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08.12.2012

Quand les vieux démons reviennent, côté coulisses

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Texte mis en ligne le 1er décembre 2009

Introduction:

C'est comme une histoire de fous, mais vécue par des gens censés ne pas l'être, fous.
Elle est véridique, cette histoire, et nous avons eu l'heur de la lire, passablement éberlués, dans les colonnes du numéro 48 de Polityka.
Elle s'est déroulée à Poznań.
Plus précisément, dans un grand théâtre de Poznań, et plus précisément encore, en coulisses.
Ce grand théâtre accueillait ces jours-ci le Théâtre Polonais de Danse, institution remarquable qui se produit dans différentes salles du pays et qui, depuis quelques mois, s'est adjoint le talent d'un danseur israélien émérite.

L'histoire :

Alors que le susdit danseur s'entraînait à rideau fermé avant la répétition générale, il a soudain senti sur lui peser un regard  insistant, qui l'a dérangé et troublé dans sa concentration au point de s'interrompre et d'aviser effectivement dans les coulisses un employé qui le fixait, immobile, avec une mine assez sévère, et peut-être, même, qu'il le toisait, moqueur, méprisant, ce salaud d'employé !
Rien de grave, me direz-vous. Mais attendez que je vous décrive le machiniste scrutateur et soi-disant goguenard. Petit, nerveux, l'œil noir, une mèche de cheveux lui barrant le front et une petite moustache fournie, bien taillée en balais de chiottes, juste sous les narines...Vous y êtes ?
Non ? L'artiste israélien, lui, est formel : cet ouvrier ressemblait à s'y tromper à Hitler, lequel artiste a pris peur et s'en est ouvert à une responsable du Théâtre
Polonais de Danse, lui demandant de dire à cet employé de déguerpir.
Las ! Las ! Les choses n'en sont point restées là. L'employé courroucé - je vous laisse deviner à quoi peut ressembler un employé qui ressemble à Hitler quand il est courroucé - a porté plainte auprès de  la directrice  pour.... discrimination.
C'est là que l'anecdote tourne au cauchemar et que, comme dans tous les cauchemars, elle permute les rôles du réel. Car un homme qui ressemble à Hitler à s'y méprendre et qui porte plainte contre un homme de confession juive, un artiste en plus, pour discrimination, ça fait grincer des dents dans la mémoire collective.

Et ça n'est pas tout ! Les camarades de l'employé-fantôme, outrés de la mesure prise à l'encontre de leur collègue, ont menacé de faire grève pour la Première si on ne le remettait pas à son poste.
À l'occasion d'une autre discussion orageuse avec la directrice artistique du Théâtre, pour tout autre chose que cette lamentable affaire, quelque chose ayant trait à l'organisation du spectacle, le danseur traumatisé, quant à lui, en est arrivé à évoquer une nouvelle fois l'incident : il a maintenu avec force qu'un employé-Hitler l'avait nargué et regardé de façon très agressive.
Hélas encore, trois fois hélas, la directrice était déjà mal disposée envers le danseur car, paraît-il, depuis quelque temps, le bruit courait que ce dernier se plaignait à qui voulait l'entendre que ce spectacle était une galère et qu'il était décidément impossible de travailler convenablement avec "ces connards de Polonais !"

Mal disposée, donc, au point de lâcher dans l'altercation qui ne manqua pas d'éclater : Espèce d'enculé de juif !
Aie! Aie ! Là,  ça  s'est vraiment gâté .
Et l'artiste aussitôt de se lever et de  hurler : Espèce d'enculée de nazie !
Et voilà l'affaire portée diligemment  à la connaissance de l'ambassade israélienne en Pologne et voilà la directrice  artistique virée sur le champ !

Et qu'en est-il, dans tout ça, advenu du machiniste sosie ?
Des journalistes ont fini par le dénicher, tout penaud, dans les vestiaires. Lui, il dit qu'il a toujours eu la moustache et s'est toujours coiffé de la sorte, qu'il n'est pas fasciste pour un sou, que la guerre c'est du lointain passé, qu'il est embêté avec cette histoire qui fait grand bruit dans le Landerneau et que, s'il est viré de son emploi, il se demande bien ce qu'il va devenir et comment il va  nourrir sa famille.

Conclusion :

Et le journaliste de
Polityka de poser la question : où commence le délit de sale gueule*et l'inconvenance quand on a le malheur congénital de ressembler à Hitler en présence d'un artiste israélien  ?
Au regard ? Au fait d'exister ?

Annexes :

- *NDLR Exil des mots
-    Le spectacle préparé portait sur  : La chute  du mur et la tolérance. Hé ben, c'est raté !

Image : philip Seelen

12:12 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

ne commente jamais, timidité et maladresse - là c'est juste pour affirmer ma place dans vos lecteurs fidèles

Écrit par : brigetoun ou Brigitte Célérier | 01.12.2009

.....Et je vous remercie bien, Brigitte, de cette fidélité à laquelle le silence n'enlève rien.
Amicalement

Écrit par : Bertrand | 01.12.2009

Le Progrès, Polityka, même combat...
Monde absurde. On pourra bientôt faire n'importe quoi mais plus rien dire. Plus rien penser. Ionesco, grand prophète, finalement...

Écrit par : solko | 01.12.2009

Le rapprochement avec Ionesco est ici de la plus parfaite pertinence.

Écrit par : Barbara M. | 02.12.2009

Ubuesque. Après ta truculente façon de raconter, je m'en vais voir l'article dans le n° de Polityka s'il est consultable en ligne.

Écrit par : Michèle | 04.12.2009

Je crois, Michèle,qu'il n'est pas traduit et que pour avoir accès à tous les articles, il faut un abonnement.
Je crois.

Écrit par : Bertrand | 04.12.2009

Je m'en doutais et ce que je veux dire c'est que grâce à toi (et à D.) nous lisons Polityka.

Écrit par : Michèle | 04.12.2009

Les commentaires sont fermés.