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13.05.2011

L'implacable Saturne

littératureNous passons.
Nous voyageons clandestins. A peine si nous voyons cette parallèle qui nous accompagne et que nous nommons, parfois, sans vraiment y penser, le temps.
Comme sur une règle graduée, des repères s’inscrivent pourtant. C’est en jetant un coup d’œil sur ces repères qu’on voit que tout ça prend dangereusement de la vitesse.
Destination l’horizon sans horizon.
C’est tout droit, la route est bonne, toute tracée, pas de souci, vous ne pouvez pas manquer l’objectif, vous êtes programmé pour ça. Il vous attend.

J’ai changé mes lunettes…Tout. Qui veut voyager loin ménage ses montures. Tiens, déjà quatre ans ! Oui, la vue avait encore faibli un peu. Je le sentais bien, mes livres de plus en plus près du nez et la lecture commandant de plus en plus de lumière derrière mon dos. C’est un signe. Un repère sur la règle. Encore quelques fois quatre ans et il n’y aura plus rien à voir.
Est-ce qu’on enterre les gens avec leurs lunettes ?

Et puis, bientôt six ans déjà que je vis hors de France. Six ans qui se sont évaporés, que j’ai vécus pleinement, à fond,  et il me semble que c’était hier seulement que j’embarquais mes trois jeans, ma guitare et quelques bouquins pour décider de laisser derrière moi tout un pan de mon histoire.
J’ai perdu mes amis. Pas assez solide comme lien, sans doute. Le mien comme le leur. Les nœuds pas assez serrés pour supporter le fracas des changements de cap à quatre-vingt dix degrés.  Crac ! Dommage, tout ça.

Six ans sous cette latitude de l’intempérance. Il y a quelques semaines seulement,  je me battais bec et ongles avec des moins vingt- cinq degrés pour que l’eau ne gèle pas dans mes tuyaux et là, je suffoque sous un ciel trop bleu, trop blanc, trop lourd, trop grand avec cette boule de feu plombée sur son visage et qui n’arrête pas de faire ruisseler les peaux.
La canicule, force des étymologies, c’est vraiment un temps de chien !
Le corps morfondu, l’esprit au ralenti.

Mais ce sera un jour l’automne. Les changements de perspective de l’équinoxe. La  lumière entraînée de l’autre côté par un poids gigantesque. Lumière oblique, délicieux frissons des brouillards qui trembleront sur les champs.
Une meule qui tourne et qui nous broie, tout ça...Le nombre de fois de trop où nous avons dit vivement bientôt  ! Nous croyons attendre des rendez-vous et c'est eux qui nous attendent, goguenards !

Que coule notre beau voyage  à bord de ce vaisseau spatial qui se balade parmi toute une flotte désordonnée d’autres vaisseaux !
Qui tourne en rond, comme une espèce de derviche schizo. Des siècles et des siècles après Copernic, je  suis toujours émerveillé de voir l’astre rouge disparaître au soir derrière le toit de Paul et resurgir derrière celui de Pierre, à l’opposé, dès trois heures du matin.
Seules les grandes naïvetés nous ramènent sans ambages à notre condition de poètes malgré nous. Soyons naifs, candides, ras les pâquerettes. Le nombre de mensonges vaniteux qui se cachent  au fond des grandes questions qui n'en sont pas !

J’aimerais que ça soit comme ça, la fin : qu’on soit surpris à voyager clandestin, sans billet, et qu’on soit balancé par-dessus bord. Dans le cosmos. Avec des poussières d'étoiles comme des lampes de chevet.

Pour faire la pige à Saturne et répéter à l’infini la scène du derviche. Une vraie scène, cette fois -ci.
Car nous avons passé nos vies, notre temps, notre énergie, notre savoir et notre envie, à rejouer des scènes. Saltimbanques sans théâtre et sans public.

Image : Philip Seelen

15:33 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Il faut s'appeler Ben Laden pour être balancé par dessus bord, eh !
Et dire que les finassiers de la sphère lexicale ont ergoté et tergiversé pour savoir si on l'avait enseveli ou immergé, pendant que personne n'osait écrire «balancé par dessus bord», pfff., la canicule vous réussit ! Canicule à 23 °C, j'en redemande, moi (!)

Écrit par : ArD | 13.05.2011

Ah, mais, ArD, tout est relatif dans ce monde. 23 degrés c'est énorme quand on sort de - 20...ça fait , si mes calculs sont bons...heu...Attendez que je prenne ma calculette...43 degrés d'amplitude thermique.
Jamais vu ça en France. Surtout pas en votre sud lumineux en tout cas.Disons qu'avec le même écart,votre thermomètre se verrait contraint de monter vers 53 degrés....D'exploser, quoi.Ca serait rigolo, ça...

Écrit par : Bertrand | 13.05.2011

Oui, naturellement ! J'oubliais que le ressenti, tel un mitigeur thermo-dynamique, accroît la pertinence du système relatif.

Écrit par : ArD | 13.05.2011

Ou inversement, comme de bien entendu...

Écrit par : Bertrand | 13.05.2011

derviche schizo... encore une de tes trouvailles lumineuses.

il y a déjà longtemps que je ne dis plus: vivement....., croyant naïvement ainsi atténuer le tourbillon dans lequel on est embarqués malgré soi.

essayons de reprendre le dessus avec un optimisme béat; notre cerveau est-il de plus en plus gros,composé de plus en plus d'alvéoles capables d'engranger toutes les scènes de notre mémoire; je me demande vraiment où tout çà se case puisqu'avec l'âge, l'album qu'on feuillette se complète peu à peu; çà ne doit pas être bien scientifique ce que je raconte;peu m'importe, sans doute qu'il se ratatine, se racornit, se flétrit, se déssèche... Alors, hydratons, hydratons...


amitiés Anne-Marie

Écrit par : EMERY ANNE-MARIE | 14.05.2011

"l'album qu'on feuillette se complète peu à peu" J'aime bien ce que tu dis là, Anne -Marie.
Et heureux de te ré-entendre sur l'Exil où il y a beaucoup de silence depuis quelque temps. Mais bon, on est là, on y reste.
Amitiés

Écrit par : Bertrand | 18.05.2011

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