telles des armées en déroute,  que bientôt les marais et les champs redevenaient jaunes et bleus, reconquis par la lumière.
Des mouettes aux têtes noires et des grands goélands aux becs jaunâtres, avaient suivi le mouvement, de la falaise à la plaine puis de la plaine à la falaise.
Sur la voûte au-dessus s’éparpillaient les restes de la bataille
en de gros flocons laiteux, inoffensifs, réduits au simple décor. Derniers témoins d'une échauffourée titanesque.

Ici, quand le ciel devient gris, lourd, accablant de pénombre,  les nuées sont nées sur la Mer noire ou sur la Méditerranée. Elles sont méridionales.
Alors, elles ne galopent pas, ces nuées-là. Elles sont indolentes,  elles flânent, elles badent. Le vent qui les poussait au départ est déjà à bout de souffle et n'a plus sa  conviction. Il a fait demi-tour et les a  abandonnées là, sur la grande plaine. Elles prennent alors le temps de manger tout le ciel, de bien le déguster, et quand elles en sont à le complètement digérer, elles s’assoupissent, elles s‘endorment sans vergogne, elles stagnent.
Bref, elles sont chez elles. Elles s’étirent, lascives, des côtes de Turquie ou de Géorgie  jusqu’au pôle.
Bruine, pluie, silence obscur et ténébreux. La prairie s’émaille de petits plans d’eau, la forêt cache sa tête dans des brumes incertaines, dont on ne sait si elles sont déjà crachin du bas ou encore nuages du haut.
C’est l’automne. Mais un automne qui ne frime pas encore  dans  son image d’Epinal, si haute en couleurs. Le vert de l’été s’est fait grisonnant et les saisons sont en transit, en mutation, en attente. Comme un train en gare qui préparerait son aiguillage.
Cette léthargie de la chappe immobile peut bien durer un mois. Alors, les maisons jettent vers elle les premiers signaux d'une fumée bleue.  Elle les engloutit, elle les intègre, elle les dissipe.
Quand le  ciel dort, la terre somnole et s'ennuie.

Les hommes, depuis le coin des poêles, jettent leur regard par la fenêtre. Tout ça, bientôt sera lavé par un soleil d’octobre affaibli de sa trop longue réclusion derrière l’écran trop gris. Tout sera  remis au propre, bien ouvert,  séché, avant que ne s’ouvre la grande page blanche, lisse, muette, chaque année immaculée, et  sur laquelle, par divertissement,  nous écrirons encore l’agonie du monde.
Pendant  que tournera  la terre et que s’écoulera de nos doigts l’impalpable temps.

09:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Très beau texte Bertrand, beau et vrai. Mon père disait qu' après la pluie et les nuages le soleil apparaîtrait toujours. Notre climat n'est pas facile. Les températures montent assez facilement au dessus de +30 en été, mais, elle peuvent descendre en dessous de -30 en hiver. La forêt sent différemment en été, en automne et en hiver, quand il fait du soleil, et quand il pleut ou quand le temps est simplement maussade. C’est en comprenant la nature du pays qu’on comprend ses habitants. Ces climats-là, pendant des siècles, ont contribué à former nos caractères. Cher Bertrand, tu es le seul Français que je connaisse qui comprend si bien les Polonais. Tu es un des nôtres. Bien amicalement, Marian

Écrit par : Marian | 11.09.2010

Oui, le temps impalpable qui s'écoule de nos doigts...
Ces doigts avec lesquels nous tentons d'écrire pour arrêter ce temps, sans jamais y parvenir.

Écrit par : Feuilly | 11.09.2010

"Alors, elles ne galopent pas, ces nuées-là. Elles sont indolentes, elles flânent, elles badent."
Deux phrases, juste deux phrases, et j'en viens à regretter le ciel plutôt bleu dans le cadre de ma fenêtre.
Il est vrai qu'un ciel infiniment bleu a de quoi vous rendre neurasthénique...

Écrit par : nauher | 12.09.2010

Cher Marian,je te savais lecteur assidu de l'Exil, mais lecteur silencieux..Cela me fait plaisir que tu aies manifesté ta présence.

Feuilly, le temps, oui,il est là le noeud gordien du voyage...

Cher Philip, il arrive parfois, que le cliché soit plus ennuyeux que son antipode...le ciel bleu, ça n'est beau qu'après la tempête. Comme le bonheur.

Écrit par : Bertrand | 13.09.2010

Bertrand,
en relisant mon commentaire, je me dis qu'il y a peut-être ambiguïté sur son interprétation. C'est le plaisir de vos deux phrases qui me faisait regretter qu'il fît presque ciel chez moi...

Écrit par : nauher | 15.09.2010

Les copains d'abord Bertrand enfin pour moi c'est les copines.

A bientot

Écrit par : Voyageuse | 15.09.2010

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