05.06.2012
Ma mémoire et la mer
Même avec des cerises discrètement épinglées parmi les feuilles, des moineaux tapageurs, des odeurs d’herbes sèches et de terre poussiéreuse, des soirs embarrassés et fuyants, incapables de se prononcer pour le chien ou pour le loup, le printemps venait de changer d’avis.
Mai était gris.
Je regardais vers l’Ouest. Á deux pas, à un battement d’ailes de goéland, je savais l’océan et ses rumeurs de balancier.
Je n’ai jamais été un homme libre. Je n’ai jamais chéri la mer.
Elle ne me ressemble pas.
Je ne me reconnais pas en elle.
Elle m’agace.
Tous les symboles superfétatoires de la puissance m’agacent.
Surtout les puissances sans mystère.
L’homme connaît tout de la mer, ses moindres contours, ses mouvements, ses odeurs, ses effets de style.
Il la possède. Il chevauche son échine, culbute ses écumes, la souille de son mazout et caresse son ventre à poissons.
Et puis, pour un voyageur sans navire et sans rames, la mer est un point final, un mur, un renoncement, un échec.
Est-ce pour cela que les gens, les yeux perdus comme dans un infini fort convenu, aiment songer depuis ses plages et ses rochers ?
A quoi songent-ils ? A elle ? A eux ? A un impossible Nous ?
Moi, la mer ne m’a jamais bercé.
La mer, elle va de pair avec tous mes impairs. Je lui conteste le droit de limiter le monde au mouvement de ressac d’un cul-de-sac.
Alors j’ai fui de l’autre côté.
J’ai mis les voiles en quelque sorte.
Loin à l’est. 51° 50’ 42 ‘’, latitude Nord, 23 ° 16 ‘ 20 ‘’, longitude Est.
C'est plus parlant que toutes les plus belles phrases du monde. Ca veut dire Climat et on y lit Paysages.
Les gens ne savent plus perdre leurs errances sur des coordonnées.
Avant, je n'avais pas de longitude. Ou si peu. 0. En plein sur le méridien de départ.
Une longitude qui emprisonne le mouvement, une longitude où l'on n’a pas toute latitude pour choisir sa direction.
A l’ouest du point 0, il n’y a en effet qu'un monde liquide. Si peu de terres.
Soixante kilomètres.
Même pas le temps d'une rêverie.
11:24 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
C'est vrai, mais l'abus de limons de plateaux ou de vallées sèches lasse aussi... Surtout le matin, une pelle à la main.
Écrit par : Alfonse | 05.06.2012
Les limons se ramassent à la pelle...
Écrit par : Bertrand | 06.06.2012
Les commentaires sont fermés.