23.01.2010
Les mots de l'écho, l'écho des mots...
Quand on écrit les pieds au chaud, qu’on a le ventre plein, que les lendemains, ma foi, sans être des promesses d’Eldorado, au moins s’envisagent avec l’essentiel de la survie satisfait, on peut se permettre d’être sévère avec le monde.
On peut en interpréter l’adversité. En faire littérature.
On peut même se pencher sur son propre style, le message étant filtré par la réflexion poétique inhérente à tout art.
Couteau émoussé. Dérisoire. Fautif.
Car il est loin, le monde. On peut dès lors le tarabuster tels des enfants qui taquineraient une bête féroce enfermée derrière les barreaux d'une cage de cirque.
Les tourments et les souffrances ne s’offrent à la littérature que lorsqu’ils ont été dépassés, vaincus, et cette littérature n'est en cela, pour moi, qu'une étoile morte qui renvoie encore sa lumière, par le truchement des lois espace/temps/vitesse.
Directement vécu et image transmise sont irrémédiablement antinomiques.
L’écriture n’a pas d’objet sous les feux d’une tempête.
Aux prises avec la brutalité d’un climat et n’ayant pas les moyens matériels de l’affronter, j’essaie de corriger les épreuves de mon livre, écrit dans le calme et la sérénité, sur les climats, leurs intempérances et leurs douceurs, sur les bonheurs ou les âpretés de la machine ronde.
Impossible pour l'heure.
Sujet trop présent, qui colle à la page.
Comme le capitaine d'un navire en perdition et qui se mettrait en devoir d’écrire un sonnet sur la catastrophe.
L’écriture n’est pas un cri du réel...
Elle n'en est que l’écho.
Un écho peut-il renvoyer exactement ce que disait un cri ?
11:30 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
Sincèrement navrée que ce froid cruel te fasse souffrir si vivement et mette un frein à tes projets d'écriture; un peu chaud au coeur, c'est sans doute la seule chose que je puisse faire en te disant combien je partage quotidiennement ton amertume et tes colères; nous sommes un si petit nombre à ne pas nous engouffrer dans l'imbecillité des medias, nous continuerons en restant sagement à l'écart du barnum; alors, Bertrand, tu n'as pas non plus constaté le réchauffement climatique??nos amis historiens et scientifiques ont beau rappeler des faits, il faudra s'acquitter des taxes, on l'avait vu venir, tout çà! amitiés AME
Écrit par : Anne-Marie Emery | 23.01.2010
Pas les moyens matériels de l'affronter ? Vous en dites trop ou pas assez, Bertrand. En même temps je comprends votre ressenti. Je comprends la sourde colère, le dépit et la passion pour l'écriture qui se disent là, en quelques lignes. Je comprends votre colère contre Pujadas, contre votre pays qui est aussi le mien, contre les citoyens gadgets et consuméristes que sont devenus les occidentaux. Demain, une trentaine d'eux pendant une heure, puis une trentaine d'autres pendant une deuxième heure, et une troisième vont me "comsommer". On appelle ça enseigner.
Et que puis-je vous dire, face à cette hostilité naturelle que je ne ressens que de loin, dans ces classe surchauffées, sinon, courage et amitié ?
Ecrire, quand même.
AMicalement.
Écrit par : solko | 24.01.2010
Je sens bien la frontière ténue qu'il y a à tenir un blog et la "vie privée" du tenancier, entre le blog à prétention littéraire et le journal intime..
Je sens bien que peut-être ce genre de texte frise l'impudeur et enjambe ce fossé qui existe entre la puissance ou l'impuissance de nos vies personnelles et le discours qu'en donne l'écriture.
Un blog, après tout, c'est fait pour des lecteurs et les lecteurs n'ont que faire - tant mieux et c'est normal - des exigences de la survie d'un auteur.
Le problème est que je ne sais pas, n'ai jamais su faire la distinction entre la vie vécue et la vie racontée.
ça donne ce genre de dérapage.
Que je revendique, au risque d'ennuyer, peu importe.
Mais s'il faut écrire du ciel bleu dans un ouragan, alors c'est pas pour moi et je me méfie comme de la peste de la permanence des ciels bleus..
"Par moyens matériels", je voulais dire que par moins trente trois degrés, il faut avoir les moyens d'avoir un logement qui supporte le choc.
Amitié et à bientôt pour des sujets plus "littéraires"
Écrit par : Bertrand | 25.01.2010
Beaucoup de pensées dans ce froid brutal que vous affrontez.
Moi non plus je ne sais pas faire la distinction entre "vie vécue et racontée- même si je ne suis pas comme vous un écrivain.
Je ne trouve pas qu'il s'agit de dérapage, mais de réalité simplement. Et personnellement je suis très touchée par ce que vous dites de votre vie en Pologne et donc aussi par le billet "les mots de l'écho".Vous n'ennuyez pas; au contraire.
Écrit par : Sophie | 27.01.2010
Merci Sophie...Ce ne sont que durs moments à passer, mais ils sont durs.
Ces voix lointaines me sont précieuses
Écrit par : Bertrand | 28.01.2010
"L’écriture n’a pas d’objet sous les feux d’une tempête." dites-vous. Il n'empêche : au plus fort des hostilités, vous continuez d'écrire...
Quant à savoir s'il y a des sujets plus "littéraires"... vous y mettez le style et le style n'a pas de sujet.
Bien à vous.
Écrit par : nauher | 29.01.2010
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