09.08.2011
Brassens et de la corde de pendu
Brassens, dont les béotiens de tout poil et les prétentieux de tout acabit ont dit, disent et diront encore longtemps qu’il ne s’engageait pas pour les grandes causes et sur les graves préoccupations de son temps - ceux-ci considérant sans doute que s’engager c’est porter ostensiblement, à bout de bras, les drapeaux de ses convictions - avait pourtant fait en même temps son entrée dans le monde de la chanson et un scandale avec un pamphlet remarquable contre la peine de mort, Le Gorille.
Forestier raconte d'ailleurs cette anecdote où de jeunes artistes avaient justement organisé, bien plus tard, un concert contre la peine de mort.
Forestier raconte d'ailleurs cette anecdote où de jeunes artistes avaient justement organisé, bien plus tard, un concert contre la peine de mort.
Ils avaient invité Brassens qui gentiment avait décliné, arguant du fait qu’il n’était pas à son aise dans les grandes kermesses et que sa présence n’apporterait pas grand-chose de plus à cette manifestation qu’il soutenait de tout cœur.
A force d’insistance et pour faire finalement plaisir à ces sympathiques chevelus, Brassens consentit tout de même à faire une brève apparition, mais fit admettre qu'il serait "hors affiche."
Ce fut bref. Le poète moustachu offrit deux titres, le pied sur son éternelle chaise et aux lèvres le non moins éternel sourire, avant de céder précipitamment la vedette aux jeunes.
Ce fut même beaucoup trop bref. Le public se leva, réclama, appela, se bouscula, hua, à tel point qu’on rattrapa Brassens qui déjà s’était installé au volant de sa voiture et qu’on le supplia de remonter, sans quoi la soirée risquait de tourner à l’émeute.
On remit donc la chaise en place et Brassens interpréta, magistral, Le Gorille. Il y eut alors quelques secondes d’un silence pathétique avant le tonnerre d’applaudissements, sitôt qu'il eut conclu :
A force d’insistance et pour faire finalement plaisir à ces sympathiques chevelus, Brassens consentit tout de même à faire une brève apparition, mais fit admettre qu'il serait "hors affiche."
Ce fut bref. Le poète moustachu offrit deux titres, le pied sur son éternelle chaise et aux lèvres le non moins éternel sourire, avant de céder précipitamment la vedette aux jeunes.
Ce fut même beaucoup trop bref. Le public se leva, réclama, appela, se bouscula, hua, à tel point qu’on rattrapa Brassens qui déjà s’était installé au volant de sa voiture et qu’on le supplia de remonter, sans quoi la soirée risquait de tourner à l’émeute.
On remit donc la chaise en place et Brassens interpréta, magistral, Le Gorille. Il y eut alors quelques secondes d’un silence pathétique avant le tonnerre d’applaudissements, sitôt qu'il eut conclu :
Comme l‘homme auquel le jour même il avait fait trancher le cou !
Emu, Forestier se souvient. « Tous avons su alors pourquoi il était venu. Mais pour cela, il nous a fallu attendre le dernier vers du rappel. Il craignait de nous faire de l’ombre, à nous, jeunes artistes engagés…»
Ce fut la seule contribution de Brassens à un concert militant. Et c'est l’unique fois, si ma mémoire ne me joue pas un sale tour, où, dans ses poèmes, il fait directement allusion à cette horreur barbare que fut la guillotine.
L’inconditionnel de Villon, quand il évoque le châtiment suprême, procède d'une allégorie et parle de pendaison, que ce soit dans la Mauvaise réputation, la Messe au pendu, Celui qui a mal tourné, le Moyenâgeux, les Quatre bacheliers, le Grand chêne, Mourir pour des idées ou , magnifique, le Verger du roi Louis de Théodore de Banville.
Le temps est un faux-jeton et commet force erreurs de parallaxe.
« Plus de danse macabre autour des échafauds » et " Car enfin la Camarde n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux", qui déjà peuvent nous paraître surannés, ont été écrits dix ans, oui, dix ans avant l’abolition de la peine de mort !
Ce fut la seule contribution de Brassens à un concert militant. Et c'est l’unique fois, si ma mémoire ne me joue pas un sale tour, où, dans ses poèmes, il fait directement allusion à cette horreur barbare que fut la guillotine.
L’inconditionnel de Villon, quand il évoque le châtiment suprême, procède d'une allégorie et parle de pendaison, que ce soit dans la Mauvaise réputation, la Messe au pendu, Celui qui a mal tourné, le Moyenâgeux, les Quatre bacheliers, le Grand chêne, Mourir pour des idées ou , magnifique, le Verger du roi Louis de Théodore de Banville.
Le temps est un faux-jeton et commet force erreurs de parallaxe.
« Plus de danse macabre autour des échafauds » et " Car enfin la Camarde n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux", qui déjà peuvent nous paraître surannés, ont été écrits dix ans, oui, dix ans avant l’abolition de la peine de mort !
Pas engagé Brassens ? Je ne suis pourtant pas certain que les visions des écrivains de cette fin 2011 projettent aussi loin leurs exigences humanistes.
14:07 Publié dans Brassens | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
Je suis bien d'accord avec vous !!!
Le talent ne se mesure pas à la taille des glaviots ...
Brassens n'était pas du genre à mollarder, c'était juste un esthète, un vrai.
Écrit par : Vinosse | 09.08.2011
http://www.monde-libertaire.fr/portraits/9871-un-brassens-meconnu
Écrit par : Yves Letort | 10.08.2011
Si,si, Vinosse, le talent se mesure aussi à la taille des glaviots : il est inversement proportionnel.
Bien à vous
Merci, Yves, pour cet article joli, plein de chaleur, plein de coeur et de simplicité.
Brassens signait "Jo la cédille." C'est vrai que les biographes, certains, ont tendance à passer sous silence ce visage de Brassens. Comme ils ont une tendance fâcheuse à minimiser les premiers "faux-pas" (vis à vis de la loi) de Brassens adolescent à Sète, alors que c'était déjà bien là, en herbe, l'auteur de de "La Mauvaise réputation", " de "La Mauvaise herbe" des "Quatres bacheliers" et de "Stances à un cambrioleur", etc.
Bien à vous itou
Écrit par : Bertrand | 11.08.2011
il y a sur ce sujet une belle vidéo d'un échange, cordial, entre Brassens et Ferrat sur le sujet ...
Lequel Brassens disait : Je n'ai pas de solution collective. Vous pensez bien que si j'avais une solution collective…j'aurais posé ma guitare et je militerais. »
Si vous habitez loin et n'avez pas vu l' Espace Brassens à Sète, je vous propose ma vidéo
http://www.dailymotion.com/video/x4agjs_brassens_music#.URX-KR12S-k
Écrit par : ppcaillou | 09.02.2013
Ah, merci beaucoup, beaucoup.
J'habite loin, oui...très loin de Sète. Mais je connais l'espace Brassens là-bas. J'y fus invité, en compagnie d'Emile Miramont (Corne d'Arurochs), Onteniente ( Gibraltar) et d'autres, par la conservatrice du musée à l'occasion des 20 ans de la mort du poète et pour la sortie de mon livre, "Brassens poète érudit." Inoubliables moments !
Bien à Vous et merci d'être passé par là.
Écrit par : Bertrand | 11.02.2013
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